Densifier les centres-villes pour répondre à la crise du logement: les exemples de Namur et Nivelles

Ilot Saint Roch Nivelles
Le projet Îlot Saint-Roch prévoit aux alentours de 250 logements, majoritairement des unités multi-résidentielles (appartements). © DDS+
Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste

Afin de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, la Wallonie a réformé en 2023 son Schéma du Développement territorial. L’idée? Concentrer les habitants dans les villes. Un moyen de répondre à la crise du logement? Oui, quand c’est bien fait. Éléments de réponse avec François Couvreur, du bureau d’architectes DDS+.

La Belgique connaît une crise du logement. C’est le constat que l’on fait depuis la crise du Covid, et la dernière étude européenne comparative de Deloitte renforce davantage ce propos. Pourtant, les vastes projets immobiliers se multiplient, et les offres abondent, soutient-on. Alors comment expliquer ce portrait peu flatteur d’un secteur qui devrait pourtant se distinguer favorablement à l’échelle européenne? Et comment la densification urbaine pourrait-elle être l’une des réponses au problème?

Pourquoi la Belgique fait face à une crise du logement

Cette notion de « crise du logement » s’expliquerait par deux principaux facteurs, selon François Couvreur. L’explosion des coûts de construction, d’une part. « Depuis 2020, le Covid a bouleversé tous les équilibres précédents », explique l’architecte. « On a atteint aujourd’hui une augmentation de plus de 30% par rapport à cette période. » Donc inévitablement, le prix de vente des logements a également suivi cette tendance à la hausse.

François Couvreur souligne également un déficit en logements abordables et à vocation sociale. « Mais un plan d’abordabilité des logements est en cours d’élaboration au niveau européen. Il devrait normalement être prêt d’ici 2026-2027. » De quoi encadrer l’intégration de logements plus abordables dans les projets immobiliers.

La densification comme réponse stratégique à la crise

La densification urbaine est dès lors envisagée pour faire face à cette crise. L’enjeu ? Redensifier les villes et y amener des logements de qualité, en opposition avec l’étalement urbain autrefois privilégié. Il n’est plus question de bâtir de nouveaux quartiers en campagne, mais plutôt de réexploiter autrement des terrains occupés au cœur des centres urbains. « On cherche à amener une diversité de typologies de logements au sein des villes, afin de pouvoir offrir un panel répondant aux différents besoins des habitants. »

Une démarche qui s’aligne sur le Schéma de Développement Territorial (SDT) de la Région wallonne, qui redéfinit les grandes lignes directrices pour toute la Wallonie. « Le SDT vise à redéfinir les centralités (de ville et villageoises) en tenant compte d’une connectivité interfonctionnelle (vivre, travailler, étudier, s’aérer, se rencontrer, s’approvisionner…), créant ainsi des ‘noyaux’ où l’on dispose de cette notion de ‘ville à dix minutes’. »

Mais cette densification ne doit pas se limiter au logement. Elle doit intégrer une mixité cohérente incluant tous les équipements qui font la ville (espaces verts, écoles, bibliothèques, commerces…), et ceci afin d’assurer le développement global du territoire.

Namur et Nivelles: 2 exemples concrets de densification réussie

Les projets d’envergure tels qu’Îlot Saint-Roch à Nivelles et Novia/Thémys à Namur illustrent parfaitement cette stratégie. Ils se concentrent sur le réaménagement, au coeur de ville, de sites fonciers opportuns. Ces projets sont en effet souvent positionnés sur d’anciennes friches laissées à l’abandon. Notamment les anciens ateliers de la Brugeoise à Nivelles (Îlot Saint-Roch), une friche industrielle délaissée depuis les années 80. Ou encore l’ancienne emprise des casernes à Namur (Novia/Thémys) qui, après sa démolition, était devenu un grand parking aérien.

« Le projet Îlot Saint-Roch, par exemple, prévoit près de 250 logements. Ce sont majoritairement des unités multi-résidentielles (appartements), mais cela inclut aussi d’autres typologies de logement. Comme des “Urban Villas”, par exemple, à la charnière des maisons unifamiliales. »

Au-delà des logements, ces projets intègrent aussi des commerces de proximité, des locaux pour professions libérales, et d’autres équipements comme une crèche, un bâtiment dédié à l’administration communale de Nivelles, un pocket parc, un potager urbain, une plaine de jeux et quelques espaces publics de proximité.

