Bureau : qu’attendre de 2019 ?
Le marché bruxellois du bureau multiplie les contradictions, avec une prise en location en net recul, un taux de disponibilité au plus bas et un manque criant de bureaux de qualité. Il devrait toutefois redresser la tête l’an prochain vu que la demande reprend du poil de la bête. Et que les promoteurs se relancent enfin en masse dans des projets spéculatifs.
Les années se suivent et se ressemblent sur le marché bruxellois de l’immobilier de bureau. Le segment est en profonde mutation. Et multiplie, de plus, les interrogations. Certains acteurs peinent d’ailleurs à appréhender ces changements, provoquant un ralentissement du marché en matière de prise en occupation.
On le sait, l’immeuble de bureau de demain est en train d’être réinventé, mettant désormais en avant une flexibilité toujours plus poussée (des employés, des espaces et des baux), une mobilité réfléchie et partagée de même qu’une exigence de qualité en termes de bâti (architecture, environnement et offres de services). Résultat : le pipeline d’immeubles de qualité qui sont sur le marché est pratiquement à sec. Sans parler des grands acteurs incontournables tels que l’Europe ou les administrations publiques qui restent pour l’heure bien au chaud, en attendant d’y voir plus clair. Seule lueur dans ce tableau : l’émergence du coworking qui bouleverse autant les habitudes qu’elle inquiète les conservateurs. Qu’attendre des prochains mois dans ce contexte ? Tentative de réponse en quatre points.
1. Des promoteurs qui retrouvent le goût du risque
Le constat est implacable : Bruxelles manque de bureaux de qualité adaptés aux nouveaux besoins des occupants. A savoir une offre de services diversifiée, une architecture de qualité et une situation optimale à proximité de transports en commun. Dans le même temps, la demande pour ce type de bien est de plus en plus forte. ” Auparavant, il fallait attendre qu’un immeuble sorte de terre pour trouver des locataires, relève Jean-Michel Meersseman, head of office agency Brussels and Wallonie chez le courtier immobilier CBRE. Aujourd’hui, les signatures s’effectuent bien avant le premier coup de pioche, surtout dans le CBD (Central Business District). C’est la preuve de la rareté de ce type de bien. Il y en a vraiment très peu. ”
Le pipeline de projets spéculatifs a repris des couleurs et s’est particulièrement bien rempli pour les quatre prochaines années.
Les chiffres le démontrent clairement : pour les immeubles de grade A (les plus récents), il n’y a actuellement plus que 34.000 m2 de disponibles sur un parc de 13 millions de m2 de bureaux. ” Cette situation implique que le marché s’est renversé et est dorénavant favorable aux propriétaires et moins aux locataires “, lance Pierre-Paul Verelst, head of research chez le courtier JLL.
Cette contradiction entre offre et demande semble avoir été remarquée par les promoteurs. Le pipeline de projets spéculatifs – construits sans occupants – a repris des couleurs et s’est particulièrement bien rempli pour les quatre prochaines années. CBRE prévoit la livraison de 85.427 m2 en 2019, dont notamment la Gare Maritime (Extensa), le Seven (Baltisse et Dowtown), la tour Manhattan (Icon Real Estate), le Phoenix (Baloise) et le Spectrum (Ghelamco). Pour 2020, ce sera 190.500 m2, 92.000 m2 en 2021 et 92.000 m2 en 2022. Soit un total de 368.000 m2 construits à risque. Conséquence de cette situation : comme le marché bruxellois est principalement dynamisé par la relocalisation d’occupants locaux, il faut s’attendre à une hausse du taux de vacance dans des espaces de travail moins qualitatifs.
