Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Les propriétaires, boucs émissaires ou nouveaux spoliateurs ?
Il fait beau ce jeudi. Sauf pour les propriétaires qui voient des nuages sombres se profiler sur leur tête. Etre propriétaire aujourd’hui en Belgique, c’est prendre le risque d’être pointé du doigt par certains locataires et d’être considéré comme une vache à lait par l’Etat.
Aujourd’hui, il y a une réforme fiscale qui est en train d’être discutée au sein d’un groupe de travail dont personne ne connait la composition, et dont les travaux sont d’une opacité digne de l’Union soviétique. Pour une démocratie comme la Belgique, ce qui étonne, c’est que personne ne s’en étonne. Des “experts” planchent sur notre fiscalité à notre insu et tout le monde trouve ça normal de ne pas être informé, hormis les bribes d’informations dévoilées par la presse ici ou là. Des bribes d’informations qui ne sont ni démenties ni confirmées, ce qui ajoute encore au désarroi.
Comme me le disait un ancien dirigeant d’entreprise, c’est proprement scandaleux. Car un entrepreneur, par exemple, n’est pas un trader. Il a besoin de se projeter dans l’avenir et d’avoir une vision fiscale à au moins 7 ans. Mais 7 ans, c’est deux fois un mandat d’un politique. C’est donc du long terme et ça ne l’intéresse pas, car il ne sera sans doute plus là.
Ce que l’on sait, ou croit savoir, de la réforme fiscale, c’est que l’immobilier sera davantage taxé. La taxation des loyers réels et des plus-values immobilières serait dans le collimateur de notre ministre des Finances. Prenons juste le cas de la taxation des loyers réels. S’il y a taxation, pourquoi pas, mais alors il faudrait aussi permettre aux propriétaires de déduire leurs frais réels. Le peu d’information que l’on a à ce sujet montre qu’on irait vers des frais sous forme forfaitaire. Autrement dit, nettement moins que les frais réels. L’Etat n’est pas fou. Avec tous les travaux que devront faire les propriétaires pour rendre conforme leurs logements aux normes environnementales, si l’Etat acceptait la déduction des frais réels (ce qui serait logique), l’Etat perdrait de l’argent et n’en gagnerait pas comme il veut le faire avec la taxation des loyers réels. On est dans un jeu de dupes avec l’Etat : “pile je gagne, face tu perds”. Dommage, car une étude de la KUL montre que 40% des propriétaires belges n’ont pas les moyens de rénover leur logement. Qui va le faire alors ? Autoriser la déduction des frais réels ferait en sorte que tout le monde demanderait une facture. C’est de l’argent noir qui disparaitrait et puis ça ferait tourner l’économie (l’Etat s’y retrouverait via la TVA). Mais bon, c’est un raisonnement de base qui échappe à notre ministre des Finances.
Autre nuage sombre qui plane sur la tête des propriétaires, le blocage des loyers qu’on appelle pudiquement blocage de l’indexation des loyers. A Bruxelles, c’est à nouveau en discussion et quant à la Wallonie, c’est aussi à l’étude. Là encore, on a l’impression qu’on part du principe que le propriétaire est, par définition, un spoliateur alors que l’immense majorité des propriétaires se sont endettés pour acheter un ou deux biens qu’ils louent, notamment pour compenser la maigre pension de l’Etat. En réalité, les loyers seraient moins élevés s’il y avait plus de logements. C’est une question d’offre et de demande. Et pour avoir plus de logements, il ne faut pas compter sur les pouvoirs publics, ils n’ont pas l’argent pour construire des logements publics. C’est donc uniquement le privé qui peut diminuer la pression sur les locataires. Encore faut-il avoir plus de permis de bâtir. Et qui bloque ces permis ou les délivre au compte-goutte ? Je vous le donne en mille : les mêmes politiques qui veulent protéger les locataires. Or, si on veut permettre aux jeunes et aux personnes les plus précaires d’avoir un logement – comme propriétaire ou comme locataire – la solution n’est pas de bloquer les loyers alors que tous les autres coûts des propriétaires augmentent, mais d’offrir plus de logements.
Etre social, c’est d’abord inciter les bons comportements et non pas punir. Faire l’inverse, c’est la recette assurée que les loyers seront encore plus élevés demain ou après-demain. C’est un coup de pied de l’âne dont on se passerait bien.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici