Les 10 questions qui agitent l’immobilier belge
Tous les indicateurs restent au vert sur le front de l’immobilier belge. Vont-ils le rester encore longtemps ? Un panel d’experts s’est penché sur les grandes questions qui agitent actuellement le secteur. Premières réponses : la hausse des prix prévue en 2019 sera plus importante qu’attendue, mais les nouvelles exigences environnementales pouvant mener à un marché à deux vitesses inquiètent.
Le refrain est connu : l’immobilier belge navigue sur une mer d’huile.Tous les indicateurs sont au vert. Mieux : l’effet de la baisse des taux hypothécaires amorcée en 2014 laisse espérer encore quelques belles années, alors que les avertissements sur une éventuelle surchauffe du marché ou une bulle immobilière ne se sont jamais vérifiés. Et ce grâce à quelques garde-fous qui protègent le secteur du naufrage, tels un taux d’endettement faible, un taux de propriété élevé, une épargne des ménages qui déborde et des régimes fiscaux stables. Mais quid des perspectives réelles ? Trends-Tendances a rassemblé l’avis de 12 experts en immobilier sur le sujet. Tour d’horizon en 10 questions.
1. Quelles alternatives à l’immobilier ?
Tant pour le petit épargnant que pour l’investisseur confirmé, l’immobilier belge semble rester une planche de salut incontournable en matière d’investissement. ” Il procure entre 35 et 40 fois plus qu’un placement à la banque sur un compte d’épargne, fait remarquer Sébastien Verstraete, directeur residential investment properties chez CBRE. A risque équivalent, je ne vois rien qui soit aussi performant. ” Un constat partagé par le président d’Immobel, Marnix Galle : ” Dès que l’inquiétude des gens grandit, il y a davantage d’argent qui rentre dans le marché immobilier. Il s’agit d’un actif traditionnel qui possède une vraie valeur sous-jacente et un rendement bien supérieur à ceux d’autres actifs financiers “.
Pour les économistes Bernard Keppenne et Etienne de Callataÿ, il existe bien évidemment des alternatives intéressantes. Mais elles sont plus aléatoires. ” Un investissement dans un portefeuille diversifié d’actifs risqués, en particulier d’actions à l’échelle mondiale, peut être plus intéressant, lance le second, fondateur et CEO d’Orcadia Asset Management. Une telle alternative offre un profil risque/rendement nettement plus attractif que l’immobilier “. Alors que l’économiste en chef de la banque CBC estime de son côté que si l’on table sur un rendement net de 2 à 3 % pour l’immobilier résidentiel, ” un placement en actions est plus intéressant mais évidemment plus volatil. On peut estimer le rendement de ce dernier de 5 à 7 % en fonction des Régions “. Un avis toutefois tempéré par Gaétan Clermont, le CEO du promoteur Eaglestone : ” Nombreux sont ceux qui prétendront que la Bourse est le placement le plus rentable sur une longue période. Je pense que c’est inexact car l’immobilier est un des rares actifs qui peut être financé par une banque et qui vous permet dès lors de bénéficier de l’effet de levier sur vos fonds propres et donc d’optimiser significativement votre rendement sur ceux-ci. L’immobilier reste chez nous l’outil parfait de protection contre l’inflation tout en offrant une cyclicité très limitée. Sans oublier le fait que la fiscalité belge des personnes physiques relative à leurs investissements immobiliers reste une des plus attractives d’Europe”.
2. Quel est aujourd’hui le meilleur investissement en matière de résidentiel ?
Une évidence : le petit appartement à rénover situé en ville est plébiscité par la plupart des experts de notre panel. ” Cela permettra de maximiser votre investissement, lance Eric Verlinden, CEO de Trevi. Après rénovation, il offrira un rendement sécurisé de 4 à 4,5 % brut. ” Et Frédéric Sohet, à la tête du département immobilier de Deloitte, d’ajouter : ” Les prix de l’immobilier dans les centres-villes continuent d’augmenter. Cela reste donc un investissement intéressant, certainement parce que le marché de la location est aussi beaucoup plus important qu’à l’extérieur des villes. ” Stéphan Sonneville, le CEO d’Atenor, est plus pragmatique : ” Ce qui est certain, c’est que les touristes, les étudiants et les classes moyennes ne vont faire qu’augmenter. Les kots, hôtels et logements accessibles sont donc de bons placements. Les appartements neufs devront quant à eux mettre en avant leurs qualités environnementales car les logements de seconde main devront être rénovés de plus en plus lourdement. Finalement, la valeur la plus sûre en immobilier, quel que soit le segment, c’est la localisation. C’est-à-dire un kot près d’une université, un hôtel près d’une gare, un bureau près du métro ou encore un logement près d’un parc”.
