Les architectes de l’immobilier de luxe
Le marché de l’immobilier de luxe était particulièrement dynamique jusqu’au début de la crise du Covid-19. Le nombre de transactions est parti nettement à la hausse ces derniers mois, surtout en Flandre. Pour concrétiser les souhaits de ces clients fortunés, une dizaine d’architectes se sont spécialisés dans le segment.
Ils dessinent des maisons à plusieurs millions d’euros. Parfois deux, parfois dix. Pour des clients fortunés bien évidemment. Avec un profil type, un peu cliché : celui de l’entrepreneur qui a réussi, qui aime graviter dans le monde de l’art et qui apprécie les beaux matériaux. Pour concrétiser les projets de ces clients aisés, une dizaine d’architectes belges se sont spécialisés dans ce segment. Certains y consacrant tout leur temps, d’autres y effectuant un passage de temps à autre. On y retrouve notamment Bruno Erpicum, Marc Corbiau, Charly Wittock (AWAA), Olivier Dwek, Daphné Daskal et Stéphanie Laperre, Olivier Lempereur, Vincent Van Duysen ou encore Axel Vervoordt. ” Il est évident qu’une maison dessinée par l’un de ces architectes fait grimper la valeur du bien, estime David Chicard, directeur de l’agence immobilière Sotheby’s Belgium. Rien que pour une maison Corbiau, vous pouvez ajouter 20 à 30 % au prix de vente. Son architecture est appréciée et il dispose d’une grande expérience dans son approche. Les gens le sollicitent pour son style et sa signature. Il n’y a d’ailleurs plus qu’une seule maison Corbiau actuellement en vente à Bruxelles. ”
La plupart des architectes vous le diront : le travail est sensiblement le même entre une maison à 500.000 euros ou à 5 millions.
Certains de ces architectes sont donc devenus une référence. On s’arrache leur signature. D’autant qu’ils offrent la garantie que la valeur du bien ne diminuera pas au fil du temps. Comme on peut, par exemple, le voir aujourd’hui avec des maisons plus anciennes dessinées par Jacques Dupuis ou Victor Horta. ” Ces maisons-là sont très recherchées et sont également vendues 20 à 30 % plus cher, poursuit David Chicard. En temps normal, notre portefeuille de biens est composé de 20 % de maisons construites par des architectes ‘connus’. Il y a une vraie demande pour ce type de biens. Nos clients savent ce qu’ils veulent. Il s’agit pour eux autant de se faire plaisir que de disposer d’un bien d’un certain standing en rapport avec le niveau culturel de leurs relations privées et professionnelles. ”
La plupart des architectes vous le diront : le travail est sensiblement le même entre une maison à 500.000 euros ou à 5 millions d’euros. Que ce soit l’essence du dialogue avec le maître d’ouvrage, la quête d’équilibre de l’espace ou encore la recherche de la lumière. Seul l’usage de matériaux spécifiques et la recherche du détail semblent bien plus poussés. ” Monter de gamme ne signifie pas proposer une meilleure architecture, estime l’architecte Bruno Erpicum, fondateur de l’Atelier d’architecture Bruno Erpicum and Partners. Le prix ne fait pas la qualité d’un projet. Mon travail est significativement le même. J’ai dessiné de très belles maisons familiales à 1,3 million ou à 2 millions d’euros (HTVA). Une des principales différences, c’est le niveau culturel des clients et la soif de qualité qu’ils souhaitent. ” Un constat qui est largement partagé par Charly Wittock, fondateur du bureau d’architecture AWAA : ” J’ai longtemps étudié et travaillé aux Etats-Unis. J’y ai appris l’importance de la notion de service, ce qui nous a ouvert les portes de l’immobilier de luxe. Ces clients ont l’habitude d’avoir un service irréprochable. Ils n’acceptent pas l’erreur et s’assurent que l’on ait une grande réactivité. Ce sont les contraintes liées à un budget qui peut parfois être illimité “.