Comment concilier logements abordables, durabilité et qualité de vie en ville?

Pour que cette densification soit bien acceptée par la population, un cadre de vie de qualité et une démarche durable sont deux approches essentielles, rappelle l’architecte. Et cela passe notamment par une bonne conception des espaces non-bâtis. « Ce sont ces espaces qui amènent de la qualité pour les occupants, les usagers du site, mais aussi pour le quartier de manière générale. C’est l’épine dorsale des projets immobiliers. »

Pourquoi ? Parce qu’on y retrouve notamment des espaces verts structurant, qui apportent bien-être et biodiversité. « Ils permettent aussi une gestion intégrée de l’eau qui, en Région wallonne, doit justement se faire au niveau des parcelles (infiltration, temporisation). C’est donc quelque chose qui modèle la manière dont on doit réfléchir les projets, en tant qu’architectes. »

Ensuite, il faut que ces nouveaux quartiers fassent partie intégrante de la ville, et pas qu’ils soient un îlot à l’écart. « Ce qui caractérise le projet Îlot Saint-Roch, c’est cette connexion et cette porosité avec la ville. On a cherché à tisser des liens avec le quartier, son environnement direct, mais aussi trouver un vivre ensemble entre nouveau et anciens quartiers à différentes échelles. »

Pour que cette densification soit bien acceptée par la population, un cadre de vie de qualité et une démarche durable sont deux approches essentielles.

Un enjeu majeur est de concevoir des logements qui puissent évoluer dans le temps. « Il faut que la population puisse vieillir et évoluer dans son logement. » Cela passe notamment par la mise à disposition de “pièces en plus”, qui sont des espaces affectables à différents usages à l’intérieur même du logement et/ou mutualisables entre plusieurs logements (chambre d’amis, salle des voisins, buanderie wash&coffee…).

Reste la question de la durabilité de ces « nouveaux » quartiers. « Aujourd’hui, la grande majorité des projets est réfléchie avec la volonté de rénover l’ancien plutôt que de démolir et reconstruire. Car la structure représente 70 à 80 % de l’impact carbone d’un bâtiment. »

Mais certains bâtiments ont été conçus de manière extrêmement monofonctionnelle et sont donc parfois très difficiles à reconvertir. « On utilise chez DDS+ une grille d’objectivation qui est appliquée au départ de tous nos projets. Elle couvre l’ensemble des critères de la durabilité. » Cela passe par la qualité architecturale et urbanistique, la dimension sociale, l’environnement et l’économie circulaire. Les choix sont ainsi objectivés, qu’ils soient techniques (production d’énergie, impact des matériaux…) ou morphologiques (forme des ilots par rapport à l’ensoleillement, potentialité de transformation d’un bâtiment existant…).

Des perspectives d’avenir?

Les exemples de Namur ou de Nivelles montrent que la densification urbaine peut allier urbanisme responsable, mixité sociale et durabilité. Repenser la ville autour de la proximité – la fameuse « ville à dix minutes » -, c’est aussi créer des quartiers plus vivants, plus verts et mieux connectés.

La prochaine étape pour répondre durablement à la crise du logement? Généraliser ces tendances de qualité et de mixité de logements. D’autant qu’il existe encore de nombreux sites à fort potentiel en Wallonie, conclut François Couvreur. « Notamment les franges à proximité d’infrastructures ferroviaires, les entrées de ville monofonctionnelles, les anciens sites hospitaliers libérés par la création des grands hôpitaux, les parkings silos et aériens vestiges des années 70′, les grands ensembles de bureaux sous utilisés ou encore les quelques sites industriels abandonnés toujours présents en centre-ville. »

Mais chaque commune aura l’opportunité de porter des projets adaptés à sa morphologie. « C’est justement l’objectif du Schéma de Développement territorial qui doit permettre aux villes de consolider leur vision et leur ambition à leur échelle respective. C’est en cours de révision dans les villes et communes de Wallonie. »

Suivez Trends-Tendances sur Facebook, Instagram, LinkedIn et Bluesky pour rester informé(e) des dernières tendances économiques, financières et entrepreneuriales.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire