Immo: “A Liège, on préfère toujours acheter que louer”

© DEBBY TERMONIA

Le marché locatif liégeois reste encore peu développé. Il est essentiellement dynamisé par les étudiants. L’arrivée de nouveaux projets immobiliers pourrait offrir de nouvelles perspectives aux candidats à la location. Mais aussi faire grimper les loyers.

Il est rapidement monté dans sa voiture et a pris la direction de la presqu’île de Coronmeuse. Pour analyser par lui-même la situation. Et se rassurer surtout. Mi-juillet, la Belgique était frappée par d’importantes inondations. Et de nombreuses communes ont pris l’eau. Dont Liège, avec les quartiers d’Angleur et de Chênée comme principales victimes. “La Meuse n’a heureusement pas débordé à Coronmeuse, précise Laurent Malard, directeur de CIT Red, qui pilote le projet immobilier Rives Ardentes. Il restait encore 1,5 mètre avant de passer au-dessus des berges. Ces inondations étaient exceptionnelles. Savoir que, même dans cette situation, le site a été préservé est quelque peu rassurant pour l’avenir.” Le projet Rives Ardentes, un nouvel écoquartier de 1.325 logements, doit voir le jour sur ce site de 25 hectares d’ici 2023. La commercialisation a débuté au printemps. Une quarantaine d’appartements ont déjà été vendus. Avec, comme principal slogan marketing, le bonheur de vivre au bord de l’eau… “Il est évident qu’il a été nécessaire ces dernières semaines de rassurer les nouveaux acquéreurs et de conforter les candidats à l’acquisition”, ajoute Laurent Malard. “Ce site n’est pas recensé comme zone inondable dans les cartes officielles, précise Joël Meersseman, architecte-associé chez Syntaxe Architectes, l’un des bureaux qui a dessiné le projet. Il n’y a donc pas de mode constructif particulier qui a été prévu. Mais ce n’est pas nécessaire. Les berges de cinq mètres de haut font office de digue. Il n’y a pas de sous-sol non plus. Les risques sont minimes.”

Il a fallu reloger de nombreuses personnes victimes des inondations. Le marché locatif a donc connu une certaine surchauffe.” Fabien Szmaj (Optimum)

L’attrait du marché immobilier pour les immeubles à appartements le long des cours d’eau est un phénomène mondial. De Londres à Paris, en passant par Namur, Tubize ou Bruxelles en Belgique, les projets les plus haut de gamme sont désormais situés au bord de l’eau. Dans la capitale wallonne, les ensembles résidentiels se sont d’ailleurs multipliés ces dernières années. Alors qu’en Cité ardente, les projets immobiliers s’alignent sur le tracé de la Meuse, suivant notamment la voie du futur tram. “Ces nouveaux immeubles sont le plus souvent surélevés par rapport au niveau de l’eau et relativement en recul, précise Joël Meersseman. Sans oublier que les rez-de-chaussée sont destinés à d’autres fonctions que de l’habitat (commerce, local vélo), ce qui est déjà un moindre mal. Et puis les projets situés au bord de l’eau sont loin d’être systématiquement inondés. Il ne faut pas généraliser même s’il faut être attentif.” Et Jean-François Denis, directeur de l’agence liégeoise Engel & Volkers, d’ajouter: “La Meuse n’a pas débordé en centre-ville et il y a le plus souvent une rue entre le fleuve et les immeubles anciens. Je pense donc que l’impact sera minime pour le marché du centre-ville liégeois. Même à Angleur et Chênée.”

La propriété reste un must

Des projets comme Bavière (BPI), Rives Ardentes (CIT Blaton, Jan De Nul Group et Willemen Groep) ou encore le Val Benoit (Life) doivent en tout cas contribuer à développer la nouvelle offre d’appartements neufs qui arrive à Liège. Et par la même occasion développer ces marchés de l’investissement et de la location qui ne demandent qu’à s’envoler. “Les petits investisseurs sont aujourd’hui très présents, remarque le notaire Stéphane Delange, dont l’étude est située non loin de la gare des Guillemins. Dès qu’ils ont la possibilité d’investir dans un appartement affiché à 250.000 euros, ils passent à l’acte. Que ce soit pour du neuf ou de l’ancien. Pour ce dernier segment, les prix sont devenus quelque peu déraisonnables. Un appartement valant 200.000 euros est proposé à 230.000 euros et il se vend sans souci. Cela concerne tous les types de biens.”

Le parent pauvre du marché locatif liégeois reste pour l'heure la maison.
Le parent pauvre du marché locatif liégeois reste pour l’heure la maison.© DEBBY TERMONIA

Le marché locatif est donc particulièrement dynamique ces derniers temps. Une situation qui devrait encore se renforcer à l’avenir vu l’afflux de projets immobiliers neufs et l’évolution sociétale autour de l’attrait de la propriété. “L’approche du marché locatif est différente à Liège et Bruxelles, tempère Stéphane Delange. Les gens préfèrent toujours acheter que louer car, vu les prix, il reste relativement aisé d’accéder à la propriété. Chaque semaine, nous vendons des maisons de ville affichées à 150.000 euros. Par ailleurs, il n’y a que peu d’investisseurs institutionnels actifs sur le marché de la location. Le marché locatif est essentiellement soutenu grâce aux étudiants et aux colocations. Il s’agit donc d’un segment intéressant mais je ne pense pas qu’il a déjà atteint le stade où les candidats acquéreurs n’ont d’autres solutions que de se tourner vers la location.”