Avoir sa signature
” De plus en plus de clients veulent une architecture de marque, une signature, estime Charly Wittock. Ce sont des gens qui ont l’habitude de prendre des risques dans leur métier et qui sont prêts à s’ouvrir à de nouveaux horizons. Ils souhaitent donc des projets atypiques. Ils ont également une certaine conscience environnementale. Notre travail chez AWAA est toutefois différent : nous ne possédons pas une signature mais une certaine vision de la société. Nos projets sont donc bien différents l’un de l’autre. ”
Le boss actuel de la signature architecturale des plus fortunés, Marc Corbiau, veille, quant à lui, au grain lorsqu’une maison change de main. ” Deux tiers des maisons que j’ai dessinées ont changé de propriétaires, précise-t-il. On me sollicite régulièrement pour connaître mon point de vue en fonction des travaux que les nouveaux acquéreurs souhaitent réaliser. Je veille à ce que les interventions soient les plus prudentes. Rien ne les oblige à me solliciter mais je vois cela comme une forme de respect pour mon travail. Pour réussir un projet, la recette est relativement simple. Il faut parvenir à concilier plusieurs facteurs : l’environnement, la vue, les désirs des propriétaires et l’ensoleillement. ”
Comme bon nombre de ses confrères, Bruno Erpicum a baladé son savoir-faire un peu partout à l’étranger. Une internationalisation de son travail qui a permis d’encore accentuer sa reconnaissance en Belgique. ” J’ai une ligne de conduite : abolir tous les éléments superflus, toutes formes de décoration, relève-t-il. Même le plafonnage fait office d’élément de décoration sur lequel je peux travailler. La justesse des proportions est également essentielle. Pour le reste, dans ces projets de prestige, il faut reconnaître qu’il est particulièrement difficile de gérer les échelles. Une maison qui atteint 700 m2, par exemple, doit être maîtrisée dans sa globalité. Toutes les pièces et les fonctions doivent participer au même sentiment de lecture d’échelle. Ceci demande une grande maîtrise de l’espace, de la lumière, des perspectives et des matières. L’architecte ne peut pas se louper : ce qui est construit reste juste ou faux pour longtemps. ”
Un travail d’expérimentation
Ne pas se soucier de la problématique budgétaire est un luxe qui permet en tout cas d’aborder le métier sous des angles différents. Le recours à des matériaux bien plus rares ou plus complexes à mettre en place est fréquent. Et procède également de cet objectif de différenciation. ” Que le budget soit moins problématique permet d’aller plus loin dans la quête du détail, reconnaît Charly Wittock. Il y a un plus grand choix dans les matériaux utilisés. Nous pouvons solliciter des artisans spécialisés dans un secteur. Le travail de recherche, aussi, est beaucoup plus large. Certains souhaitent souvent des projets inédits. C’est très gratifiant pour un architecte. ”
Le carnet d’adresses de ces maîtres d’ouvrage est donc particulièrement riche, permettant de recourir allégrement à des artisans en tous genres. Mais également de prendre le temps d’effectuer des recherches sur le béton à utiliser, le travail de l’ombre voire les performances énergétiques. ” La chance que nous avons, c’est de pouvoir effectuer, dans certains cas, un vrai travail d’expérimentation, lance Bruno Erpicum. J’ai, par exemple, créé un interrupteur intégré dans le gros oeuvre qui comprend des fonctions différentes telles que l’éclairage, la domotique, la ventilation, le système d’alarme ou encore le son. Même chose pour les matériaux. Nos clients veulent quelque chose d’unique. ”
Vers la promotion immobilière
En tout cas, tous l’affirment : ils ne manquent pas de travail. Ce segment de l’immobilier semble en effet particulièrement dynamique. Et ce ne sont pas les politiques liées à une restriction des terrains à bâtir qui vont les freiner. ” Ce type de client possède les moyens de s’offrir ce qu’il veut et où il veut, explique Marc Corbiau. Il recherche le plus souvent un environnement exceptionnel, et le trouve bien évidemment. ” Un constat validé par Charly Wittock : ” Je ne suis pas certain qu’il y ait davantage de clients aujourd’hui qu’auparavant. Mais on peut avoir l’impression qu’il y a plus de projets car on communique bien davantage aujourd’hui “.
Ceci étant, le travail de ces architectes ne se concentre plus forcément en priorité sur la maison individuelle. ” Il est évident que les nouvelles tendances de la société en matière de construction influent sur le marché de l’immobilier de luxe, reconnaît Bruno Erpicum. Il est de plus en plus compliqué d’obtenir un permis d’urbanisme. Dès lors, de plus en plus de promoteurs font appel à nous pour des projets haut de gamme. Il s’agit le plus souvent de projets d’immeubles à appartements. Une dizaine d’unités, ce qui permet à certains seniors d’effectuer tranquillement le transfert de leur villa vers un appartement. De plus en plus de projets de ce type devraient en tout cas voir le jour à l’avenir. “
Le marché de l’immobilier de luxe a été particulièrement dynamique ces derniers mois. Avec des prix de vente qui s’envolent et un nombre de transactions étonnamment haut. ” Sans la crise du coronavirus, le début d’année aurait été exceptionnel, explique David Chicard, le directeur de Sotheby’s Belgium. Nos chiffres du premier trimestre étaient déjà 20 % plus élevés que ceux de toute l’année 2019. Il est toutefois aujourd’hui difficile de faire des projections sur la suit de l’année car le marché s’est soudainement arrêté. Même si nous continuons à effectuer des visites via Facetime. Pendant la période post-attentats, nous avions loué une dizaine de biens par ce biais-là. ”
Présent à Bruxelles et Anvers, Sotheby’s Belgium capte environ 30 % du marché bruxellois avec plus de 230 biens actuellement en vente. ” Entre le 1er janvier et le 15 mars, nous avons déjà effectué des ventes pour un montant de 24 millions d’euros à Bruxelles et 16 millions à Anvers, explique David Chicard. Il y a eu une dizaine ventes au-delà de 5 millions, surtout à Uccle dans les quartiers Roosevelt, Molière et de l’Observatoire. ” Un début en fanfare qui s’explique surtout par le retour d’acquéreurs internationaux, là où la clientèle était essentiellement belge l’an dernier. ” Les acquéreurs français sont clairement de retour. Pour le reste, je n’ai pas beaucoup d’explications à donner par rapport à cette convergence d’acquéreurs internationaux. L’offre est présente et la demande est dynamique. ”
Parmi les transactions majeures de ces derniers mois, on peut relever des ventes à Woluwe-Saint-Pierre (5,7 millions), Uccle (5,5), Ixelles (5,2), Ixelles (9), Rhode-Saint- Genèse (8,5) ou encore Uccle (9).
