Antiquités et business: les divers investissements du groupe Actibel
C’est l’histoire d’une boutique d’antiquités devenue l’impressionnante salle de ventes aux enchères Rops. Elle a donné naissance au groupe Actibel, riche aussi d’un patrimoine immobilier, d’un hôtel de bientôt 200 chambres et de deux centres d’affaires. Diversification, mais ancrage namurois !
Ils sont trois frères, qui s’associent en 1986 pour lancer un commerce d’antiquités à Namur. Hubert parti à la retraite, restent aujourd’hui Benoît et Paul de Sauvage. Le premier s’est dédié corps et âme aux antiquités. Le second est le financier, comme en témoignent son diplôme d’économie appliquée de l’UCLouvain ainsi que son mémoire sur le marché des options à la Bourse de Bruxelles. Avant de se lancer dans une carrière financière, Paul propose de donner un coup de main à ses frères. Pendant six mois, pense-t-il. Il est toujours de la partie, imprimant à l’entreprise familiale une croissance ininterrompue.
Le local qui devait être occupé par le commerce d’antiquités est très rapidement vendu, suite à une fort belle offre, et les frères jettent alors leur dévolu sur un local proposé, lui, à un prix très avantageux. Prime à la vente, décote à l’achat, voilà qui donne des idées ! Le trio acquiert un deuxième immeuble, tandis que Paul lance une agence immobilière sous le nom Actibel, qui deviendra celui du groupe. L’investissement immobilier en reste aujourd’hui un des piliers, aux côtés d’une structure dédiée à la rénovation, qui occupe une vingtaine de personnes. Le patrimoine propre est très concentré dans le centre de Namur et constitué de bâtiments rénovés en profondeur. Tel cet immeuble situé à côté de l’université, qui offre à présent deux penthouses et 40 studios. Les anciens bureaux du journal L’Avenir situés en face de la gare ont, eux, été démolis pour offrir 150 places de parking en sous-sol, 3.000 m2 de bureaux et 60 appartements. Construire et rénover en centre-ville est ardu et coûteux, mais il existe vraiment une demande pour des biens de qualité, résume Paul de Sauvage, administrateur délégué d’Actibel. Le fait de maîtriser les diverses techniques à mettre en œuvre permet de contrôler les coûts, ce qui est la clé de la rentabilité, complète Maxime Jehin, directeur opérationnel du groupe.
Le patrimoine propre de la société a toutefois été un peu allégé pour financer le colossal projet de Suarlée, construit dans le parc d’activités Ecolys. Après l’édification du centre d’affaires de Belgrade, qui développe 10.000 m2 de bureaux également à l’entrée de Namur, Actibel a en effet remis le couvert, gratifiant cette fois le centre d’affaires d’un hôtel et de la salle de ventes Rops, qui est ainsi passée de 1.700 à 8.000 m2.
Attirer des congrès internationaux
On le voit de loin, le Business Village Ecolys, quand on approche de Namur sur la nationale 4 ! Avec ses quatre étages et quelque 31.000 m2, dont 10.000 de bureaux, le navire amiral du groupe Actibel domine le parc d’activités éponyme. Investissement global : quelque 35 millions d’euros. Très proche des autoroutes de Wallonie et de l’E411, et flanqué de 750 places de parking, il joue sur la position centrale de la capitale wallonne, entre Liège et Charleroi. C’est à ce titre que le complexe compte notamment pour locataires les clusters Biowin et MecaTech, Axa, l’Awex, ou encore le Cercle de Wallonie. C’est en association avec ce dernier qu’y fut aussi développé le Studio Ecolys, centre de production audiovisuelle.
Outre les bureaux et une vingtaine de salles de réunion, sans oublier un restaurant, le Business Village Ecolys propose un hôtel sous franchise Ibis Styles. Pourquoi ce choix ? Parce qu’à l’heure des sites de réservation opérant à l’échelle mondiale, il n’est guère possible de faire cavalier seul pour le référencement comme pour les systèmes de paiement en ligne, explique Maxime Jehin. Actibel assure toutefois lui-même la gestion de l’hôtel. Avec succès : “Nous figurons toujours parmi les deux Ibis Styles les mieux cotés du Benelux, se réjouit Paul de Sauvage, mais c’est un défi permanent, avec des normes très strictes à respecter”.
On est loin des quelques chambres d’hôtes envisagées au départ pour héberger certains clients de la salle des ventes. Du reste, 100 chambres, n’est-ce pas énorme ? C’est en réalité insuffisant pour accueillir des congrès importants, de sorte que ce nombre doublera d’ici l’automne prochain ! Parmi les salles de réunion proposées par le Business Village Ecolys, figurent en effet deux locaux plutôt événementiels de très grandes dimensions qui, jumelés, peuvent accueillir un millier de personnes. “Nous allons pouvoir répondre à la demande d’entreprises souhaitant organiser des séminaires résidentiels d’importance, souligne Maxime Jehin. La localisation leur importe peu ; ce qu’ils cherchent, c’est l’infrastructure suffisante. Dès lors, pourquoi pas Namur ?” Répondre à la demande, c’est bien, la créer, c’est encore mieux ! Ou comment faire du Business Village Ecolys une véritable destination.