2. Le come-back de l’Europe et du secteur public
Si la prise en occupation était en recul l’an dernier, l’année 2019 et la suivante devraient par contre être bien plus flamboyantes avec un rebond du nombre de transactions. Comment l’expliquer ? Par le retour d’acteurs de premier plan sur le devant de la scène. Tant l’Europe que les grandes administrations publiques retrouvent de l’appétit. La Commission européenne a annoncé vouloir mettre la main sur 80.000 à 150.000 m2 dans des immeubles qui doivent être opérationnels entre 2020 et 2024. ” Notons qu’ils ont élargi leur périmètre de recherche et que celui-ci ne se limite plus au quartier européen, signale Jean-Michel Meersseman. Les premières décisions ne devraient en tout cas pas tarder. ” Atenor, avec The One (30.000 m2) et Realex (44.000 m2), espère en tout cas bien en être.
Autre deal particulièrement attendu : la décision de la Communauté flamande concernant l’immeuble de 67.000 m2 qui accueillera ses fonctionnaires d’ici 2023 dans le quartier nord. Trois candidats sont en lice : Extensa à Tour & Taxis, AxaXA avec le CCN et Befimmo avec les tours WTC 1 et 2. Des discussions ont été entamées avec ce dernier en vue de finaliser le deal. Concernant la Région bruxelloise, sa volonté de reloger 2.000 fonctionnaires dans la Silver Tower de Ghelamco (40.000 m2) a du plomb dans l’aile depuis qu’un recours en annulation a été déposé devant le Conseil d’Etat. Une nouvelle procédure devrait être lancée d’ici peu puisque le déménagement est déjà prévu en 2020. Il faut donc aller vite. Enfin, ajoutons que la SNCB a lancé cette année son appel d’offres pour la construction d’un nouveau bâtiment de 80.000 m2 en bordure de la gare du Midi. Et que la Banque nationale recherche également un immeuble de 30.000 m2, le temps de rénover son immeuble du boulevard du Berlaimont. Des attentes qui devraient sérieusement faire bouger les lignes dans les prochains mois. ” D’une manière générale, la demande, qui sera significative en 2019, devrait avant tout se concentrer dans le quartier européen et à proximité de l’aéroport “, lance Cédric Van Meerbeeck, head of research chez Cushman & Wakefield. Enfin, signalons que le coworking devrait poursuivre sa percée. Les cinquième et sixième centres WeWork vont notamment ouvrir dans le quartier nord, au Spectrum (Ghelamco) et au Botanique Building (Tribeca Capital Partners), pour deux fois 7.000 m2, alors que Silversquare, Spaces et BuzzyNest ne devraient pas être en reste. ” Tous ces éléments nous permettent de dire que la prise en occupation dépassera largement les 400.000 m2 en 2019 “, estime Cédric Van Meerbeeck.
3. L’investissement va rentrer dans le rang
Après une belle année 2018, les services capital market des différents courtiers immobiliers belges devraient pouvoir souffler quelque peu en 2019. Même si, dans le milieu, on a coutume de dire que tous les immeubles sont toujours à vendre, il semble que le nombre de deals sera bien plus faible. ” Il y a toujours autant de capitaux disponibles et les taux d’intérêt restent attractifs, explique Cédric Van Meerbeck. Mais si tous les voyants économiques sont au vert, il ne faut pas oublier que Bruxelles passera toujours derrière Paris, Londres ou Francfort pour les investisseurs asiatiques, forts présents chez nous. Il faut donc présenter des dossiers extrêmement bien ficelés. D’autant qu’il y aura, théoriquement, moins de biens à vendre, surtout au second semestre. ”
L’année 2019 devrait donc permettre de revenir à des standards plus classiques en matière d’investissement. ” Les Asiatiques étaient déjà absents lors du second semestre 2018, relève Pierre-Paul Verelst. Vont-ils revenir ou sont-ils rassasiés ? Ils cherchent surtout des biens dont le prix est supérieur à 150 millions d’euros, avec des baux locatifs de 15 ans. Ils ne sont pas légion. Les Belges vont, de leur côté, être plus sélectifs pour ne pas payer le prix fort. ” Atteindre un volume d’investissement d’1,5 milliard en 2019 en matière de bureau semble clairement utopique pour les trois courtiers interrogés.
4. Des loyers qui vont plafonner
Les prime rents, soit les loyers de référence pour les meilleurs immeubles aux meilleurs emplacements dans un quartier donné, ont poursuivi leur hausse en 2018 pour atteindre 315 euros/m2/an, dans le quartier Léopold. Un montant qui a grimpé à 330 euros pour une location dans l’immeuble Treesquare et à 345 euros dans le Regent Park. Des montants au mètre carré qui, il faut le rappeler, restent toutefois bien faibles à l’échelle européenne. ” Cette hausse de la valeur locative est logique vu le manque de produits de qualité, estime Pierre-Paul Verelst. Il y a une demande constante pour les espaces de bureaux à Bruxelles et elle se porte majoritairement, si pas exclusivement, sur des immeubles récents. Demander une diminution de 10 à 15% du montant du loyer n’est même plus une priorité. De toute façon, le rapport de force a évolué entre propriétaire et locataire. Le manque de vide locatif joue en défaveur de ce dernier. Je pense toutefois que la limite du prime rent à Bruxelles sera de 340 à 350 euros maximum. Au-delà, cela deviendra compliqué de trouver un occupant. ” Selon Cushman & Wakefield, le prime rent devrait rester stable en 2019.
La prise en occupation a été quelque peu décevante en 2018. Elle s’élève à 361.000 m2, en baisse de 14% par rapport à l’année dernière. Le résultat aurait pu être pire sans les acteurs du coworking qui ont sauvé la mise en prenant 72.000 m2 en location. Le double par rapport à 2017. ” Les années de prise en occupation à 500.000 ou 600.000 m2 sont derrière nous, fait remarque Jean-Michel Meersseman. Je ne suis pas certain qu’on y reviendra un jour… ” La plupart des transactions concernent des relocations d’occupants bruxellois. Si les institutions internationales ont été bien présentes, on peut relever la quasi-absence des administrations belges, qu’il s’agisse ou des Régions flamande et bruxelloise. L’Europe revient quant à elle doucement sur le marché, via une double transaction de l’European External Action Service. Et ce, après 18 mois de léthargie.
Pour le reste, notons que l’offre reste particulièrement faible, et que la demande stagne. Il y a actuellement un grand manque de projets de qualité. Cela se traduit par un taux de disponibilité qui est le plus bas depuis 17 ans (7,9%). Mais l’un des faits marquants est la hausse de prix des loyers, qui ont enfin augmenté et qui n’ont d’ailleurs jamais été aussi chers. Le prime rent s’affiche, dans le quartier Léopold, à 315 euros/m2 (+ 5%). ” Il est lié au déséquilibre entre l’offre limitée et la demande “, précise Pierre-Paul Verelst.
Enfin, en matière d’investissement, l’année 2018 a été exceptionnelle pour le bureau. La plus belle depuis 2007. Plus de 2,148 milliards selon le courtier JLL, en hausse de 6% par rapport à 2018. Le contexte est resté particulièrement favorable avec des capitaux qui débordent et des taux d’intérêt restant à des niveaux planchers.
Parmi les transactions notables, relevons la vente de l’immeuble Egmont (de Cofinimmo à un consortium sud-coréen pour 369 millions), de The One (d’Atenor à Deka Immobilien Investment Gmbh pour 150 millions), du PassPort (de Codic à Axa IM RA pour 131 millions), du Waterloo 16 (de Beobank à GLL pour 78 millions) ou encore de l’Arts 56 (d’AXA IM RA à Befimmo pour 116 millions). Le prix au mètre carré grimpe toujours plus, dépassant les 5.700 euros alors que le rendement continue de diminuer depuis cinq ans, s’affichant à 4,25 % pour un bail 6/9 ans dans le quartier européen. Les rendements pour des baux à long terme sont stables. ” Mais ils n’iront pas plus bas “, note Pierre-Paul Verelst.
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