Grues, rénovations et nouveaux habitants : la ville bouge. Ses prix bas et sa connectivité avec Bruxelles attirent jeunes ménages et investisseurs. L’opportunité est-elle unique ?
Une maison bourgeoise avec garage et jardin pour 250.000 euros, un appartement deux chambres pour 100.000 euros de moins ? Sérieux ! Les prix moyens à Charleroi attirent l’attention des primo-acquéreurs et des investisseurs.
“En matière d’accès au logement, Charleroi reste l’une des villes les plus abordables de Belgique, lance le notaire Jean-Philippe Matagne, dont l’étude est située au cœur de la ville. Pour les gens ouverts d’esprit, c’est une ville en pleine mutation. Elle se redessine sous nos yeux. Les pouvoirs publics ont multiplié les chantiers depuis quelques années avec de nouvelles voiries, un nouveau campus estudiantin, un campus militaire en devenir, de nouvelles industries (usine de satellites), l’aéroport, deux hôpitaux ultramodernes, le réaménagement des espaces publics, la rénovation de bâtiments emblématiques… Les grues, visibles un peu partout autour du petit ring, en sont la preuve. Charleroi est comme un adolescent en pleine croissance : toujours en chantier, certes, mais déjà plein de potentiel et d’énergie.”

“Pour les acquéreurs, poursuit le notaire, les prix restent très attractifs, souvent sous la barre des 200.000 euros. Si l’on compare à l’échelle belge, et même européenne, ce niveau de prix est devenu exceptionnel. Les jeunes ménages n’ont plus accès à la propriété sans s’endetter lourdement. Ici, ils peuvent encore acheter une maison ou un appartement avec un budget raisonnable.” À cela s’ajoute une mesure déterminante: la réduction des droits d’enregistrement à 3% en Wallonie. “Cette décision était presque incontournable, tant les droits figuraient parmi les plus élevés du continent, commente Jean-Philippe Matagne. Résultat : l’acquisition devient moins lourde fiscalement, et les acheteurs peuvent consacrer davantage de moyens au projet lui-même plutôt qu’aux frais annexes. Cela tombe d’autant mieux que les banques exigent aujourd’hui un apport personnel plus conséquent.”
“Charleroi est comme un adolescent en pleine croissance : toujours en chantier, mais déjà plein de potentiel et d’énergie.” – Jean-Philippe Matagne (notaire)
L’outsider qui attire de nouveaux habitants
“Certains quartiers carolos sont particulièrement dynamiques dans l’accueil de nouveaux résidents, confirme le notaire. Montignies- sur-Sambre, par exemple, séduit de plus en plus. Cette commune jouxte directement la ville basse de Charleroi et offre un compromis très apprécié : des maisons avec jardin et garage, un accès rapide au centre-ville, parfois même à pied, et une excellente desserte en transports en commun. Les axes autoroutiers sont tout proches. Pour qui est prêt à réaliser quelques travaux de rénovation, notamment pour améliorer la performance énergétique, il reste possible d’y trouver une maison autour de 200.000 euros.”
Dampremy connaît le même regain d’intérêt. “C’est une commune agréable, dit le notaire, à rebours des clichés que l’on en a parfois. On y trouve un habitat abordable et bien situé, avec tous les services essentiels.”
Charleroi a également corrigé l’une de ses anciennes faiblesses : l’absence d’université. Mais de plus en plus de formations universitaires sont implantées sur place, parfois en lien avec le tissu économique local, comme l’aéronautique. Cela contribue à attirer de nouveaux profils, étudiants comme jeunes actifs, et à renforcer la vitalité de la ville. Conclusion, selon le notaire Matagne ? C’est un moment unique pour acquérir un bien à Charleroi. “On peut encore acheter une maison agréable, avec du potentiel de valorisation. C’est rare pour une ville qui offre autant de services et d’infrastructures. À mon avis, cela ne durera pas.”
Les Bruxellois débarquent !
