L’immobilier n’est pas immunisé contre le Covid-19
Les propriétaires d’immeubles commerciaux souffrent par ricochet du marasme dans lequel sont plongés les magasins de vêtements et de chaussures. Pour l’immobilier de bureaux, les répercussions de la crise sanitaire sont actuellement minimes, mais une grave récession pourrait changer la donne. L’immobilier de soins n’est pas davantage à l’abri.
Telenet a annoncé vouloir conférer “une nouvelle interprétation au bureau”. L’entreprise de télécommunications va faire de ses installations des “espaces de collaboration où des équipes de 30 personnes maximum pourront se rencontrer et faire du brainstorming à une distance d’un mètre et demi”. Elle braque les projecteurs sur une évolution à laquelle de nombreuses autres sociétés oeuvrent également, quoique plus discrètement.
Les propriétaires d’immobilier belge ont-ils de quoi s’inquiéter ?
“Le confinement a totalement levé le tabou qui entourait le télétravail”, résume Pascale Nachtergaele, gestionnaire du fonds immobilier Nagelmackers European Real Estate Fund.
Quand un vaccin permettra de réintégrer massivement les entreprises sans craindre d’être contaminé, le ferons-nous ?
Pascale Nachtergaele n’est pas inquiète : “Beaucoup de gens ont envie de retourner au bureau pour y retrouver leurs collègues ou parce que la taille de leur appartement ne leur permet pas de travailler confortablement”. Il faut néanmoins s’attendre à ce que maints salariés choisissent de travailler davantage depuis leur domicile qu’auparavant.
Le tout est de savoir si 20% de télétravail en plus amputera de 20% les besoins de superficies.
Selon notre experte, le tout est de savoir si 20% de télétravail en plus amputera de 20% les besoins de superficies. Une question à laquelle elle répond par la négative : “Je suis convaincue que ‘le bureau’ continuera d’exister, mais qu’il évoluera. Il deviendra un lieu de rencontre, de réflexion commune, d’apprentissage mutuel, etc. Mais je crois, comme Telenet, que les espaces de travail individuels seront moins nombreux“.
“Les grands acteurs cotés en Bourse, comme Befimmo et Cofinimmo, rénovent de temps à autre leurs parcs de bureaux, poursuit Pascale Nachtergaele. Pour les rendre plus verts, par exemple. Ils en ont les moyens.” Mais si la crise engendre un tassement de la demande, leur chiffre d’affaires s’en trouvera, naturellement, affecté.
Segments différents
La pandémie a donné un coup d’arrêt à l’économie et nul ne sait dans quelle mesure elle continuera, à terme, à la miner. Si les propriétaires de magasins ont dû accorder des concessions sur les loyers des mois d’avril et de mai, le segment des bureaux ne déplore pas encore beaucoup de défauts de paiement ou d’arriérés de loyer. “Beaucoup d’usagers des espaces de coworking avaient suspendu leur abonnement, mais la plupart de ces start-up sont désormais de retour. En Belgique, Befimmo, par exemple, est active dans ce segment”, relate Pascale Nachtergaele.
Si les loyers des bureaux sont, comme c’est très probable, condamnés à diminuer, les prix de vente des immeubles s’en ressentiront. “On ne constate pour l’instant aucun changement au niveau des transactions, déclare Pascale Nachtergaele. Befimmo a récemment vendu sa Blue Tower pour 112 millions d’euros, soit une plus-value nette de quelque 22 millions d’euros. Les transactions dans l’immobilier commercial marquent le pas, mais c’est loin d’être le cas dans le segment des bureaux.”
Befimmo a perdu 29 % de sa capitalisation boursière depuis le début de cette année. Les spécialistes belges cotés de l’immobilier commercial, comme Retail Estates, Wereldhave Belgium et Vastned Retail Belgium, ont eux cédé entre un tiers à près de la moitié de leur valorisation. L’action Cofinimmo n’a reculé que de 7 % depuis le 1er janvier. Avec une perte de 12,5 % sur la même période, Intervest Offices & Warehouses, qui cumule portefeuilles de bureaux et d’entrepôts, se situe quelque part entre les deux.
Les cours des immobilières spécialisées dans le commercial intègrent d’ores et déjà nombre de mauvaises nouvelles. “Les grands acteurs que sont Klépierre et Unibail- Rodamco-Westfield minent le sentiment à l’égard de tout le secteur, estime Pascale Nachtergaele. Les investisseurs les trouvent trop endettés. Ils devraient se défaire de certains de leurs centres commerciaux ou procéder à une augmentation de capital. Mais émettre de nouvelles actions pour lever des fonds, quand la valeur des titres existants est tombée si bas, n’est pas une sinécure.”
Immobilier de soins
L’immobilier de soins inquiète dans une certaine mesure la gestionnaire de fonds. En Belgique, ce segment compte trois grands bailleurs cotés en Bourse : Aedifica, Care Property Invest et Cofinimmo (près de 60 % du porte- feuille). Care Property, dont la majorité du portefeuille de maisons de repos et de soins est louée à des CPAS, est l’acteur qui la préoccupe le moins.
“Le nombre d’admissions en maison de repos a diminué. Ces structures accueillent actuellement moins de personnes âgées de 80 ans ou plus car la guerre a pesé sur la natalité et les personnes âgées ont payé un lourd tribut au Covid-19. Ainsi va l’évolution démographique. La fréquentation remontera dans quelques années, avec l’arrivée des babyboomers. Mais pour l’instant, donc, le chiffre d’affaires de ces établissements se tasse. Nous n’avons aucune vue sur leurs résultats ; reste qu’aux Etats-Unis, Genesis Healthcare a récemment réclamé une aide des pouvoirs publics pour pouvoir affronter les 12 prochains mois. Cela a provoqué un choc. Si des opérateurs doivent mettre la clé sous le paillasson, les bailleurs seront évidemment privés de revenus. C’est un risque”, conclut la spécialiste.
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