Pour les plus aventuriers, Etienne de Callataÿ encourage ” un achat bon marché dans un segment qui n’est pas à la mode “, Gaétan Clermont met en avant un investissement ” dans un portefeuille diversifié mélangeant différents types d’actifs et de localisations “, alors que Guido de Crombrugghe, CEO du bureau d’expertise immobilière de Crombrugghe & Partners, relève que ” les secteurs les plus dynamiques aujourd’hui sont la logistique et la maison de repos et de soins. ”
3. Quel est le pire investissement ?
Rappelons tout d’abord les fondamentaux. Un mauvais investissement, c’est ” un logement mal évalué, mal situé et dont les performances énergétiques sont médiocres “, prévient Robert de Mûelenaere, administrateur délégué de la Confédération Construction. Mais le débat autour de l’avenir de la maison quatre façades peut offrir également son lot de réponses. ” Celles dont le prix est au-delà de 500.000 euros seront aussi un mauvais investissement, tranche Bernard Keppenne. Ce type de bien trouvera difficilement preneur dans les prochaines années. ” Etienne de Callataÿ va dans le même sens, précisant qu’il faut surtout ” se détourner des investissements qui ne correspondent pas à la transition environnementale qui nous attend “. Et Frédéric Sohet d’embrayer, estimant qu’il faut éviter d’investir dans ” des maisons situées loin d’un centre-ville et sans accès aux transports en commun. Avec la recherche croissante de proximité des centres et d’une bonne mobilité, ce type de logement n’est pas sujet à une forte demande de la part des investisseurs “.
Ces points de vue sur l’avenir des quatre façades ne sont toutefois pas partagés par tout le monde, même si l’évolution des normes énergétiques reste effectivement une donnée importante. ” Je ne vois pas quel argument plaiderait en défaveur des quatre façades, lance ainsi à contre-courant Pierre-Alain Franck, administrateur à l’UPSI, l’Union professionnelle du secteur immobilier. Le tout est de payer le juste prix en tant qu’investisseur. A ce titre, il faut être conscient que beaucoup de biens immobiliers anciens sont surévalués au regard des normes PEB (performance énergétique des bâtiments, Ndlr) actuelles. Si les prix de l’immobilier devaient tenir compte des investissements à réaliser en vue d’atteindre des niveaux de performance énergétique A ou B (objectif à atteindre en 2050), beaucoup de ces biens coûteraient moins cher. ”
Enfin, parmi les pires investissements, Marnix Galle éviterait les chambres d’hôtel ; Eric Verlinden, les maisons de repos et les logements à assistance (” il y a actuellement trop d’offres, donc la vacance locative est élevée “) ; et Frédéric Sohet, les appartements de grandes surfaces ” qui ont également du mal à trouver preneur, une tendance qui ne devrait pas s’inverser vu la taille future des ménages “.
4. Où investir ?
Une constante : dans les villes. L’avenir est au développement des centres urbains. Une tendance mondiale. C’est dans ces lieux que trouver un locataire sera toujours le plus facile. En Belgique, Bruxelles, Anvers, Gand, Louvain, Malines, Liège et Namur sont les villes les plus souvent citées. Avec une mention particulière pour les trois premières. ” Depuis 2010, la croissance de la population à Bruxelles, Anvers et Gand est de 11 %, 9 % et 8 %, relève Frédéric Sohet. C’est bien plus que la moyenne nationale. Plus intéressant encore : selon les chiffres de Statbel, depuis 2010, le prix médian des appartements dans ces trois villes a progressé de 28 % à Bruxelles, de 34 % à Anvers et de 38 % à Gand. ”
Stéphan Sonneville combine quant à lui localisation et type de bien, privilégiant ” un appartement en Brabant wallon, un logement abordable à Bruxelles ou dans une ville de taille moyenne en Flandre “. Plus généraliste, Robert de Mûelenaere conseillerait de son côté d’aller ” dans toute région où la demande est supérieure à l’offre, et où la demande va encore augmenter. Les quartiers qui en sont au début d’un processus de revalorisation sont également des pistes intéressantes “.