La crise sanitaire a accéléré cette dynamique, dit-il. “Depuis le covid, nous voyons arriver des familles qui vivaient ou travaillaient à Bruxelles et qui n’avaient pas les moyens d’y acheter un logement. Elles ont trouvé ici des prix inespérés. Le télétravail a aussi changé la donne. Quand on ne doit se rendre à Bruxelles que deux jours par semaine, on peut s’éloigner davantage de son lieu de travail.”
Reste la question de la fiscalité. “C’est un chantier à ouvrir au niveau du secteur public, conclut Jean-Philippe Matagne. Les revenus cadastraux ne correspondent plus à la réalité. De nombreuses rues commerçantes, comme la rue de la Montagne, ont perdu leur attractivité, mais leurs revenus cadastraux n’ont pas été réévalués. Or, dans le budget d’un ménage, payer 800 euros ou 2.500 euros de précompte immobilier par an, ce n’est pas la même chose !”
Malgré une image encore à reconstruire, avec des problèmes de salubrité et un sentiment d’insécurité, le moment est propice à l’achat.
“Les investisseurs privés l’ont bien compris, notamment les Bruxellois et les Flamands, qui sont déjà actifs dans la région. Charleroi vit un moment charnière, analyse le notaire. La ville est en train de se redessiner pour les années à venir. Je suis convaincu que l’arrivée de jeunes travailleurs et de familles avec enfants contribuera à améliorer le sentiment de sécurité et à créer une dynamique positive. Pour qui a un horizon de 10 à 15 ans, c’est le moment idéal pour réaliser de bonnes affaires.”
Un atout majeur
C’est exactement ce que pense Philippe Roquet, de Service Acor, une agence immobilière à Charleroi qui a pignon sur rue depuis des décennies. “C’est le moment d’en profiter. Comparé à d’autres villes wallonnes, Charleroi conserve un atout majeur : son prix. On peut certes trouver moins cher ailleurs, mais ce sont souvent des communes très isolées, mal desservies par les transports et les services. Charleroi, elle, est connectée : à moins d’une heure de Bruxelles ou de Liège, à 30 minutes de Namur et à trois heures de Paris.
Cet accès et ces prix encore abordables attirent un public nouveau. “Nous voyons de plus en plus de primo-acquéreurs, poursuit-il. Ce sont souvent des jeunes de la région qui, après avoir étudié ailleurs, ont tenté de s’installer à Bruxelles ou dans le Brabant. Mais face à des prix devenus inabordables, ils reviennent. Et lorsqu’ils parviennent à convaincre leur compagnon ou compagne de s’installer ici, ils se rendent compte que le rapport qualité/prix est imbattable.”
L’agent cite l’exemple récent d’un jeune de 25 ans qui a acquis deux appartements mitoyens. “Il occupe l’un et loue l’autre. Pour lui, c’est presque deux biens pour le prix d’un. Ce type de montage devient courant dans la région.”
Et les investisseurs ne sont pas en reste. “Un appartement deux chambres se négocie autour de 120.000 euros, pour un loyer de 750 euros. Le rendement locatif reste supérieur à celui de nombreuses autres régions. On le compare à Bruxelles ?”
Prix très (trop?) bas
Pour Philippe Roquet, la tendance ne peut que se renforcer. “Les prix à Charleroi sont tellement bas qu’ils ne peuvent qu’augmenter.”
Reste l’image de la ville, qui demeure un frein. “Charleroi souffre encore de préjugés, conclut l’agent. Mais les gens qui viennent y passer un peu de temps changent vite d’avis. Les extérieurs continuent de véhiculer une image négative. Elle reste, dans l’imaginaire, le cancre de la classe, mais souvent, les cancres deviennent les plus intéressants plus tard !”
Et de conclure par des faits : “Les quatre dernières ventes que j’ai conclues, entre 130.000 et 140.000 euros, ont toutes été réalisées auprès de jeunes de moins de 40 ans, souvent venus de Bruxelles. Ils me disent que c’est fou de s’acheter un appartement pour 120.000 euros. C’est le moment d’en profiter, avant que les prix n’explosent.”