Immobilier à Louvain-la-Neuve: “Il faudra dorénavant contrôler davantage les prix”
La flambée des prix du résidentiel à Louvain-la-Neuve est indéniable. Le profil des acheteurs s’en ressent, les seniors débarquant en nombre. De quoi alerter le propriétaire foncier – l’UCLouvain – qui va désormais tenter de favoriser la construction de logements abordables. Au total, près de 3.000 logements seront construits d’ici 2040.
C’est devenu le pôle central du Brabant wallon. L’un des lieux les plus attractifs pour y habiter, s’y dépenser ou s’y divertir. Et le plus attractif pour les entreprises. Un contexte qui a fait exploser les prix de son immobilier ces dernières années. Le développement de Louvain-la-Neuve est toutefois encore loin d’être terminé. De quoi encore tenter de rééquilibrer certaines balances, histoire de ne pas devenir une ville où ne se côtoient qu’étudiants et seniors. “L’université a clairement un rôle d’exemplarité à jouer, lance Alexia Autenne, administratrice générale de l’UCLouvain. Dans tous les domaines. Et le développement urbain n’y échappe pas. Nous devons être innovants sur les plans technique et urbanistique lorsqu’un projet se développe sur notre sol. Nous disposons au sein de l’université des ressources nécessaires pour continuer à être avant-gardiste. Il faut donc en faire bon usage.”
Avant de prendre la route pour une balade à travers les ruelles de Louvain-la-Neuve avec Nicolas Cordier, le directeur de l’INESU, le bras immobilier de l’UCLouvain, Alexia Autenne prend le temps de rappeler les enjeux du moment. Un propriétaire qui valorise ses 900 hectares et qui finalise, pour l’heure, les derniers grands dossiers d’aménagement urbain. De quoi donner un élan supplémentaire à cette ville de 11.000 habitants, auxquels il faut ajouter les 14.000 étudiants qui y dorment et les 55.000 personnes qui la parcourent en journée. “L’un des principaux enjeux est en effet d’augmenter le nombre d’habitants pour être plus conforme aux équipements dont dispose Louvain-la-Neuve ainsi que de favoriser une mixité d’âge, estime Alexia Autenne. Il faut permettre à davantage de monde de pouvoir profiter des atouts de la ville tout en procurant davantage de recettes fiscales. Dorénavant, quand nous activerons du foncier, ce sera dans une logique de soutenabilité.”
L’Esplanade et Courbevoie, les multiples enjeux
Premier arrêt, la gare. “On commence par un dossier compliqué”, sourit Nicolas Cordier. Un sujet de tensions depuis plus de 10 ans. Le projet d’extension de L’Esplanade est pratiquement enterré. Le propriétaire Klépierre cherche à vendre l’option qu’il possède pour bâtir au-dessus des voies. Une destination mixte est plus que probable. Deux promoteurs sont déjà sur la balle. En attendant, la commune tente de finaliser (depuis cinq ans…) un schéma d’orientation local (SOL) pour déterminer la nouvelle affectation des lieux.
Quelques mètres plus loin, nous voici à l’extrémité de L’Esplanade, le long du boulevard de Wallonie. Les rails et les quais sont en train d’être allongés de quelques dizaines de mètres pour faire le lien avec le nouveau quartier de Courbevoie et le Park & Ride de la SNCB. Au milieu de ce chantier, trois propriétaires (Klépierre, Wilhelm & Co et UCLouvain) se partagent encore une bande de terrain qui traverse le boulevard et fait office de terrain vague pour le moment. “Nous ne pouvons pas laisser ces terrains comme cela, d’autant plus qu’il s’agit d’une entrée de ville, lance Nicolas Cordier. Logements, commerces et bureaux devraient voir le jour ici, d’après le SOL.”
Il suffit de continuer son chemin de quelques mètres pour entrer dans le quartier de Courbevoie, développé par Besix Red et Thomas & Piron. Un mastodonte de 570 logements, dont le succès commercial semble apparent. Cent kots et 213 appartements sont déjà construits (tous vendus) et 199 appartements sont en cours de construction (vendus à 50%). Juste à côté, un parc et ses plans d’eau qui font office de bassins d’orage séparent ces logements du quartier d’habitat alternatif de la Baraque. Un espace toutefois toujours inaccessible suite à un conflit entre l’UCLouvain et la Ville, chacun se renvoyant la balle sur qui gèrera et entretiendra les lieux.
Le passage au milieu de ce quartier donne l’occasion de s’arrêter quelques instants sur la dérive immobilière de Louvain-la-Neuve. “A refaire, 15 ans plus tard, nous ne laisserions plus toutes les clés du camion aux deux promoteurs, reconnaît Nicolas Cordier. Il faut davantage contrôler le foncier que nous libérons, et donc les prix. C’est ce que nous ferons à l’avenir, de manière à proposer des logements plus abordables. Mais il faut préciser que les prix ne sont régulés nulle part. Il est donc un peu facile d’attaquer l’université. Les prix pratiqués dans ce projet s’expliquent aussi par le fait qu’il n’y a plus eu de logements neufs pendant 10 ans. L’attente était donc importante.” Et elle est assouvie puisque 70% des appartements sont déjà vendus. La troisième et dernière phase sera lancée d’ici peu. “L’objectif est d’être dorénavant attentif à notre pyramide des âges. Les prix de l’immobilier font que nous accueillons beaucoup de seniors qui revendent leur villa et achètent un appartement à Louvain-la-Neuve. Nous devons davantage favoriser le mix des générations. Comme pour l’exemplarité en termes de développement durable, la mixité générationnelle et sociale doit davantage être une priorité à l’échelle de l’ensemble des développements en cours.”
