Une nouvelle étude scientifique se penche sur le projet de stade de l’Union Saint-Gilloise. On fait le point sur la situation et les chances d’obtention du permis d’urbanisme, avec Olivier Paye, professeur de sciences politiques à l’UCLouvain et à l’Université Saint-Louis, et co-auteur de l’étude.
Le champion de Belgique est à la recherche d’un nouveau stade. Son enceinte actuelle, le stade Joseph Marien, s’avère trop petite pour répondre à la demande — comme en témoigne l’emballement du marché noir lors des derniers jours du championnat, à l’approche d’un potentiel sacre — et ne répond pas aux normes de l’UEFA. Résultat : l’Union Saint-Gilloise enregistre un manque à gagner pour ses matchs à domicile en championnat et doit louer d’autres infrastructures pour les rencontres européennes, une solution qui s’avère souvent complexe.
Le club a jeté son dévolu sur une parcelle située à Forest, commune bruxelloise où il évolue depuis 1919. Ce terrain, localisé le long du ring sur le site du Bempt, appartient à la commune, qui l’utilise actuellement comme zone de stockage de matériel. L’Union souhaite acquérir cette parcelle et financer entièrement la construction du nouveau stade sur fonds propres.
Comme pour de nombreux projets immobiliers à Bruxelles et en Belgique, le dossier avance lentement et se heurte à plusieurs points de blocage. Une nouvelle étude, publiée ce jeudi dans la revue scientifique Brussels Studies, retrace l’évolution du projet, en mettant en lumière les principales étapes : le refus par la commune de l’offre d’achat du terrain, l’implication progressive de la Région dans les négociations, ou encore les différentes études explorant — ou écartant — des alternatives, telles que l’agrandissement du stade Marien ou un éventuel partage avec Anderlecht. L’étude identifie et analyse les divers freins au projet. Elle est signée par les chercheurs Olivier Paye, Loïc Cobut, Thomas Ermans, Lou Kervarrec, Youri Lou Vertongen (UCLouvain – Saint-Louis Bruxelles) et Thomas Laloux (UCLouvain), issus des sciences politiques, sociales et de la géographie.
Permis d’urbanisme
Ce retour sur le parcours du dossier s’arrête fin 2024, avec les élections communales. Mais depuis, il y a eu du neuf. Dont une nouvelle majorité communale, et surtout le dépôt d’une demande pour un permis d’urbanisme de la part de l’Union Saint-Gilloise, plus tôt en juin. Permis sur lequel l’Union compte pour faire une nouvelle offre d’achat à la commune. Quelles sont les chances de ce permis d’aboutir, au vu des blocages que le dossier connaît depuis des années ?
“Ce qui est à remarquer, c’est que le permis a été introduit et qu’il l’a été avec le feu vert des autorités communales de Forest. La majorité a changé, on compte désormais trois partis avec le PTB en plus des partis Socialiste et Ecolo. Et surtout, le maïorat est passé d’un bourgmestre Ecolo à un bourgmestre socialiste”, nous explique Olivier Paye, un des auteurs de l’étude et professeur en sciences politiques à l’UCLouvain et l’Université Saint-Louis. “Par rapport à avant les élections communales, le fait qu’il y ait eu un changement et de majorité et de maïorat a sans doute ouvert la possibilité à ce qu’on soit un cran plus loin dans le processus d’examen de ce projet.”
“Ce n’est certainement pas rien, dans la suite de l’histoire, que la commune ait donné son feu vert au fait que le club puisse demander un permis d’urbanisme à la région, qui est l’autorité publique de délivrance du permis, vu la taille du projet. Ensuite, il faudra vraiment voir comment l’enquête publique va se dérouler, quelles vont être les observations qui vont être déposées par les personnes qui vont demander à être entendues, par exemple en commission de concertation”, continue-t-il.
Acceptation… sous conditions ?
“Et puis, bien évidemment, quel va être le contenu de l’avis de la commission de concertation. Donc, en gros, il y a trois grandes possibilités envisageables. Soit le permis est refusé, soit il est accepté sans autres conditions, soit, et c’est sans doute cette troisième voie qui sera prise, il pourrait être accepté par la Région moyennant une série de conditions. Et là, il faudra évidemment voir dans quelles conditions il s’agit”, prévoit l’expert.
