“Befimmo doit entrer dans une nouvelle ère”
Benoît De Blieck, CEO historique de Befimmo, passe la main. De nombreux défis attendent son successeur dans un segment du bureau en pleine mutation. Convaincre les investisseurs du bien-fondé de la stratégie de la SIR, s’étendre à l’étranger et diversifier ses activités en sont les principaux.
Une page se tourne pour Befimmo. Benoît De Blieck, CEO depuis 1999, quittera ses fonctions dans les prochaines semaines. Il a été de toutes les aventures de cette SIR fondée en 1995 par Bernheim- Comofi. Les défis qui attendent son successeur Jean-Philip Vroninks, l’actuel CEO du conseiller en immobilier d’entreprises JLL Belux, sont en tout cas nombreux. L’objectif sera de faire entrer cet opérateur immobilier spécialisé en immeubles de bureaux, centres de réunions et lieux de coworking dans une autre dimension. Et de faire fructifier un portefeuille qui atteint aujourd’hui les 2,8 milliards d’euros.
TRENDS-TENDANCES. Vous êtes donc sur le départ. Quand allez-vous passer la main?
BENOÎT DE BLIECK. Le calendrier n’est pas encore arrêté. Mais dans une société cotée en Bourse, un changement d’administrateur ne peut se concrétiser que lors d’une assemblée générale. La prochaine est fixée au mardi 27 avril. Ce devrait donc être à cette date. Je resterai toutefois actif au sein de Befimmo comme administrateur non exécutif, soutenant et aidant mon successeur si besoin.
Que pensez-vous du choix de Jean-Philip Vroninks pour vous succéder?
Je connais Jean-Philip depuis de longues années. Il a le profil idéal pour écrire une nouvelle page de Befimmo. Nous avons des profils différents, ce qui est très intéressant.
Et que peut-il apporter?
Il amènera un regard nouveau sur ce que nous faisons et sur notre stratégie. Il poursuivra également notre transformation qui est en route depuis quelques années et apportera sa connaissance des sociétés de services, un modèle vers lequel nous tendons de plus en plus. Befimmo n’est en fait plus un fournisseur de mètres carrés mais un facilitateur de vie. Jean-Philip dispose également d’un carnet d’adresses international. Il pourra donc davantage faire connaître Befimmo au monde extérieur. D’autant plus dans un contexte où il est essentiel de faire parler de nous, vu les interrogations autour de l’avenir du bureau.
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Vous lui laissez une entreprise dont l’image a été dépoussiérée ces dernières années, avec notamment un positionnement relativement innovant suite au rachat de Silversquare. Est-ce votre plus grande satisfaction?
Notre transformation est en effet sur de bons rails. Surtout au niveau belge, où nous sommes très avancés par rapport à d’autres.
Mais si l’image a évolué, les résultats sont plus délicats. Le cours de Bourse de Befimmo n’a jamais été aussi bas depuis votre arrivée. Il atteignait 56,20 euros il y a un an, pour environ 34 euros aujourd’hui. Que penser de cet effondrement?
Le débat sur les bureaux fait rage pour le moment. Cela ne concerne d’ailleurs pas que Befimmo mais tout le secteur. Le marché s’interroge et les réponses sont multiples. Notre conviction est qu’une fois que nous serons sortis du virus, le marché se demandera comment chaque acteur immobilier a anticipé les besoins futurs en matière de bureau. Et c’est cet élément qui est important. Le virus ne change donc pas notre stratégie mais l’accélère et facilite son implémentation. Nous devrons donc surtout être convaincants sur l’utilisation future des bureaux. Les corporates ont par exemple compris qu’ils devaient faire confiance à leurs équipes, qu’il était inutile de les faire venir quand ils n’en n’ont pas besoin, etc. Le bureau sera dédié à l’avenir au travail collectif et à la créativité. Le travail individuel pourra par contre se faire de n’importe où: dans l’entreprise, à la maison ou dans des tiers lieux. Le bureau sera donc un lieu inspirant, innovant, récréatif et favorisant les contacts sociaux. Et Befimmo a compris cela depuis bien longtemps.
Mais cette baisse du cours vous inquiète quand même…
Je le serais davantage si je n’observais pas que Befimmo était résiliente. Nous ne nous distinguons pas par rapport aux autres REIT ( Real Estate Investment Trusts) européennes dédiées uniquement au bureau. Et en Belgique, il n’y en a qu’une dans le cas: nous. La prime de Cofinimmo est par exemple inférieure à celle d’Aedifica car, outre de l’immobilier de santé, elle possède du bureau dans son portefeuille.
La mutation de Befimmo se traduit aussi par l’évolution de son discours: vous considérez désormais l’immobilier de bureau comme un facilitateur de services et non un produit. Cette stratégie reste-t-elle incomprise par le marché boursier?
Notre positionnement reste en effet quelque peu incompris. Notre challenge est de convaincre que nous avons pris le bon tournant et que nous sommes plus avancés que d’autres. Befimmo doit maintenant concrétiser ses évolutions et entrer dans une nouvelle ère.
Les revenus de Befimmo étaient à flux tendu ces dernières années. L’équilibre cash flow- dividende est attendu pour 2024. Sommes-nous toujours dans cet horizon malgré la pandémie?