Vers un nouveau morceau de ville
Nous voilà donc à hauteur de la nationale 25. Les travaux d’infrastructures favorisant l’entrée dans le Park & Ride de 2.500 places de la SNCB se finalisent. Un parking toujours bien vide. On part ensuite sur la droite, vers le parc scientifique. Au loin, on aperçoit les logements du quartier de la Baraque. Une spécificité locale qui contraste avec la spéculation immobilière des alentours. Même si un récent rapport défavorable des pompiers met l’avenir des lieux en suspens. “Nous allons aménager une piste cyclable qui bordera ce quartier et permettra de rejoindre le haut de Louvain-la-Neuve, à hauteur du parking de la Brasserie RN. Une cinquantaine de logements, de type habitat groupé, seront aménagés sur un terrain situé entre la N25 et le quartier. Et ce, comme prévu par la Ville dans le schéma directeur de la Baraque.” Un premier permis pour 12 logements a été octroyé. Les autres devraient suivre.
On prend ensuite le temps de traverser toute la cité universitaire, de découvrir la place des Wallons rénovée et de se retrouver sur la passerelle qui permet de rejoindre le parking Leclercq. La vue donne sur la gare des bus et le chantier de rénovation du Théâtre Jean Vilar. Et sur de grands parkings. “Un immeuble comprenant 100 logements était prévu au-dessus des voies de chemin de fer pour accueillir les travailleurs chinois qui devaient rejoindre le CBTC. Le projet a été abandonné. Un plan B a été lancé, avec 130 logements à proximité de la haute école Ephec. Nous garderons les logements en propriété pour les louer.” Et Nicolas Cordier d’ensuite sortir son smartphone et de nous montrer le plan masse d’un immense nouveau morceau de ville qui doit redessiner et recouvrir l’ensemble de la zone qui est devant nous (voies de chemin de fer, parking Sablon, voiries, gare des bus et parking Leclercq). “Le Tec souhaite développer la gare des bus pour avoir 16 quais. Ce mobi-pôle sera l’élément central de la finalisation de l’aménagement de cette partie de la ville, qui fait peine à voir pour le moment. Sur cette nouvelle dalle, nous retrouverons plusieurs immeubles de logements (300 unités), des commerces, des bureaux et des bâtiments académiques. L’échéance était programmée pour 2040 mais la Ville nous a convaincus d’avancer plus rapidement sur l’agrandissement de la gare des bus qui sera en partie abritée. Le chantier s’annonce très ambitieux pour les promoteurs à qui nous feront appel.” Direction, ensuite, le lac de Louvain-la-Neuve, au pied de l’Aula Magna. L’occasion de passer devant le nouvel ensemble résidentiel Agora Resort d’Eckelmans, enfin terminé. Des appartements haut de gamme qui donnent sur le lac. “Il est important de relier le centre et les quartiers adjacents en terminant la dalle qui épousera le relief du sol. L’idée du schéma directeur est de construire un ensemble de près de 300 logements dont les immeubles seront aménagés dans la lignée de ceux du quartier des Bruyères. Le parking provisoire sera supprimé pour laisser place à un espace vert. A cet endroit, nous pouvons nous permettre de valoriser le foncier plus cher qu’ailleurs, de manière à pouvoir financer le coût des aménagements urbains et notre politique de logement abordable. Vous l’avez compris, la clé de notre politique est de pouvoir jouer sur le prix du foncier. C’est une opportunité que nous voulons utiliser à meilleur escient.”
Réguler les plus-values
Reste à mettre le cap sur le dernier quartier résidentiel à développer à Louvain-la-Neuve. Le plus important. Avec ses 1.400 logements, la zone Athena-Lauzelle se veut le quartier exemplaire de demain. Il sera situé le long du boulevard de Lauzelle, à l’entrée nord de la ville, sur un site de 30 hectares et devrait accueillir 3.500 habitants. “Un projet novateur et exemplaire, s’emballe Nicolas Cordier, ragaillardi malgré une heure de balade rythmée. En Wallonie, c’est le plus grand quartier piloté par un seul développeur. Nous serons innovants tant sur le plan technique que de l’aménagement. Ce quartier doit être un modèle du genre sur le plan de la mobilité, de l’énergie, des modes d’habitat, de la dématérialisation du foncier, de l’accessibilité ou encore de l’architecture. Les voitures seront stationnées en bord du site dans des parkings silos mutualisés qui pourront être réversibles si besoin. Ce projet doit permettre à de jeunes familles de pouvoir continuer à vivre à Louvain-la-Neuve. Les maisons y seront financièrement accessibles, et pas seulement pour les premiers propriétaires. Il y aura de l’autopromotion – ce qui permettra de vendre des terrains à bas prix à des particuliers – et des zones développées par des promoteurs. C’en sera surtout fini de la procédure originelle locale du ‘premier arrivé, premier servi’. Nous respecterons des critères précis pour favoriser une mixité. Il est aussi capital de pouvoir mieux réguler dès le départ le prix de cession des immeubles et la plus-value qui s’ensuit. Cela n’a pas été fait auparavant. Cela ne peut plus se reproduire. Une maison qui a coûté 250.000 euros à la construction et qui grimpe à 500.000 euros dès que la clé est mise dans la porte, ce n’est plus possible.” Un nouveau Louvain-la-Neuve, un peu plus ouvert socialement, semble donc se dessiner sur papier. Avec plus de 3.000 logements à construire d’ici 2040, le mix sera, il est vrai, plus aisé à réaliser et réguler.
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