Vivre dans une copropriété implique de prendre ensemble des décisions pour gérer les espaces communs. Mais quand les intérêts divergent et que les tensions surgissent, parvenir à un accord peut devenir un vrai casse-tête. Surtout en l’absence d’une figure d’autorité… Maëlle, propriétaire d’un appartement dans une copro bruxelloise, témoigne.
Maëlle*, la trentaine, a investi dans son premier bien immobilier à Bruxelles : un petit appartement situé au cœur d’une copropriété de huit unités. Elle imaginait en faire son pied-à-terre, avant de le louer ou le revendre quelques années plus tard. Mais, ce rêve immobilier a aujourd’hui viré au cauchemar. Impossible, selon elle, de louer le bien, et le revendre s’avère déjà plus compliqué que prévu. La faute à une mauvaise gestion de la copropriété : pas d’assurance incendie, pas de fonds de roulement, flou dans le paiement des charges, absence de syndic efficace… Une situation qui n’a pas l’air de se débloquer, malgré de nombreuses tentatives.
Un syndic bénévole qui ne fonctionne pas
Depuis qu’elle a intégré la copropriété, la désignation d’un syndic s’est avéré être un sujet épineux. Après l’échec d’une première tentative avec un professionnel, l’Assemblée Générale a finalement pris la décision de nommer un syndic bénévole.
« Avec un syndic non professionnel bénévole, on s’organise au sein de sa propre copropriété. Ici, on est huit appartements, par exemple. Et on a désigné l’un des propriétaires comme chef de syndic, si je puis dire. Mais depuis lors, il n’a lancé aucune démarche pour vraiment gérer cette copropriété : pas de compte bancaire commun, pas d’assurance, pas de fonds de roulement… »
Cette absence de démarches concrètes frustre la jeune propriétaire, qui se sent impuissante alors que tout devrait pourtant être simple. « Le pire, c’est qu’on a tout sur papier : les quotités, un syndic… Mais malgré cela, rien ne s’enclenche.
On a bien tenu une Assemblée Générale, c’est déjà une première chose. Mais maintenant, il faut trouver une assurance pour le bâtiment, ouvrir un compte pour mettre de l’argent tous les mois, pour payer les frais communs notamment… Sauf qu’en réalité, rien ne bouge. » Et comme tout est au nom du syndic bénévole, les autres copropriétaires – même motivés – ne peuvent rien faire. En résumé, le blocage est total.
Un exemple frappant : les charges communes. « Il y a un flou total concernant le paiement de ces charges, notamment pour l’électricité commune. Pour l’instant, l’argent est toujours débité d’un compte d’un ancien propriétaire… qui n’habite plus ici. C’est fou. » Résultat : la copropriété tourne au ralenti, coincée dans une gestion fantôme.
Des tensions qui paralysent la copropriété
Le nœud du problème, selon elle ? La mésentente entre copropriétaires. « Comme c’est à nous de tout mettre en place, si on ne s’entend pas, rien ne bouge ». Chacun pense à son propre intérêt, de quoi renforcer l’inaction et les tensions. « Certains aiment faire leur petite popote interne et réparer leurs trucs dans leur coin. Mais s’il s’agit de la toiture, cela concerne tout le bâtiment. Or, mes copropriétaires du rez-de-chaussée ont l’impression qu’ils ne doivent pas s’en préoccuper. »
Et le manque de cadre clair n’aide pas non plus à instaurer une collaboration entre les différents propriétaires. « C’est bête mais j’ai l’impression que s’il y avait ne fût-ce qu’un compte en banque commun, où chacun verserait 10€ par mois pour payer l’électricité, cela créerait une sorte d’entente. Cela nous permettrait d’avancer et d’organiser la vie en communauté. Pour le nettoyage des communs par exemple, car aujourd’hui, ce sont toujours les mêmes qui nettoient. »
À cela s’ajoutent les différences culturelles, qui compliquent encore davantage la situation. Du fait de son internationalisation, Bruxelles est en effet aujourd’hui la région la plus multiculturelle d’Europe et la 2e au monde. « Tout le monde ne parle pas la même langue, donc ce n’est pas toujours évident de se comprendre. Et il y a des gens qui viennent de pays étrangers et qui n’ont donc aucune notion des lois d’ici ni de l’importance d’une assurance. Les gens n’ont pas envie de dépenser pour une chose qu’ils ne comprennent pas. »
