Appliqué à des bâtiments historiques et mené par des magnats de l’immobilier, ce qui ne serait, ailleurs, qu’un banal conflit de voisinage peut quelquefois atteindre des hauteurs insoupçonnées.
Même déshabillée en vue de sa rénovation, l’ancienne Boerentoren d’Anvers reste une attraction. Fin août, 25.000 curieux en avaient déjà gravi les 24 étages avec tant d’enthousiasme que la période de visite de cet énorme chantier a une nouvelle fois été prolongée.
Propriétaire depuis 2020 de ce bâtiment emblématique longtemps occupé par KBC, Fernand Huts, le flamboyant patron de Katoen Natie, ambitionne de transformer ce gratte-ciel financier en centre culturel dont Trinity, un squelette de tyrannosaure reconstitué au départ des ossements de trois individus différents – d’où son nom – sera la pièce maîtresse.
Son premier projet, jugé trop futuriste, ayant été unanimement recalé, Fernand Huts en a tiré les leçons, a beaucoup consulté et est revenu en juin dernier avec un nouveau projet dont les innovations majeures sont une couronne de verre cubique de quatre étages avec espace panoramique, nettement plus discrète que dans la version précédente, et l’installation, au 12e étage, sur le toit de la partie triangulaire du bâtiment, d’un jardin, véritable poumon vert urbain en accès libre qui, agrémenté de sculptures, devrait offrir sur la ville une vue imprenable. Cette dernière se trouve toutefois menacée par un autre projet.
Conflit de voisinage
Une rue à peine – la Beddensraat – sépare l’ancienne Boerentoren du complexe formé par le Hilton et l’ancien Grand Bazar, un centre commercial urbain en chute libre depuis le départ de la Fnac fin 2023. D’où un projet de rénovation mitonné par le propriétaire des lieux, le groupe IRET (Inter Real Estate Trusty), et un potentiel conflit entre voisins qui prend aujourd’hui des proportions insoupçonnées.
Architecte de formation et médiaphobe chronique, Eric De Vocht a commencé, dans les années 1980, à construire des business centers loués ou revendus à des multinationales. Il est devenu un temps actionnaire important de Cofinimmo, avant de constituer, avec le Néerlandais Jan Lisman, la société Robelco. De leur séparation est né IRET, qui a déjà développé et investi dans plus d’un million de mètres carrés de projets immobiliers, parmi lesquels Tour & Taxis (Bruxelles) ainsi que le centre commercial Rive Gauche, à Charleroi, en 2017. Eric De Vocht est également propriétaire, à Anvers, du Botanic Sanctuary, un ancien complexe monastique transformé en hôtel de luxe. À l’actuel Hilton, il souhaite ajouter 88 chambres et 49 appart-hôtels, pour des séjours de plus longue durée, par l’addition au bâti existant de quatre étages.
La bataille de titans divise jusqu’aux institutions – 27 dans le cas présent !
Ces derniers sont-ils susceptibles de restreindre la vue que l’on peut avoir au départ du beeldentuin de Fernand Huts ? C’est tout l’enjeu de l’actuelle bataille de titans qui divise jusqu’aux institutions – 27 dans le cas présent ! – consultées. Si Erfgoeg Vlaanderen estime que quatre étages, c’est trop, la ville d’Anvers, en revanche, n’y voit aucun inconvénient.
La décision finale appartient toutefois à la province, qui a jusqu’au 29 novembre pour se prononcer.
Guillaume Capron
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