Des marchands de sommeil condamnés en Flandre
Quarante mois ferme pour le père et le fils et plus de huit millions d’euros en amendes et indemnités diverses: l’addition est lourde pour la famille Appeltans qui, vivant dans un château, a fait fortune en louant des kots pas toujours très habitables.
Exploitant agricole dans le Limbourg, Arnold Appeltans découvre fin du siècle dernier un nouveau créneau : la location de kots d’étudiants et s’y précipite. Ainsi naît quelques années plus tard Arlimo qui affichera en 2019, lorsque sera désigné un administrateur provisoire, un patrimoine immobilier de 22 millions d’euros. A Louvain en effet, la demande est telle que tout immeuble résidentiel découpé en logements pour étudiants (kots) devient automatiquement une mine d’or. Dans ce marché, la famille Appeltans n’est pas le plus grand acteur, loin de là. Globiss, de la famille Myny, et Studencomfort, de Kourosh Javedani, affichent respectivement un patrimoine immobilier de 41 et 216 millions d’euros. Mais elle est la plus connue, par sa mauvaise réputation.
Dès 2004 en effet, le service “logement” de l’université refuse de placer les kots offerts par Arlimo sur son site de recherche (Kotwijs). D’où le recours à diverses appellations, parmi laquelle la plus connue était Kotlink. Survient la crise afghane et ses milliers de réfugiés prêts à se contenter des logements, quel que soit leur état. Certains y installeront un commerce de drogue qui, prenant de l’ampleur, amènera la justice à prononcer au total plus de 40 années d’emprisonnement et, dans le sillage, cette dernière à s’intéresser de près à l’activité locative de la famille, ce que – paradoxe – quantité de plaintes déposées des années durant n’avaient jamais pu obtenir !
Sans doute, le contraste entre les conditions de vie entre des propriétaires châtelains et des locataires croupissant dans des taudis a-t-il pesé dans la balance.
En 2019, Appeltans père et fils passent trois semaines en prison et en décembre de la même année, un administrateur provisoire est nommé pour Arlimo qui accumule les pertes. Cinq ans plus tard, le verdict définitif tombe enfin. Et il est lourd. Outre l’emprisonnement ferme, les amendes et indemnités prononcées dépassent les huit millions d’euros. Sans doute, le contraste entre les conditions de vie entre des propriétaires châtelains et des locataires croupissant dans des taudis a-t-il pesé dans la balance, mais la vraie question n’est-elle pas : comment des marchands de sommeil ont-ils pu opérer si longtemps dans une quasi-impunité ?
Par choix politique et émiettement des compétences, répond Arne Sonck dans un article extrêmement fouillé publié l’an dernier déjà sur le site flamand d’investigation Apache. La Flandre ne compte que 6% de logements sociaux, contre 29%, par exemple, aux Pays-Bas et des pans entiers du domaine Appeltans, explique-t-il, sont aujourd’hui rachetés par des grands du secteur pour être transformés en logements de luxe. Les compétences de leur côté sont partagées entre la Vlaamse Wooninspectie (pour la qualité) et la ville pour le respect des prescrits. Cette dernière poursuit, certes, un contrôle préventif des kots offerts en location depuis le décès en 2014 de deux jeunes filles dans l’incendie d’une résidence pour étudiants irlandais en Erasmus. Mais avec plus de 40.000 logements à contrôler, la tâche est loin d’être terminée…
Guillaume Capron
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