Quelles pourraient être ces conditions ? L’expert en cite plusieurs, qui reprennent donc des points de blocage du dossier. Ceux-ci concernent notamment :
- La mobilité. Le surplus de trafic, sur une route déjà souvent bondée le weekend à cause du parc à conteneurs quelques dizaines mètres plus loin, et de fréquentation des transports, qui ne passent d’ailleurs pas directement par l’endroit en question.
- Le parking. Il n’y a pas de places prévues sur le site, sauf pour les VIP comme le veulent les normes UEFA. Donc des arrangements doivent être trouvés avec des partenaires locaux comme des supermarchés. Notons que le stade Marien n’a pas de place parking non plus et que près de la moitié des abonnés habitent dans la commune de Forest ou aux alentours et un grand nombre des supporters viennent en transports au matchs.
- L’environnement. “Il y a peut-être aussi, par rapport aux enjeux environnementaux, des conditions que l’on peut s’attendre à voir être formulées, parce qu’on est quand même dans une zone où il y a des problèmes d’inondation. En matière hydrologique, il pourrait aussi y avoir des conditions précises qui pourraient être explicitées”, estime l’expert.
- Terrains déjà présents. Sur le site du Bempt, il y a déjà des terrains de sport (football et rugby), juste à côté de la parcelle en question. Pour Olivier Paye, le permis pourrait contenir des conditions pour que “des activités puissent continuer à s’y dérouler, même en parallèle aux matchs de l’Union. Alors qu’on sait que pour les matchs de football de première division, il y a toute une série de prescrits sur le plan sécuritaire.”
- En parlant de sécurité, les supporters visiteurs, souvent forcés d’arriver en “combi-bus”, sous escorte policière, devraient avoir leur propre accès, séparé des autres zones d’accès. Pour celui-ci, le club prévoit de créer une entrée, pour les bus, via le centre de recyclage.
Un problème bruxellois ?
Cela fait plus de quatre ans que l’Union travaille sur ce dossier, qui a déjà connu plusieurs revers, comme mentionné plus haut. Si des avancées ont eu lieu récemment, le processus reste long, et l’issue demeure incertaine. Une situation qui n’est pas sans rappeler d’autres projets emblématiques, à commencer par celui du nouveau stade national, resté à l’état de projet faute d’accord politique : un blocage quasi permanent. Le dossier du Sporting d’Anderlecht refait également surface, notamment depuis l’annonce de la fermeture du Cora d’Anderlecht, relançant les spéculations sur un éventuel déménagement.
Pendant ce temps, à La Louvière, un nouveau stade a vu le jour en seulement 14 mois. Il sera officiellement inauguré ce samedi, à l’occasion d’un match de gala entre la RAAL — fraîchement promue en première division — et les champions du Luxembourg, le FC Differdange 03. Le permis avait été introduit en avril 2023, soit moins d’un an avant le début des travaux en mars 2024, et a été accordé en janvier 2024. Un délai qui peut sembler très court, mais qui constitue en réalité la dernière étape d’un processus amorcé plus tôt : une première demande avait été jugée irrecevable fin 2021. Cela reste néanmoins bien plus rapide que les projets évoqués dans la capitale. Est-ce un mal spécifiquement bruxellois ?
« Je ne crois pas que ce soit très bruxellois, si je me réfère à la volonté de Bruges d’avoir un nouveau stade, qui remonte au tout début de ce siècle. À La Louvière, le nouveau stade a pu être construit à côté de l’ancien, dans une zone sportive existante, ce qui a sans doute facilité les choses. Cela dit, le projet avait lui aussi connu un retard initial, lié à une clause sur l’usage du terrain, légué par une famille. Mais il est vrai qu’à Bruxelles, l’épisode du stade national a laissé des traces : il a renforcé l’idée d’une certaine incapacité politique à concrétiser ce type de projet », analyse Olivier Paye.
Il souligne également que l’éclatement des compétences sportives entre les niveaux communal, régional et communautaire complique la gestion de tels dossiers. Dans le cas du projet de l’Union, le club s’est tour à tour tourné vers la commune et vers la Région, sans qu’un acteur public unique prenne véritablement le lead. Une dispersion des responsabilités qui a pu ralentir le processus.
L’avenir dira quand (et si) le nouveau stade du Bempt verra le jour.