Le nombre d’appartements et de villas de luxe vendus ces dernières années est en augmentation constante, de 48 % entre 2015 et 2018. C’est ce qui ressort des chiffres livrés par le SPF Economie à Trends-Tendances. Ses statisticiens ont repris uniquement les biens dont le prix de vente dépassait 1 million d’euros. On le voit dans le tableau ci-dessous, une nette accélération s’est opérée depuis 2016, tant du côté des maisons que des appartements. Pour les maisons, la hausse est particu-lièrement frappante en Flandre. Près de 66 % des transactions concernaient le nord du pays. Notons que les chiffres pour 2019 s’arrêtent au troisième trimestre. Ils suivaient jusqu’à présent la (bonne) courbe des chiffres de 2018.
Quels enseignements en retirer ? En 2019, sur les 504 maisons vendues (des deux, trois et quatre façades), c’est sans surprise à Knokke-Heist que l’on retrouve le plus de transactions (61 ventes). Le prix de vente moyen (parmi les biens au-delà de 1 million) était de 1,74 million d’euros. Un montant en baisse par rapport à 2018 (2 millions). La ville côtière est suivie par Uccle (36 ventes, 1,4 million) et Ixelles (24 ventes, 1,3 million). Rhode-Saint-Genèse (18) talonne ces deux entités.
Bruxelles mis à part, c’est dans la province d’Anvers que l’on a retrouvé le plus de transactions, essentiellement à Anvers (19), Schilde (13) et Braaschaat (11). Parmi les autres entités qui sont particulièrement attractives, citons Gand (18), Lasne (15), Laethem-Saint-Martin (12) et Bruges (9).
En matière d’appartements, sur les 159 appartements vendus lors des trois premiers trimestres de 2019, on n’en retrouve que cinq en Wallonie (à Namur, Andenne, Eupen, Liège et Charleroi). La Flandre s’accapare 81 % des ventes ! C’est à Knokke-Heist que l’on retrouve le plus de transactions (75). Suivent Anvers (20 ventes), Uccle (10), Gand (8) et Ixelles (7). Sur ce segment à plus d’1 million d’euros, le prix de vente moyen d’un appartement est de 1,27 million, montant en légère baisse par rapport à 2018 (1,31 million).
Bruxelles fait désormais partie des villes les plus recherchées par les grosses fortunes. C’est l’un des éléments qui ressort du dernier rapport international publié par le réseau immobilier Barnes. Bien sûr, la capitale belge ne figure pas en tête du peloton. Elle a fait son entrée à la 45e place du top 50. Dans sa petite description, Barnes met en avant la présence des institutions internationales et le fait d’être une capitale diplomatique et stratégique d’envergure mondiale. Les communes du sud de Bruxelles sont plébiscitées, de même que Tervuren et Rhode-Saint-Genèse. ” Les biens les plus recherchés sont des maisons avec un grand jardin située à maximum 20 minutes du centre de Bruxelles “, affirme-t-on chez Barnes, tout en ajoutant que la clientèle est essentiellement française et qu’avec le Brexit, les Britanniques s’intéressent de plus en plus à la capitale belge. Barnes relève que les prix ont connu une importante hausse ces dernières années. Le prix d’un terrain était, par exemple, affiché à 1.100 euros/m2 en 2016 pour grimper à 7.000 euros/m2 en 2019. Le prix moyen d’un bien haut de gamme est de 4.500 euros/m2 et de 9.000 euros/m2 pour un bien de prestige.
Si on jette un oeil en tête du classement, on constate que Paris atteint pour la première fois la première place, reléguant Hong Kong à la cinquième. L’offre immobilière de qualité dans pratiquement tous les arrondissements de la capitale française est mise en avant. Un bien d’exception dans le Marais s’échange à 28.000 euros m2. ” Avec trois villes dans le top 10 – New-York (2e place), Los Angeles (4e) et San Francisco (8e) -, les Etats-Unis confirment leur statut de locomotive de l’économie mondiale, relève Barnes. Nous notons aussi depuis quatre ans la montée généralisée des capitales de l’Europe de l’Est. ” Ajoutons que Tokyo (3e place), Londres, Toronto, Madrid et Lisbonne complètent le top 10 des villes les plus recherchées par les individus ou familles qui détiennent un patrimoine immobilier de plus de 30 millions de dollars. Le classement est déterminé en fonction de critères émotionnels et affectifs, pratiques et financiers.
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