Le traditionnel congé collectif du bâtiment est fortement remis en question. Quatre entreprises de construction sur dix comptent des travailleurs qui préféreraient voir disparaître ces vacances imposées.
Travailler dans la construction, c’est un peu comme pratiquer un sport d’équipe : de nombreuses personnes doivent être présentes simultanément sur un chantier et travailler de concert. Si le fournisseur de ciment fait défaut, le maçon se retrouve au chômage technique. Et c’est en raison de cette interdépendance que traditionnellement, le secteur de la construction part simultanément en vacances durant l’été. C’est ce que l’on appelle communément le « congé du bâtiment ».
En Belgique, ce congé s’étend cette année sur les mois de juillet et août, il est sensiblement différent suivant les régions.
Congé du bâtiment 2025 – par région
Région | Congé collectif | Jours libres à programmer |
---|---|---|
Bruxelles – Halle – Vilvoorde / Liège | 7 juillet → 1 août | 1 jour |
Hainaut | 7 juillet → 28 juillet | 5 jours |
Namur, Limbourg, Anvers, Brabant flamand | 14 juillet → 1 août | 2–6 jours selon région |
Flandre orientale (hors Lokeren) | 14 juillet → 1 août | 2 jours + ponts avril |
Lokeren, Flandre occidentale, Luxembourg | 22 juillet → 8 août | 2 jours + ponts avril |
Chaque année, employeurs et syndicats fixent cette période de congé. Toutefois, les entreprises sont autorisées à s’en écarter quelque peu.
Selon une récente enquête de l’organisation professionnelle Bouwunie, 24 % des entreprises de construction en Flandre le font déjà. Cette proportion devrait encore augmenter, car toujours d’après la même enquête, quatre entreprises de construction sur dix emploient des travailleurs qui voudraient voir disparaître ces congés collectifs. En effet, ceux-ci préfèrent choisir eux-mêmes le moment de leurs vacances.
C’est dans cette optique que l’entrepreneur et promoteur immobilier BATO a décidé de réduire d’une semaine son congé du bâtiment. Les travailleurs peuvent ainsi planifier cette semaine supplémentaire comme (et quand) bon leur semble. Une initiative appréciée. Car, les congés du bâtiment coïncident avec les vacances scolaires, et que cela constitue un avantage pour les parents de jeunes enfants, les travailleurs sans enfants ou parents d’enfants plus âgés peuvent dès lors partir en vacances pendant les périodes de basse saison.
La guerre des talents
Ce manque de flexibilité en agace plus d’un. « Autrefois, c’était le patron qui décidait des congés, explique Dirk Evenepoel, gérant de BATO. Ce n’est plus acceptable aujourd’hui. Nous voulons que notre personnel se sente bien et une approche flexible des congés y contribue, même si cela nuit quelque peu à notre efficacité. N’oublions pas que la guerre des talents fait aussi rage dans la construction. Un ouvrier qui trouve ailleurs des conditions plus souples risque de partir. »
Chez Clement, une entreprise de menuiserie et d’aménagement intérieur, les employés peuvent choisir non pas une, mais deux semaines de congé librement. « Nous sommes assez adultes pour fixer nous-mêmes nos congés », déclare le patron Pol Clement. « De plus, bon nombre de mes ouvriers vivent de l’autre côté de la frontière linguistique, où le calendrier scolaire diffère. Mon entreprise a des clients dans l’enseignement et le secteur hospitalier : dans ces domaines, les travaux doivent souvent se poursuivre, voire s’intensifier, pendant l’été. » Et cette flexibilité n’est pas à sens unique : « Je peux aussi m’éclipser de temps en temps, en sachant que mes collaborateurs feront tourner l’entreprise sans problème. Nous nous comprenons. C’est ce qui fait la beauté de ce système. »
Un vrai temps de repos
À l’inverse, l’entreprise Eltherm, spécialisée dans l’isolation, a choisi de maintenir le congé du bâtiment classique et à date fixe. Elle avait tenté une formule hybride avec une semaine à planifier librement, mais y a renoncé à la demande des travailleurs eux-mêmes. « Un long congé du bâtiment procure à notre personnel un véritable repos », justifie le gérant Roel Coose. « Nous vivons à une époque où tout va très vite. Tout le monde est constamment sous pression. Il est important de pouvoir tout lâcher à un moment donné. Cela vaut aussi pour les employeurs. Tout le secteur s’arrête. Je n’ai pas à m’inquiéter de contrats manqués ou d’accidents sur les chantiers. Tout le monde profite des vacances d’été. »
Pour Katleen Adriaensens, cheffe d’entreprise d’une société d’installation sanitaire et de chauffage, la pause collective crée même une dynamique positive : « La course commune vers le congé du bâtiment renforce la cohésion de l’équipe. On travaille ensemble vers un but, puis tout s’arrête, pour tout le monde. Personne ne doit assurer le relais d’un collègue. Et à la reprise, il n’y a pas d’arriérés à gérer : on reprend simplement le fil. Pour moi, comme dirigeante, c’est aussi appréciable. Sans congé du bâtiment, je partirais en vacances avec beaucoup moins de sérénité. »