Les friches liégeoises aiguisent les appétits
Liège tente toujours d’effacer les stigmates de son lourd passé industriel. Un travail de longue haleine qui suscite les convoitises, tant des acteurs privés que publics. Quelques dossiers devraient d’ailleurs trouver une issue d’ici peu, comme celui du Haut-Fourneau 6 à Seraing.
Il y a les dossiers en cours tels que Coronmeuse, Bavière, Val Benoît, Gastronomia ou encore Cheratte. Et ceux, encore bien nombreux, qui vont s’ouvrir dans les prochaines années. La réhabilitation des sites industriels désaffectés est un business qui n’est pas près de s’arrêter en région liégeoise. ” Des sites à reconvertir, ce n’est en effet pas ce qu’il manque, lance Jacques Teller, professeur d’urbanisme et d’aménagement du territoire à l’ULiège. Les perspectives en la matière sont encore énormes. Le principal problème est que cela prend énormément de temps et qu’il faut dégager des moyens considérables en termes d’assainissement. ” D’autant que les enjeux sont multiples puisque si le volet économique est souvent mis en avant, ces réhabilitations contribuent également à la revalorisation de l’image de la région liégeoise, à doper l’emploi ou encore à améliorer le volet environnemental et sociétal de la région.
De l’intérêt pour le foncier d’ArcelorMittal
Plusieurs dossiers d’envergure sont aujourd’hui sur la table et devraient trouver leur épilogue dans les prochaines semaines. Ils sont tous liés aux anciens sites sidérurgiques d’ArcelorMittal, essentiellement situés à Seraing, et s’étendent au total sur plus de 320 hectares. Un pan important du paysage liégeois qui est donc en attente de transformation. L’ancienne aciérie LD a été assainie par Arcelor et rachetée par la SPI, l’Agence de développement économique pour la province de Liège, pour y développer un parc d’activités économiques. Les sites de Trasenster et OM ont été acquis par la Ville de Seraing pour y développer un pôle culturel et une salle de spectacle. Les Ateliers centraux, situés à Ougrée, ont été rachetés par la SPI (2 ha) pour y développer de nouvelles activités économiques. Le haut-fourneau 6 de Seraing est en passe d’être racheté par un consortium privé qui dépolluera le terrain avant d’y développer de l’habitat. Ce consortium doit déposer son offre dans les prochains jours auprès d’Arcelor pour une décision attendue d’ici la fin de l’année de la part du conseil d’administration de la Foncière liégeoise. Alors que pour le haut-fourneau B et la cokerie, tous deux situés à Seraing, les marques d’intérêt du privé sont nombreuses. Même situation pour le plus gros morceau qu’est le site de Chertal (200 ha), situé à cheval sur les communes d’Oupeye et de Herstal, et qui intéresse tant des développeurs privés que Noshaq et la SPI. ” Nous sommes clairement candidats pour acheter ce site “, reconnaît Pierre Castelain, directeur de la communication de la SPI. Reste que ce n’est pas pour tout de suite. ArcelorMittal Belgium doit encore effectuer près de 1.000 sondages pour déterminer le degré d’assainissement du site. Avant de passer à l’importante phase de dépollution. ” J’entends de nombreux promoteurs dire qu’ils y développeraient bien du bureau, du résidentiel voire du commerce, lance Françoise Lejeune, présidente de la Foncière liégeoise, entité qui pilote depuis 2005 la réaffectation des sites liégeois d’ArcelorMittal Belgium et est détenue à parts égales par la Sogepa et Arcelor. Mais, selon le plan de secteur, ce site est destiné à de l’activité économique. Il faudra le modifier pour proposer une autre programmation, ce qui prendra énormément de temps. Je ne suis donc pas certaine que les futurs acheteurs s’engageront dans cette voie. ” Et Jacques Teller d’ajouter : ” Chertal est un site unique à l’échelle de la Région wallonne. ArcelorMittal en est toujours le propriétaire. Le risque, qui est important et qu’il faudrait éviter à tout prix, est de voir le site revendu morceau par morceau. Or, il est capital que le public possède la maîtrise foncière d’un site de cette ampleur. Car nous ne disposerons plus de tels sites en Région wallonne avant de très longues années. Il serait opportun d’y mettre en place une sorte de plan Catch, comme cela été le cas sur le site de Caterpillar à Charleroi. ”
Un horizon de 10 à 15 ans
Si la reconversion de friches ou de chancres ne semble pas près de s’arrêter, tant de nouveaux sites apparaîtront encore au fil du temps, il ne fait toutefois pas de doute qu’ils tendent à diminuer. Une majorité sont identifiés. Reste à passer à l’action et à accélérer la cadence. ” Tous les dossiers liés à ArcelorMittal devraient être terminés d’ici une quinzaine d’années, note Françoise Lejeune. Mais ce n’est pas pour cela que les reconversions vont diminuer. Il y aura toujours des chancres. Regardez tous ces centres commerciaux. Cela pourrait être la prochaine vague. ” Jacques Teller estime de son côté que les acteurs actifs en région liégeoise dans la reconversion ou la dépollution ont encore de belles perspectives devant eux dans les prochaines années. ” Pourtant, obtenir un aperçu clair des différents sites à réaffecter n’est pas une sinécure, regrette Jacques Teller. Or, il en reste de nombreux. Le long du boulevard de l’Automobile par exemple, jusqu’à la gare d’Angleur, une série de bâtiments pourraient faire l’objet d’une reconversion. Même situation entre le Val Benoit et le Standard. De nombreux bâtiments devront être réaffectés. Il serait opportun d’y créer de la mixité. Cela pourrait même se poursuivre jusqu’à Jemeppe-sur-Meuse. D’autant que le tram passera le long de ce tracé. ” Et Jacques Teller de regretter le manque de proactivité des autorités communales quant au suivi des transactions immobilières sur ces espaces désaffectés. ” Ce qui permettrait d’avoir une meilleure vue des enjeux en cours et de pouvoir mieux appréhender les développements à venir “, estime Jacques Teller.
Matexi concrétise ses ambitions
Particulièrement actif ces derniers temps en région liégeoise, Matexi a mis la main il y a peu sur le site de l’ancien charbonnage du Hasard, à Cheratte. Il a déposé 4,1 millions dans la besace de la SPI pour disposer de cet ensemble désaffecté de 4 hectares, qui a toutefois déjà été dépollué. ” L’idée est de créer un nouveau quartier imbriqué dans un patrimoine fort, explique Régis Ortmans, le patron de Matexi Liège. Une place centrale permettra de faire le lien entre la partie patrimoniale et la tour Malakov. Sans oublier les nombreux espaces verts qui s’étendront sur 2,2 ha. ” Un projet dessiné par les bureaux d’architectures Altiplan, Greisch & Menzel. On y retrouvera 80 maisons, 32 appartements, des activités horeca, des espaces mémoriels, une salle de sport, un espace de coworking et du commerce. La livraison des premiers logements est prévue pour 2023.
Autre actualité, Matexi s’est associé à Befimmo dans le cadre du projet Paradis Express (35.000 m2 avec logements, bureaux, crèche et commerces). Il s’occupera du volet résidentiel et commercial. Si les travaux sont en cours, la livraison des premiers bâtiments n’est pas attendue avant 2021.
Enfin, relevons également que Matexi a emporté le concours lancé par la Ville de Liège pour la reconversion des bâtiments situés au croisement des rues Cathédrale et de la Régence, dans le quartier du Grand Léopold. Un projet de 10 appartements qui a été dessiné par Altiplan.
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