Liège et Charleroi partent à la chasse aux investisseurs immobiliers
Le Mipim rassemble pratiquement tous les acteurs de l’immobilier. Une aubaine pour ceux qui cherchent l’un ou l’autre partenaire pour boucler leur budget. De nombreux développeurs étaient en opération séduction sur la Croisette.
Une demi-douzaine de maquettes. Des photos de projets sur tous les murs. Une dizaine de bières belges qui coulent à flot. Du monde, beaucoup de monde. Et des cartes de visite qui volent dans tous les sens. Cela crie, cela sourit. Cela négocie parfois. Mais cela promet surtout de se revoir à Bruxelles. Le pavillon spécialement dédié aux Belges au Mipim, le salon de l’immobilier qui s’est terminé le 16 mars à Cannes, est devenu au fil des années une concentration d’idées, de millions et de belles briques.
” Nous n’avons jamais signé de contrat à Cannes, nous dit cet architecte. Cela nous a par contre permis d’amorcer des contacts qui peuvent se concrétiser en Belgique. ” Pratiquement tout ce que la Belgique compte comme patrons dans l’immobilier a effectué le déplacement. Un rassemblement mis en musique aujourd’hui par la Flandre, la Région bruxelloise et l’Agence wallonne à l’exportation (Awex). ” Si nos débuts ont été timides en 2001, on ne peut aujourd’hui plus s’en passer, lance Jean-Pierre Marcelle, le directeur général de l’Awex. Notre absence serait, il est vrai, davantage remarquée que notre présence. L’objectif est de jouer les entremetteurs pour les villes et les promoteurs. De partir à la chasse aux investisseurs. Etrangers si possible. ”
A ce petit jeu, Charleroi a pas mal de gibier sur la table. Comme d’habitude, la cité carolo a impressionné l’assemblée par une présentation impeccable, d’une qualité visuelle faisant passer le renouveau carolo pour une affaire qui roule. Paul Magnette est sur du velours ce matin-là. Accueil en trois langues. Présentation en anglais. Le bourgmestre est en mode séduction. ” Pour un euro public investi, six le sont par le privé ( 447 millions au total, 2 milliards de projets, Ndlr), explique-t-il. Entre 2007 et 2024, 40 % du centre-ville aura été redéveloppé. Réaliser cela aussi vite est une première en Europe. Mais pour poursuivre le travail, il est nécessaire de trouver des investisseurs. ” Le premier a avoir cru au renouveau carolo est Iret Development, qui a sorti de terre le centre commercial Rive Gauche. Un succès avec 8 millions de visiteurs annuels. ” Ce n’est qu’une première étape, explique son directeur de développement Raphael Pollet. La suite va suivre. La clé des investissements est d’être avant tout créatif. ” Dans la foulée, Eiffage Development Benelux présente l’état d’avancement de son impressionnant projet mixte (bureau et résidentiel) baptisé “Ohr !zons” et développé autour d’une halte nautique. Cent millions d’investissement au total. On apprend que Tractebel vient d’obtenir le marché pour construire le port de plaisance. Ce volet du Left Side Business Park est dorénavant sur les bons rails. ” Charleroi a un réel potentiel pour les investisseurs, explique Thierry Collard, administrateur délégué d’Eiffage Development Benelux. Les loyers sont en effet encore relativement bas. Mais les ingrédients sont présents pour que le marché connaisse une croissance et offre des perspectives durables. ”
La société Immo VDZ (Groupe Vandezande) développe quant à elle le Quartier nouveau des Hiércheuses (500 logements) à Marcinelle. Un projet dessiné par le bureau Syntaxe sur un ancien site minier de 20 ha, dont 6 ha à urbaniser. Il passera d’ici quelques années du noir au vert, avec un quartier durable favorisant la mixité des fonctions. Le chantier doit démarrer en septembre. ” Osez venir avec nous, osez investir à Charleroi, lance la Carolo pure souche Sylvie Vandezande, administratrice déléguée du groupe. Il faut s’insérer dans la vision définie par la ville. Mais une fois qu’on est dedans, les projets progressent à grands pas. C’est un atout. Le groupe Vandezande n’est qu’une petite PME. Je suis donc venue ici pour trouver des investisseurs ( le budget est de 130 millions, Ndlr). Ce n’est pas simple. ” Et Paul Magnette de conclure : ” Pour être présent à Charleroi, il faut avant tout être original. On ne peut pas faire ce que l’on fait déjà ailleurs. Quand je suis venu il y a trois ans au Mipim, la salle était à moitié remplie. Aujourd’hui, elle est pleine. C’est fini de ne montrer que des images de synthèse. C’est la preuve que notre dynamique progresse et se concrétise. La fusée a décollé, il faut qu’elle maintienne son rythme de croisière. ”
Paraboles et halle couverte à Liège
Si Charleroi s’est déplacée en rangs serrés, Liège se la joue plutôt en tir groupé. Vol spécialement affrété depuis Bierset. Politiques (Mathot, Daerden, Targnion, etc.), promoteurs, architectes et autres ont débarqué par dizaines. Un déplacement organisé par le GRE-Liège (Groupement de redéploiement économique), qui a compris l’intérêt d’un tel voyage. ” L’objectif est de favoriser le développement de la principauté et des communes aux alentours, explique Jean-Pierre Marcelle, de l’Awex. C’est essentiel pour des gros dossiers comme le Val Benoit par exemple. ”
Parmi les développeurs présents, le promoteur Christophe Nihon, de l’Immobilière de Lessive, a dévoilé la maquette (en briques Lego) de son étonnant Smart Life Eco Village qu’il prévoit d’aménager sur l’ex-site RTT à Lessive. Un lieu emblématique de par ses sept grandes paraboles blanches, qu’il conservera d’ailleurs. L’idée est de transformer ce site en un espace mixte qui permettra aux seniors de rester actifs tout en bénéficiant de tous les services adaptés à leurs besoins, dont des services hôteliers et des résidences services (110 lits). Le Jardin des Paraboles s’étendra sur 48 hectares et devrait être bouclé d’ici 2028. La première demande de permis sera déposée en mai. L’habitat pourra s’adapter aux cycles de la vie. Le programme prévoit des bungalows d’une ou deux chambres (180 unités), des immeubles à appartements (96 unités), des maisons communautaires (40 unités) et unifamiliales (80). ” Il s’agit d’un projet sociétal et immobilier unique en Belgique, lance Christophe Nihon. Il est axé sur une localisation exceptionnelle et sur une construction intégrée autour d’une mixité générationnelle, avec une attention particulière sur les personnes âgées. ”
D’autres Liégeois, tout ragaillardis par leur qualification en play-off 1, sont également descendus sur la Croisette à la recherche d’investisseurs. Le président du Standard de Liège, Bruno Venanzi, était présent avec son projet de redéveloppement du stade de Sclessin sous le bras. Un dossier en voie de finalisation, après deux années de réflexion. Si l’aspect mobilité doit encore être approfondi, le programme immobilier se dessine plus précisément. D’ici 2023, on devrait retrouver 15.000 m2 de bureaux (un quart est déjà réservé par deux occupants, dont la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Liège-Verviers-Namur, le solde étant géré par un investisseur), une surface commerciale de 1.500 m2 (rue Ernest Solvay), une zone horeca, une crèche d’une vingtaine de places et une salle de conférence. Ajoutons qu’un parking de 550 places sera aménagé sous la nouvelle esplanade. ” Il s’agit d’un projet majeur pour nous, expliquent Jean-Pierre Reynders et Pierre-Maurice Wery, du bureau Assar Architects, qui espèrent déposer la demande de permis au troisième trimestre. Outre le fait que le stade sera entièrement fermé, nous allons surtout créé de la vie aux alentours par l’aménagement d’une halle couverte qui ceinturera le stade et permettra aux supporters d’y passer davantage de temps. Le programme est diversifié, d’où la recherche par Bruno Venanzi d’investisseurs. Nous ne communiquons pas sur le budget, mais il est maintenant clair et le projet phasé, ce qui rassure ceux qui veulent monter dans ce dossier. ”
Reste qu’à l’heure du bilan, le résultat est pour le moins mitigé. Même si l’objectif est rarement de boucler de tels dossiers en trois jours. ” La création du Pavillon belge est une merveilleuse chose mais cela nous éloigne quelque peu des investisseurs étrangers, note Jean-Pierre Marcelle. La chasse n’est donc pas des plus aisée. “
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