5. Quel rendement peut-on espérer aujourd’hui ?
Il faut tout d’abord distinguer deux éléments : le rendement locatif net que l’on obtiendra chaque année et la plus-value obtenue lors de la revente du bien. Pour un appartement neuf de qualité situé en ville, le rendement locatif brut oscillera de 3 à 3,75 %, selon le panel d’experts réuni par Trends-Tendances. Pour un appartement de petite taille situé en milieu urbain et qui a fait l’objet d’une rénovation, l’investisseur peut espérer obtenir de 4 à 4,5 % brut. ” Mais c’est la combinaison avec la plus- value obtenue qui permettra vraiment de savoir si l’investissement était intéressant “, note Sébastien Verstraete. On peut également y ajouter l’augmentation annuelle de la valeur du bien, qui était par exemple de 4 % l’an dernier, selon Deloitte. ” Le cohabitat offre, de son côté, des rendements plus importants allant de 5 % à 6,5 % à Bruxelles, précise Frédéric Sohet. Il est à souligner que des rendements supérieurs peuvent être atteints en dehors de la capitale. Mais il faudra alors se méfier des frais et du temps de gestion nécessaire. ”
6. La baisse du nombre de propriétaires est-elle une bonne affaire ?
Elle ne semble en tout cas pas inquiéter nos différents experts. Il s’agirait d’ailleurs d’un juste retour des choses. Selon Eurostat, 73 % des ménages belges sont des propriétaires-occupants. Un chiffre légèrement supérieur à la moyenne européenne (69 %). ” La hausse du taux de propriété depuis le milieu des années 1990 a surtout été le fruit d’une volonté politique, concrétisée par le système du bonus logement, rappelle Julien Manceaux, économiste chez ING. Ces politiques ayant été revues et les normes écologiques se renforçant, le taux de propriété devrait naturellement revenir à ses niveaux passés (65% au début des années 1990). Il n’y a là rien d’inquiétant d’un point de vue économique, il s’agit d’un choix purement politique. ”
Il faut aussi lier cette évolution à un changement de mentalité de la nouvelle génération qui ne souhaite plus être pieds et poings liés à un prêt hypothécaire de longue durée. ” Certains jeunes ont d’autres aspirations dans leur vie et sont heureux de la flexibilité qu’offre la location “, lance Gaétan Clermont. ” Sans parler du fait que devenir propriétaire est un luxe coûteux dont les candidats ne se rendent pas toujours compte en franchissant le pas “, relève Stéphan Sonneville.
Le seul à pointer un risque, c’est Pierre-Alain Franck, de l’UPSI. Il craint de voir de très grands investisseurs obtenir des positions dominantes, qui pèseraient d’un poids significatif sur le marché locatif en possédant des dizaines de milliers de logements. ” En Belgique, on ne connaît encore actuellement pas du tout ce type de situations, et il semble qu’il y ait une concurrence saine entre investisseurs pour attirer les locataires, reconnaît-il. Mais des exemples existent aux Etats-Unis et dans d’autres villes européennes. Ce sont des situations qu’il faut à tout prix éviter, car on en connaît les dérives, notamment une inflation des loyers. ”
7. Comment vont évoluer les prix de l’immobilier dans les prochains mois ?
Pas de grandes révolutions en la matière pour nos experts, qui tablent sur une hausse générale de 2 % pour 2019. Dans la lignée des années précédentes. ” Compte tenu des perspectives économiques, cette croissance devrait être légèrement plus élevée en Flandre et à Bruxelles et légèrement plus basse en Wallonie “, précise Guido de Crombrugghe (de Crombrugghe & Partners). Eric Verlinden, dont l’indice Trevi lui permet d’avoir une vue précise de l’évolution des prix, est quant à lui un peu plus optimiste puisqu’il prévoit une hausse moyenne de 4 %, supérieure à ses prévisions de janvier. ” Pour ING, la croissance des prix attendue est de 3,4 % en 2019 et de 3 % pour 2020, estime, lui, Julien Manceaux. Il est toutefois difficile de prévoir comment le marché évoluera en 2020, vu les possibles changements de législation en matière de fiscalité immobilière en Flandre. ”
8. Des taux hypothécaires au plus bas, encore pour longtemps ?
Pas d’inquiétude, vous avez encore un peu de temps avant de vous décider à investir dans l’immobilier. Nos experts les plus pessimistes s’attendent à une remontée des taux d’ici seulement 2021, et les plus optimistes d’ici cinq ans. ” La question principale est même de plutôt savoir s’ils peuvent encore continuer à baisser, ose Julien Manceaux. On voit en effet que le taux fixe de plus de 10 ans stagne à 2 % en moyenne malgré les taux de marché plus bas. Et ce parce qu’il subsiste une prime de risque liée à l’immobilier qui n’est plus compressible et que la BNB a d’ailleurs la ferme intention de faire remonter. ” Et Etienne de Callataÿ d’ajouter qu’aujourd’hui ” tout va dans le sens de taux d’intérêt nominaux durablement faibles, en particulier la faiblesse des pressions inflationnistes sous-jacentes et le caractère accommodant des politiques monétaires des banques centrales “.