Un constat qui n’est pas vraiment partagé par Fabien Szmaj, directeur des agences immobilières Optimum (Liège et Visé), qui pense au contraire que le marché locatif liégeois va connaître un certain emballement d’ici peu: “Ces dernières semaines, il a fallu reloger de nombreuses personnes victimes des inondations. Le marché locatif a donc connu une certaine surchauffe. Je pense que cette situation va perdurer pendant un an. Si on prend un peu de recul, on voit également qu’il y a davantage de travailleurs expatriés à Liège et que les jeunes sont moins attachés à la propriété. Sans oublier le fait qu’un nombre croissant de personnes éprouvent des difficultés à accéder à la propriété. Je pense donc que ce marché va vraiment décoller, d’autant plus que des biens neufs vont être mis sur le marché de la location d’ici peu vu qu’il y a également davantage de petits investisseurs. Ce qui va attirer un nouveau public. A moyen terme, les prix des loyers seront tirés vers le haut par ces appartements neufs et par les appartements qui sont bien rénovés.”

Et Fabien Szmaj de relever que l’investisseur ne se tourne plus désormais uniquement vers le studio ou l’appartement une chambre mais bien vers l’appartement de deux chambres. Une diversification qui serait liée selon lui à un élargissement du marché locatif. “Le rendement brut avoisine les 3% ou les 3,5%, ce qui n’est pas très élevé, précise-t-il. Le loyer moyen tourne autour de 800 à 1.000 euros pour un appartement. Les investisseurs n’ont aujourd’hui plus peur d’aller un cran plus haut concernant les loyers. Les locataires sont prêts à mettre le prix pour habiter dans un beau logement.”

Cherche maison à louer

Le parent pauvre du marché locatif liégeois reste en tout cas pour l’heure la maison. Il y en a très peu sur le marché. “Dès qu’il y en une qui est bien rénovée, je reçois une dizaine de sollicitations pour des visites, lance Jean-François Denis, directeur de l’agence liégeoise Engel & Volkers. Cela se loue très rapidement.” Et l’agent immobilier de citer le projet Golf Village, au bord du golf de Bernalmont, où le promoteur Daenen propose 18 maisons neuves en bois et six appartements: “Un excellent investissement. Ce produit se louera extrêmement bien, avec un loyer de 1.200 à 1.500 euros alors que le prix d’achat varie de 374.000 à 408.000 euros (HTVA). Il s’agit d’un créneau à suivre.”

“Avec les inondations, la dépréciation de valeur sera inévitable”

Si le marché liégeois ne devrait être impacté qu’à la marge par les inondations de l’été, il en va autrement des maisons et appartements situés dans la vallée de l’Ourthe ou de la Vesdre. Les inconnues sont multiples. Mais une dépréciation de la valeur des biens situés le long des cours d’eau semble inévitable. “Que ce soit à Pepinster, Trooz, Chaudfontaine ou Verviers, des dizaines de maisons vont être démolies, regrette Arnauld Caduta, directeur du groupe CADimmo, qui possède des agences à Liège, Sprimont et Trooz. Certains habitants ne veulent plus habiter dans leur quartier. Il va donc y avoir énormément de maisons à vendre. Toutefois, ces propriétaires vont éprouver les pires difficultés pour vendre leur bien à un prix correct. Le marché immobilier va clairement en pâtir.” Certains experts immobiliers évoquent une baisse des prix de 10 à 20%. Au minimum pendant un an. “Il va falloir parfois plusieurs années avant de réparer des infrastructures importantes telles que les ponts, lance le notaire Stéphane Delange. La vie commerciale est également fortement touchée. Sans parler des maisons abandonnées ou expropriées. Cela ne va pas renforcer l’attractivité de ces communes.”

Les maisons et immeubles à appartements situés sur les hauteurs devraient en tout cas prendre encore davantage de valeur. Et ce au détriment des biens situés dans la vallée. “Je crains vraiment que toutes les maisons ou immeubles situés au bord de la rivière ne trouvent plus preneurs, lance Fabien Szmaj. Des quartiers fantômes pourraient voir le jour. On devrait assister à l’avenir à un repositionnement de l’urbanisme local. Reste à voir de quelle ampleur. Je pense que l’activité immobilière sera très faible durant les prochains mois. La baisse de valeur sera indéniable. Il y a bien évidemment des opportunistes qui sont prêts à prendre des risques, à rénover un bien avec des aménagements spécifiques (prises électriques surélevées, etc.), le mettre en location et le revendre d’ici cinq ou six ans. Trouver des locataires qui acceptent de prendre ce risque est aussi possible mais il faudra être persuasif. L’exemple de l’aéroport de Bierset est parlant à cet effet. Le marché immobilier s’y est écroulé avant que certains acceptent d’y habiter malgré les nuisances. Mais en payant moins cher.”

Reste l’indécision autour des compromis de vente signés avant les pluies dévastatrices. Certains biens étant complétement démolis. “Le propriétaire a l’obligation de le vendre dans le même état que lors de la signature du compromis”, précise Stéphane Delange. Et Arnauld Caduta d’ajouter: “Beaucoup d’acheteurs sont revenus sur leur engagement ces dernières semaines. Sur une quarantaine de ventes prévues, une trentaine ne se feront pas. Les locataires quittent également leur logement et demandent des libérations de caution. On ne peut rien y faire. Seul le temps permettra de quelque peu oublier cette situation”.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content