Artone, le nouveau bras immobilier des Lhoist
Changement de cap pour Artone. Le développeur immobilier modifie son actionnariat et ses têtes dirigeantes pour se donner un nouvel élan. Les trois frères Lhoist rachètent la moitié des parts et mettent un pied supplémentaire dans la promotion immobilière. De quoi permettre à ce challenger aux dents longues de se découvrir de nouvelles ambitions.
C’est le rêve de bon nombre de jeunes acteurs actifs dans l’immobilier. Partir de zéro, créer sa boîte de développement immobilier et, près de 10 ans plus tard, concurrencer les plus grands acteurs lors de l’achat de fonciers particulièrement bien situés. Demandez à Besix Red, Eaglestone ou Kolmont ce qu’ils pensent de l’achat du site Fiat à Evere qui leur a filé sous le nez il y a quelques mois. Un potentiel de plusieurs centaines de logements dans une zone particulièrement bien située. Surtout dans un contexte où le foncier se fait rare à Bruxelles et où la concurrence entre promoteurs est exacerbée.
Fondée il y a 10 ans, Artone a aujourd’hui bien grandi. Elle a surtout su saisir au fil du temps les bonnes opportunités. C’est le fait de deux jeunes entrepreneurs particulièrement malins qui ont trouvé dès le départ les sources de financement pour assouvir leurs ambitions.
“Artone est une société de développement immobilier et de services pour le compte de tiers, deux activités complémentaires”, explique Paul-Edouard Aubry (42 ans), qui a fait ses gammes chez CBRE, Fidentia Real Estate et Eaglestone avant de fonder Artone en 2014 avec Baudouin Mathieu. “Le partenariat que nous avons créé avec le fonds d’investissement Brownfields nous a clairement donné des capacités financières supplémentaires pour acheter des sites à reconvertir. A côté de cela, nous avons étendu nos propres activités de développement. Et aujourd’hui, si les projets avec Brownfields vont se poursuivre, Artone va surtout voler de plus en plus de ses propres ailes.”
Dans un contexte de hausse des coûts et des taux, l’agilité d’une structure comme Artone est vue comme un avantage.
Le premier chapitre de son histoire vient en effet de se clôturer. Les deux fondateurs se sont séparés début janvier. Des envies d’ailleurs pour l’un, une vision de croissance différente pour l’autre. “On se sépare en très bons termes après une formidable aventure entrepreneuriale, précise Paul-Edouard Aubry. Seulement, nous étions arrivés au bout d’un cycle. Et pour lancer le suivant, un nouveau souffle était nécessaire.”
Ce nouveau souffle passera par l’arrivée dans le capital des trois frères Lhoist via leur holding familial. Celui-ci prend 50% des parts (pour un montant non communiqué) mais laissera les commandes à l’équipe en place. “Ils cherchaient depuis quelque temps à diversifier leurs activités dans l’immobilier, fait remarquer celui qui sera désormais l’unique directeur général, gardant 50% des parts. J’ai été séduit par leur audace entrepreneuriale, les valeurs qu’ils insufflent dans leur business, de même que le volet humain auquel ils sont attachés. Maintenir un ancrage belge était également important à mes yeux. Ce nouveau chapitre s’annonce en tout cas très prometteur.”
Si l’arrivée des frères Lhoist ne modifie pas les fondamentaux d’Artone, elle va néanmoins lui ouvrir de nouvelles perspectives. Une évolution supplémentaire pour une société qui fait de plus en plus parler d’elle dans le secteur immobilier vu sa croissance et sa capacité à faire preuve de créativité pour dénicher des sites intéressants à reconvertir.
A la table des grands promoteurs
Accueilli la plupart du temps avec bienveillance par ses confrères, son fondateur se sait désormais attendu au tournant. Car si le regard change, les attentes aussi. “L’objectif n’est pas d’avoir une croissance effrénée mais raisonnée, fait remarquer Paul-Edouard Aubry, qui tente d’ajouter actuellement quatre profils à son équipe de 10 personnes. Nous développerons toujours des projets qui ont du sens et qui apportent une valeur ajoutée à leur environnement. Des sites qui nous permettent de cicatriser la ville. C’est peut-être bateau de dire cela mais cela reflète vraiment nos valeurs. Je me suis baladé récemment dans un de nos premiers projets à Anderlecht, The Liedel Village, une ancienne blanchisserie transformée en un îlot de 55 logements. Il y avait de la vie, les habitants semblaient heureux d’être là. C’est une vraie satisfaction.”
“En Wallonie, les coûts de construction sont devenus beaucoup trop élevés par rapport aux prix de vente.”
“Nous continuerons de développer tous types de projets, qu’ils fassent 30 ou 300 logements, avec un accent particulier sur les sites à reconvertir. Il faudra toutefois un minimum de 3.000 m2. Depuis 2016, nous avons des capacités d’investissement qui nous permettent de concurrencer tous les grands promoteurs lors de l’achat d’un terrain ou d’un immeuble. Que ce soit Atenor, Besix Red, Thomas & Piron, Eaglestone ou d’autres. La différence, c’est que pour le moment, nous ne pouvons développer qu’une ou deux opérations d’envergure par an alors que ces promoteurs peuvent multiplier les développements de ce type. L’objectif est donc d’augmenter nos capacités à répéter ces opérations chaque année.”