Résultat : sur les huit appartements, seuls trois propriétaires veulent vraiment faire avancer les choses. Et a priori, le syndic bénévole n’en fait pas partie… « Nous ne sommes que trois à vouloir faire bouger cette copropriété, à se rendre compte qu’il faudrait faire des petits travaux – remplacer une porte par exemple. Mais les autres ne sont pas du tout réceptifs. Et comme nous devons courir après eux et qu’il n’y a pas de figure d’autorité, ils s’en fichent. »
Pourquoi un syndic externe apparaît comme la seule solution
Une solution envisageable? Faire appel à un syndic professionnel. « L’idéal, en cas de conflit interne, c’est d’avoir un syndic externe rémunéré tous les mois et qui s’occupe de la gestion de la copro. C’est lui qui mettra en place, par ses propres moyens, une assurance du bâtiment. C’est lui qui ouvrira les comptes en banque, c’est lui qui indiquera s’il y a un fonds de roulement pour le bâtiment… »
« Le problème actuel, c’est l’absence de figure d’autorité qui pourrait mettre un peu ‘des coups de pieds’ aux fesses des copropriétaires. Sans cela, les autres s’en fichent. C’est compliqué de faire avancer les choses quand tu es ton propre syndic de copropriété ».
Autre difficulté majeure : la répartition des frais. « Si quelqu’un ne paie pas sa part lors de travaux, ce sont les autres qui compensent. Et ça aussi, ça pose forcément problème. Alors qu’avec un syndic externe, je pense qu’il peut appeler lui-même des huissiers de justice pour forcer le propriétaire négligeant à payer sa facture. »
La situation devient même dangereuse, en particulier à cause de l’absence d’assurance, qui pèse sur la copro. « En cas de pépin, personne n’est protégé. Quand je pars en vacances, c’est toujours un stress. Si je pars sans mon compagnon, je lui donne la clé, et mon père a toujours un double au cas où. »
Un climat anxiogène qui fait douter de l’avenir, et qui ruine les plans de Maëlle. « C’est un appartement très bien situé, qui est super chouette et qui sera toujours louable. Et moi, c’était un peu pour cette raison que je l’ai acheté : je me disais qu’un jour, je pourrais le revendre. Mais aujourd’hui, j’hésiterais même à le revendre parce que cette copro est un enfer. Et sans assurance, je ne peux même pas louer mon appartement. Si un locataire mettais le feu à l’appartement, je risquerais de tout perdre. Moi, je fais hyper attention, mais quand t’as des locataires, ce n’est pas le même degré de responsabilité. C’est ça qui est compliqué.
Et elle n’est pas la seule à se sentir piégée. « Mes voisins, qui veulent aussi que les choses changent, sont à bout. Ils songent à changer d’habitation et pensent clairement à revendre, juste à cause de cette copropriété. »
Le rôle attendu d’un syndic
Dès qu’un bien immobilier est divisé en plusieurs appartements, vendus à des propriétaires différents, naît une situation de copropriété. L’ensemble des propriétaires forment alors ce qu’on appelle une Assemblée Générale (AG), chargée de se réunir et de voter toutes les décisions importantes concernant le bâtiment et la vie au sein de la copropriété. La gestion journalière de la copropriété est, quant à elle, confiée à un gérant, appelé « syndic » de l’immeuble. Ce syndic peut être bénévole – un copropriétaire nommé lors d’une AG – ou professionnel – bien souvent un agent immobilier agréé spécialisé dans la gestion d’immeubles à appartements.
Le syndic a plusieurs rôles :
– il doit par exemple souscrire une assurance en responsabilité civile,
– permettre aux copropriétaires d’avoir accès à tous les documents relatifs à la copropriété,
– solliciter plusieurs devis pour certaines interventions,
– procéder à une évaluation des contrats de fournitures,
– demander l’autorisation de l’AG avant de conclure un contrat avec des proches (afin d’éviter les conflits d’intérêts),
– tenir une comptabilité,
– et préparer un budget provisionnel pour les dépenses courantes…
*prénom d’emprunt
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