Avant le Covid, nous étions dans une période de redéveloppement et de transition où nous étions prêts à assumer le dividende. Avec le Covid et ses incertitudes, nous l’avons remis à un niveau inférieur du cash-flow. L’année 2024 reste l’objectif pour atteindre l’équilibre.
Le marché du bureau est dans les cordes, plongé dans de profondes inconnues. Les propriétaires sont sous pression. Les locataires ont la main. En quoi ces derniers mois ont bouleversé votre stratégie?
Elle n’a pas été bouleversée mais accélérée. Avec une volonté de l’élargir. Befimmo est aujourd’hui un gros poisson dans un petit aquarium. L’enjeu de notre croissance est d’élargir l’aquarium pour que le poisson puisse encore grandir. En dehors de la Belgique donc.
Aller en France vous avait été refusé il y a quelques années par le conseil d’administration. Les portes ne sont plus fermées désormais?
C’est mon successeur qui décidera s’il faut ou non se développer à l’étranger. A titre personnel, j’estime que quand nous regardons la carte de l’Europe, il y a des marchés dans lesquels nous pourrions apporter notre expérience de facilitateur de services. Des marchés où notre approche est encore
vue comme très novatrice. Dans des pays d’Europe centrale notamment, où ce type de services n’est pas encore développé.
Befimmo est un “pure player” bureau. Doit-il s’ouvrir à d’autres segments du marché?
C’est une possibilité. A Bruxelles, le Zin est toutefois déjà un exemple de diversification sectorielle. Nous répondons à la demande de nos occupants en proposant des projets vivants et accessibles 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Nous y développons un mix de bureau, de résidentiel, d’hôtel, de commerce, de sports, etc. Befimmo continuera à répondre à cette attente en développant des projets multifonctionnels. Les projets Pacheco et, à Liège, Paradis Express sont du même type.
Evoquons les dossiers en cours. Le Zin est salué de toutes parts et semble être votre futur vaisseau amiral. Ce modèle sera-t-il reproduit d’ici peu?
Il est en tout cas reproductible un peu partout. Cette multifonctionnalité est pleine de sens. Les autres acteurs de l’espace Nord travailleront d’ailleurs dans la même perspective.
Pour Proximus par exemple, avec le WTC 4 que vous avez décidé de revoir?
Le projet WTC 4 dédié uniquement au bureau est dépassé. C’est pourquoi nous travaillons sur un projet plus mixte. Pour Proximus? Tout est ouvert ( sourire), si ce n’est pas eux, ce sera quelqu’un d’autre. L’expérience du Zin nous donne des atouts pour être un candidat sérieux. Mais nous ne sommes pas les seuls.
L’offre de bureaux neufs sera importante en 2021. Ce qui est rare. Cela vous inquiète-t-il en tant que propriétaire et développeur?
Non. Je n’estime d’ailleurs pas qu’il y a trop de mètres carrés sur le marché. Il y a juste un déficit d’occupants. Les corporates sont en train de réfléchir à leur réorganisation. Ce creux dans la prise en occupation va se combler par un boom. Pourquoi? Car les entreprises devront être attractives pour leurs équipes. Leurs employés devront avoir envie de se déplacer. Je pense même qu’il n’y aura pas assez de mètres carrés de qualité pour répondre à l’importante demande qui va arriver. Je conseille donc aux corporates de louer leurs futurs immeubles dès maintenant sinon il sera trop tard!
Vous annonciez début 2020 que Befimmo allait se positionner à l’achat. Quel bilan tirer?
Le Covid nous a ralentis dans notre processus d’acquisition. Mais aujourd’hui, nous sommes clairement à l’achat et à l’arbitrage sur la rotation de nos actifs. En 2021, nous allons poursuivre nos cessions d’actifs tout en étant cette fois présents pour des acquisitions.
Le Zin est-il à vendre?
Non, nous sommes plutôt à la recherche d’un partenaire. Il s’agit d’un projet qui pèse lourd dans notre bilan et dans la répartition géographique de nos actifs. Toutes les conditions sont aujour-d’hui réunies (permis obtenu, travaux en cours et 100% de locataires bureau) pour nous ouvrir à un partenariat. Nous travaillons concrètement sur ce dossier. L’occupant de l’hôtel sera quant à lui annoncé d’ici peu. Ce sera également un acteur innovant.
Un mot plus personnel pour terminer: que va devenir Benoît De Blieck à partir du mois de mai?
Il n’y a rien qui m’horripile plus que de lire que je pars à la retraite ( sourire). Je ne me sens pas du tout en fin de carrière. J’ai une certaine expérience du monde immobilier que j’entends faire profiter. Il est probable que je poursuive mon chemin dans le développement de projets résidentiels innovants, de taille moyenne bien évidemment. Je ne manquerai en tout cas pas d’occupations.
Quand vous viderez votre bureau, quel sera votre sentiment?
La fierté d’avoir réussi à éviter que Befimmo ne soit une proie lors de sa consolidation. Et l’avoir amenée là où elle est aujourd’hui. La réussite de l’opération Fedimmo en 2006 a été un élément majeur dans la poursuite de nos activités.
Et un regret?
Ne pas avoir pu faire plus. Il aurait été idéal de faire de Befimmo un grand poisson dans un aquarium un peu plus grand, pour reprendre ma métaphore de tout à l’heure.
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