Près de 1.000 logements dans le pipeline
Avec 18 projets au compteur, dont six déjà livrés (25.000 m2) et le solde en développement (80.000 m2), Artone a accéléré la cadence ces dernières années. Il possède désormais plus de 900 logements dans le pipeline. Parmi les projets majeurs du moment, citons le site Fiat situé en face de RTL House, à Evere (10.000 m2 au sol) qui sera reconverti en un ensemble mixte alliant résidentiel, commerces et activités productives, la transformation d’un immeuble de bureau en logement à Auderghem (Croissant, 75 appartements), la construction d’une résidence étudiante de 200 unités (logement social) le long de l’avenue de la Couronne à Ixelles, ou encore la reconversion d’un site industriel dans le quartier Heyvaert à Anderlecht (coliving, logement social et moyen).
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“Nos projets sont pour le moment essentiellement concentrés sur Bruxelles et sur le volet résidentiel, précise celui qui a été particulièrement inspiré par son ancien patron chez CBRE, Gaétan Clermont (Eaglestone Group), dont il est resté proche. Mais nous n’excluons pas d’être actifs sur le bureau, comme cela a été le cas à Namur avec l’immeuble Combattants vendu à Belfius. Un projet qui a eu une grande visibilité et qui nous a également donné une certaine légitimité dans le milieu.”
Un volet social à développer
“Nous prospectons actuellement aussi en Flandre et en Wallonie, que ce soit à Namur, Liège, Mons ou Charleroi. Le problème de la Wallonie est que les coûts de construction sont devenus beaucoup trop élevés par rapport aux prix de vente. Il s’agit d’une vraie problématique car cela va créer une disparité géographique dans les projets neufs. Certains promoteurs délaissent d’ailleurs déjà des communes. Un acteur majeur en Wallonie me confirmait même récemment qu’il abandonnait ou mettait en pause certains projets pour cette raison. Une situation vraiment inquiétante pour le futur. Pour la Flandre, vu la concurrence entre promoteurs, il faut créer une équipe spécifique sinon il est impossible d’y percer. Cela dépendra donc des opportunités.”
Dans un contexte de hausse des coûts de construction et des taux d’intérêt, l’agilité d’une structure comme Artone est en tout cas vue comme un avantage. Reste que même avec un statut de challenger, elle est confrontée aux mêmes difficultés que les grands groupes. “Obtenir des permis est compliqué pour tout le monde, reconnaît Paul-Edouard Aubry. La situation ne semble pas s’améliorer. Ce manque de prévisibilité est un vrai problème pour notre profession. Par exemple, nous avons la volonté de développer davantage de logements sociaux là où c’est possible. Cela ne nous donne cependant pas vraiment d’avantage sur les délais d’obtention, malgré l’existence d’une fast lane.”
“Pour le reste, nous voulons être de plus en plus innovants dans la performance énergétique des logements. Tous nos nouveaux projets sont fossil free. En fait, vu les cinq années que prend le développement d’un projet, le travail d’un promoteur consiste aujourd’hui surtout à anticiper le futur et les complexités techniques qui se multiplient. Et à ce petit jeu, le défi d’Artone sera d’y apporter une valeur ajoutée et une touche humaine.”
Lhoist: “La qualité du management a joué dans notre choix”
Actifs dans l’horeca, le domaine des loisirs et les activités hôtelières, les frères Lhoist posent désormais un vrai pied dans le développement immobilier. Une volonté de diversification qui était dans leur tête depuis quelque temps déjà. “Notre ancrage belgo-belge, notre volonté de continuer à investir dans le tissu économique national, la qualité du management et nos valeurs communes font qu’aujourd’hui, cette collaboration avec Artone a tout son sens”, confie Nicolas Lhoist, CEO de Tero Group, qui investit dans Artone avec ses frères Arthur et Jérôme.
Ils le font toutefois via le holding familial et non via Tero Group, la nouvelle coupole qui chapeaute une bonne partie de leurs investissements. A savoir: les restaurants Tero (Bierges et Bruxelles), la ferme des Rabanisse (Rochefort), les établissements Knokke Out (Zoute, Waterloo et Luxembourg), le bar de plage Rivers Woods Beach Club (Knokke) ou encore les activités hôtelières (Francorchamps, Jalhay, Ardennes, Hautes Fagnes) et événementielles.
Quid, enfin, de leurs quelques projets immobiliers? Déjà propriétaire de plusieurs logements de grande capacité dans la région de Francorchamps, Tero Group entend développer des gîtes d’une trentaine de chambres à Herbeumont (province de Luxembourg) et à Retranchement (Pays-Bas). Les principaux intéressés n’ont toutefois pas souhaité préciser si Artone développerait ces projets. Pour rappel, les trois frères sont descendants de la dynastie industrielle wallonne des Lhoist. Leur branche familiale n’a toutefois plus aucun lien avec la société basée à Limelette, l’un des leaders mondiaux de la chaux. Elle a vendu ses parts fin 2021.
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