Nouvel horizon pour la Maison Cauchie
Ce petit bijou du patrimoine architectural belge est mis en vente pour 1,8 million d’euros. Dessinée par l’architecte Paul Cauchie et emblème de l’Art nouveau bruxellois, la demeure pourrait conserver sa vocation muséale ou reprendre une voie résidentielle.
Sa façade marque directement les esprits. Située au bout de la rue des Francs, à Etterbeek, à deux pas du parc du Cinquantenaire, la Maison Cauchie est un bijou d’Art nouveau qui se cherche dorénavant un nouveau propriétaire. Les cinq enfants de Guy et Léo Dessicy n’ont plus les mêmes aspirations et ont donc mis en vente le bien pour 1,8 million d’euros (*). Une page se tourne pour cet emblème du patrimoine architectural belge qui restait accessible au public deux samedis par mois. “J’espère au fond de moi que le nouveau propriétaire maintiendra l’accessibilité des lieux au public mais je n’ai bien évidemment aucun pouvoir ou aucune garantie à ce sujet, lance Michèle Dessicy, une des filles Dessicy, en montrant les sgraffites qui ornent les murs. Mais, quoi qu’il arrive, l’ASBL qui fait perdurer l’histoire des lieux continuera à vivre. Que ce soit ici ou ailleurs.”
La nombre d’acquéreurs potentiels pour ce type de bien n’est bien évidemment pas légion. Il s’agit d’un produit de niche qui sera davantage vendu comme une oeuvre d’art que comme un bien résidentiel. “J’ai pourtant fait visiter la maison à une dame qui souhaitait y habiter, lance Brigitte Salma, de l’agence immobilière Belgium Sotheby’s International Realty. D’autres candidats voulaient la maintenir en l’état, une compagnie d’assurance désirait en faire un lieu d’accueil. Le bâtiment se prête en fait aux agencements les plus divers et s’avère idéal pour un particulier, un amateur d’art, une fondation ou une galerie d’art. Le récent rapprochement entre nos branches immobilier (Sotheby’s Realty) et artistique (Sotheby’s Auction) nous offre en tout cas davantage de possibilités. Car ce bien se situe au confluent des deux. Cette vente sera avant tout celle d’un coup de coeur car il s’agit d’un produit hors norme.”
Rafraîchir les lieux pour le transformer en habitation nécessitera en tout cas un budget important. Sans parler de son classement, qui rend la tâche particulièrement ardue aux futurs propriétaires et réduit le champ des possibilités. “Ce bien a toutefois une âme particulière, ajoute Brigitte Salma. Il y en a très peu dans le paysage bruxellois.”
Des sgraffites à découvrir
Car la Maison Cauchie est une oeuvre d’art, au même titre que les Maisons Horta et Autrique ou les Hôtels Tassel, Max Hallet et Frison, même s’il faut préciser qu’elle est plus géométrique que les autres maisons bruxelloises de style Art nouveau. Erigée en 1905 par l’architecte Paul Cauchie, elle a été rachetée en 1980 par Guy et Léona Dessicy pour être rénovée dans la foulée. Une acquisition qui a permis d’éviter sa démolition dans le but de la remplacer par un banal immeuble à appartements. Le bien était toutefois tellement dégradé que le travail de restauration s’est étendu sur 15 ans. Celui-ci a permis de remettre en valeur la façade unique décorée des fameux sgraffites (décorations réalisées par la superposition et le grattage de couches de mortier coloré), spécialité de son concepteur Paul Cauchie, de même que les feuilles d’or et de pilastres en bois, tout en restaurant les nombreuses peintures murales. “Les sgraffites avaient été recouverts d’enduit, la maison était dans un triste état, se souvient Michèle Dessicy. Les travaux ont été considérables.” Une salle d’exposition a été aménagée en sous-sol. Elle accueille les visiteurs. Cet espace était anciennement réservé aux fonctions domestiques.
Espaces cachés
Le rez-de-chaussée – aux murs décorés de sgraffites – comprend trois pièces de caractère, un salon, une salle à manger et une pièce arrière. On retrouve un appartement au premier étage de même qu’un atelier au second. Des espaces modulables qui, eux, contrairement au rez, peuvent faire l’objet d’une importante rénovation. Se faufiler entre les pièces permet en tout cas de découvrir des espaces cachés un peu partout. La superficie de l’ensemble s’étend sur 330 m2. “La valeur de la maison n’a pas été aisée à déterminer car il n’y a pratiquement aucun élément de comparaison, fait remarquer Brigitte Salma. La valeur affective joue donc un grand rôle dans le prix.”
D’autant que si la destination future de ce bien encore loin d’être fixée, son affectation actuelle aurait déjà pu basculer à plusieurs reprises. “Cette maison est le lien entre mes différentes passions”, expliquait en 2011 Guy Dessicy, coloriste et fondateur du Centre belge de la bande dessinée, au webzine spécialisé ActuaBD. “Sa façade est une affiche et nous avions pensé créer dans ce bâtiment un musée autour de Tintin. Hergé nous avait même donné son aval. Finalement, la Maison Cauchie a trouvé une autre affectation. Heureusement. Dans quel état seroeait-elle aujourd’hui, compte tenu de l’évolution de la notoriété de Tintin.”
(*) Les offres peuvent être remises par pli fermé et scellé jusqu’au 15 juillet.
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