Depuis 50 ans le marché immobilier belge est indestructible. Pourquoi ?
On peut comparer le marché immobilier belge à une maison. Au cours des 50 dernières années, en Belgique, les prix de l’immobilier n’ont pas connu de correction digne de ce nom. Il y a de bonnes raisons à cette « indestructibilité », même si les prix des maisons deviennent de plus en plus inabordables.
Depuis des décennies, on dit que le marché immobilier belge est surévalué. De temps à autre, une banque ou un institut de recherche publie une analyse indiquant que les prix des maisons sont trop chers de x pour cent et qu’une correction est inévitable. Mais en fin de compte, celle-ci ne se produit presque jamais. La dernière baisse des prix de l’immobilier chez nous remonte au début des années 1980, et elle a été très légère. Au cours des 50 dernières années, les prix ont augmenté presque continuellement. En termes nominaux, ils ont été multipliés par 15 au cours de cette période, et même par 18 en Flandre. Et même en termes réels, corrigés des effets de l’inflation, ils ont triplé.
“Il est indéniable que les prix des habitations en Belgique fluctuent beaucoup moins que dans d’autres pays”, affirment Geert Langenus et Peter Reusens. En tant qu’économistes à la Banque Nationale de Belgique (BNB), ils suivent de près l’évolution du marché immobilier.
3 raisons
Il y a de bonnes raisons pour lesquelles les prix de l’immobilier semblent inébranlables, soulignent-ils. “La première raison est liée à la richesse financière des Belges, qui est l’une des plus élevées d’Europe. Ainsi de nombreuses personnes peuvent se permettre de payer des prix plus élevés.
La deuxième raison est que le marché des prêts hypothécaires, relativement “ennuyeux” en général, est en pleine ébullition. “Nos habitudes financières et nos marchés hypothécaires ne sont pas aussi aventureux ou exotiques que ceux d’autres pays. Par exemple, la plupart des Belges contractent un prêt hypothécaire avec un taux d’intérêt fixe. Cela leur garantit une certaine stabilité et ils sont ainsi protégés même si d’autres facteurs économiques, tels que les taux d’intérêt, fluctuent fortement”, expliquent les économistes. Selon l’Association professionnelle du crédit, plus de 90 % des prêts immobiliers étaient à taux fixe en 2023.
“La dernière raison importante est l’indexation automatique des salaires et autres revenus. Cela signifie que le revenu moyen des ménages est relativement bien protégé contre une poussée inflationniste”, ajoutent Langenus et Reusens. Les revenus augmentent avec l’inflation, cela garantit que les emprunteurs peuvent ainsi plus facilement supporter les remboursements de prêts contractés pour l’achat de logements plus chers. En effet, les remboursements de prêts à taux fixe pèsent moins dans le budget des ménages au fur et à mesure que leurs revenus augmentent.
L’offre et la demande
La forte augmentation des prix au cours des dernières décennies est principalement due à des facteurs liés à la demande. “En plus de l’augmentation des revenus réels, les taux hypothécaires ont invariablement baissé au cours des dernières décennies. Cela a permis aux familles d’emprunter de plus en plus pour acheter des biens immobiliers, ce qui a soutenu les prix”, ajoutent-ils. “Dans l’ensemble, la hausse actuelle des taux hypothécaires réels reste assez limitée par rapport aux niveaux atteints par le passé et elle semble déjà s’inverser quelque peu d’après les derniers chiffres.
En outre, la démographie belge joue également un rôle. Au cours des 20 dernières années, le nombre de familles en Belgique a considérablement augmenté, passant de 4,1 à 5,1 millions. Cette évolution a fortement soutenu la demande de logements et, par la même occasion, les prix.
Enfin, l’offre joue également un rôle. “Pendant la période où les taux d’intérêt étaient bas, beaucoup de capitaux d’investissement ont afflué vers le marché de l’immobilier parce que les marchés financiers n’offraient que peu de rendement. Cela a encore freiné la croissance des prix. Aujourd’hui, nous observons le phénomène inverse : l’offre augmente beaucoup plus lentement, ce qui devrait continuer à soutenir la croissance des prix de l’immobilier.
Capacité de remboursement sous pression
Au cours des cinq dernières années, la différence entre l’augmentation nominale et réelle des prix de l’immobilier a été plus importante que d’habitude. Cela est dû à une inflation anormalement élevée. Pour la combattre, la Banque centrale européenne (BCE) a relevé son taux directeur de -0,5 % à 4 % à un rythme sans précédent. Ainsi, dans notre pays, les taux hypothécaires sont passés de 1,4 % début 2022 à 3,4 % aujourd’hui.
Des taux d’intérêt plus élevés signifient des prêts plus chers. Pour une même charge de remboursement, les personnes ne peuvent plus emprunter autant. Les économistes de la BNB ont calculé qu’avec une mensualité de 1.000 euros pour un crédit de 25 ans, on peut aujourd’hui emprunter 200.000 euros. Avec le taux d’intérêt plus bas d’il y a deux ans, ce montant était de 250.000 euros.
Les personnes qui souhaitent emprunter le même montant aujourd’hui doivent donc rembourser davantage. Cela a un impact sur le marché immobilier belge. “La capacité de remboursement est mise sous pression. L’augmentation des prix de l’immobilier et des taux d’intérêt est plus forte que celle des revenus des ménages”, affirment les deux économistes. “La charge de remboursement par rapport au revenu net des ménages atteint ainsi son niveau le plus élevé depuis 2007 et celui des années 1980.”
La location est devenue moins chère
Sur le marché de la location, la pression quant à l’accessibilité est moins forte, comme le montrent les chiffres récents de la BNB. “Contrairement à l’achat, la location est devenue moins chère ces dernières années. Même si les loyers ont nominalement augmenté”, expliquent les chercheurs de la BNB. On lit souvent dans les médias des articles du genre “Dans la ville x, le loyer moyen dépasse pour la première fois les 1.000 euros”. Mais ils oublient souvent d’ajouter que les revenus ont également augmenté grâce à l’indexation, et proportionnellement plus que le loyer moyen.”
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