9. Quels sont les facteurs qui vont soutenir le marché immobilier en 2020 ?
La faiblesse des taux d’intérêt met tous nos experts d’accord. C’est un élément incontournable. ” D’autant qu’elle soutient les capacités d’emprunt hypothécaire et donc les prix de l’immobilier “, précise Etienne de Callataÿ. Bernard Keppenne ajouterait ” l’impact positif du tax shift sur les revenus des ménages et la faiblesse des rendements obligataires, ce qui pourrait détourner des investisseurs vers l’immobilier “. Un point confirmé par Guido de Crombrugghe qui pointe ” la volatilité des valeurs boursières “. Eric Verlinden met quant à lui en avant le fait que la raréfaction des terrains à bâtir devrait dynamiser le marché.
10. Quelles sont les principales incertitudes qui pèsent sur le marché immobilier belge ?
Ces dernières années, l’immobilier belge a évité tous les coups de barre. De là à le qualifier d’insubmersible ? Nos experts pointent tout de même quelques éléments qui pourraient faire vaciller le bateau. Etienne de Callataÿ relève ” de nouvelles exigences environnementales et une fiscalité qui tiennent compte des loyers réels “. Dans le même ordre d’idées, Julien Manceaux évoque ” les mesures prises sous l’influence des partis écologistes qui risquent d’affecter la valeur des biens les plus anciens “. Mais il parle aussi d’actions qui pourraient être prises par la Banque nationale pour limiter la forte croissance de l’endettement des particuliers. Frédéric Sohet, quant à lui, regrette ” l’incertitude politique actuelle, qui n’apporte rien de bon en termes de visibilité et de stabilité pour le marché à moyen terme. Par exemple, des mécanismes de pénalité sur la vente de biens non durables pourraient avoir des impacts sur les prix mais également sur les loyers “. Son de cloche plus précis pour Gaétan Clermont, qui rappelle le besoin d’obtenir les permis d’urbanisme dans les délais de rigueur ” car l’inverse entraînera une hausse significative des prix “.
Gaétan Clermont (Eaglestone), Etienne de Callataÿ (Orcadia Asset Management), Guido de Crombrugghe (de Crombrugghe & Partners), Robert de Mûelenaere (Confédération Construction), Pierre-Alain Franck (UPSI), Marnix Galle (Immobel), Bernard Keppenne (CBC Banque), Julien Manceaux (ING), Frédéric Sohet (Deloitte), Stéphan Sonneville (Atenor), Eric Verlinden (Trevi), Sébastien Verstraete (CBRE).
La Banque nationale évoque régulièrement le fait que le marché immobilier est surévalué de 6,7 %. De quoi hérisser les cheveux de tous nos experts, dans une belle unanimité. ” Le prix d’une maison en Belgique reste relativement abordable par rapport à d’autres pays européens “, estime par exemple Frédéric Sohet. Un constat partagé par Pierre-Alain Franck : ” Cela fait des années que l’on parle de surévaluation du marché et les prix continuent d’augmenter. Il semble que le marché soit donc sain. Par contre, il faudrait mieux expliquer ce que cette surévaluation signifie et ce qu’elle implique concrètement pour les propriétaires et les futurs acquéreurs, sans quoi ce type de déclarations finira par ne plus alerter personne. ”
Stéphan Sonneville a une autre analyse : ” Le marché n’est pas surévalué. Mais le problème, c’est que les investisseurs occupants achètent au-dessus de leurs moyens, sans s’en rendre compte. Ce qui aura pour effet, à moyen ou à long terme, de les maintenir dans une forme de dépendance financière qui les empêchera de prendre des risques dans d’autres domaines de leur vie. Par contre, pour un investisseur qui investit à long terme, un prix 5 ou 10 % trop élevé sera absorbé sans problème. ”
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