Gratuit et sans engagement
Une destination ? Tel est déjà largement le cas grâce à la salle de ventes Rops, racine du groupe, qui occupera sous peu 25 personnes et réalise quelque six ventes par an. Les jours d’exposition qui précèdent attirent en effet près de 1.000 visiteurs quotidiens. “Pour percer sur le marché des salles de ventes, qui comptait à l’époque trois ou quatre maisons rien qu’à Namur, nous avons cassé les règles en proposant des expertises gratuites, sans engagement, se souvient Paul de Sauvage. Nous allions aussi chercher la marchandise gratuitement. C’est toujours le cas et c’est plutôt devenu la norme depuis.” Là où la maison Rops se distingue, et c’est la base de sa popularité, souligne Maxime Jehin, c’est “qu’il ne s’agit pas de ne prendre que les bijoux, par exemple, à charge pour le client de trouver un autre professionnel pour les tableaux et… de se retrouver avec la table et les chaises. Nous prenons tout en charge. Par ailleurs, le client aura une connaissance tout à fait transparente des prix réalisés en salle des ventes”.
Le covid a évidemment frappé les activités d’Actibel, obligeant le groupe à se digitaliser. Pour la salle Rops, ce fut une révolution : vente en ligne uniquement.
Une adjudication toutes les 30 secondes
La salle de ventes Rops mêle tradition et informatique de pointe, bientôt renforcée en partenariat avec Odoo. La tradition, ce sont les salles d’exposition : tous les objets mis en vente sont visibles durant quatre jours. Pour le reste, la vente ne se réalise qu’en ligne, avec photo (parfois plusieurs) de tous les lots sur le site internet (rops-online.be). La vente de décembre dernier en comptait pas moins de 12.539 ! S’il donne son prix d’achat maximal – une donnée qui reste top secret –, le client n’est pas obligé d’être devant son écran au moment où apparaît le lot convoité : le programme enchérira pour lui. Les enchères se déroulent durant une semaine à raison d’un lot toutes les 30 secondes. L’heure précise est donc connue dès le départ.
Si parcourir les salles d’exposition est plaisant, la lecture des estimations et surtout des résultats fournit une précieuse échelle de valeurs aux amateurs de brocante. On réalise aussi à quel point le prix du seconde main est avantageux. Quand de belles armoires du 18e siècle se négocient à quelques centaines d’euros à peine, n’y a-t-il pas de quoi hésiter à acheter des meubles en kit ?
N’empêche : avec des milliers de lots partant parfois pour quelques dizaines d’euros à peine, on peut s’interroger sur la rentabilité de l’affaire, en dépit de frais de 25 %. “C’est le volume (un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 12 millions, Ndlr) qui donne la rentabilité, confirme Paul de Sauvage, d’autant qu’avec des estimations réalistes, 80 % de la marchandise est vendue à chaque vente.” Sauf contrordre du vendeur, les objets non vendus repassent à la vente suivante, avec une mise à prix abaissée de 30 %.
Le covid a évidemment frappé les activités d’Actibel, obligeant le groupe à se digitaliser.
Un archet à 39.000 euros
La moitié des acheteurs sont des antiquaires et des décorateurs. Logique : chez Rops, on vend pour l’essentiel une marchandise “vierge”, en provenance directe de successions. Avec un peu de chance, on y dénichera peut-être un objet exceptionnel… Comme on ne peut pas être spécialiste en tout, il arrive qu’une pièce soit sous-estimée, concède Paul de Sauvage, “mais ce n’est pas grave, car avec un fichier de 75.000 clients avertis en direct, outre les très nombreux visiteurs occasionnels et les moteurs de recherche sur internet, le marché corrige. Estimé 600 à 700 euros, un violon s’est ainsi envolé à 39.000 euros ! Grosse erreur sur le violon ? Non : c’est l’archet qui était convoité. Depuis lors, on nous apporte beaucoup de violons”, sourit l’administrateur délégué d’Actibel.
Quel est le programme pour les années à venir ? Stabiliser et consolider la situation, lance Paul de Sauvage. Encore que… En plus du doublement des chambres d’hôtel, une extension de 20.000 m2 est annoncée, dédiée aux bureaux et au stockage, en particulier pour la salle de ventes. On termine par ailleurs la rénovation en profondeur du château Melot, repris en partenariat avec le Cercle de Wallonie. Il sera officiellement inauguré en février, sous le nom de château de la Vecquée. On se disait bien que faire du surplace n’était pas le genre de la maison…
Une architecture industrielle écoresponsable
Sobre, spacieux et fonctionnel, mais décoré avec des œuvres d’art, voisinage de la salle de ventes Rops oblige : tels sont les principaux qualificatifs revendiqués par le Business Village Ecolys.
Le bâtiment est de style industriel, avec gaines apparentes. “Ce n’est pas une économie, car elles doivent être nickel et coûtent dès lors en entretien”, sourit le maître des lieux. Pas de murs porteurs, seulement des colonnes de béton, pour une souplesse maximale.
L’autre facette du site, c’est la volonté d’être écoresponsable : 1.200 panneaux solaires en toiture, récupération de l’eau de pluie pour les sanitaires, ventilation double flux avec récupérateur de chaleur et isolation renforcée. A noter encore la mutualisation des espaces tels que sanitaires, salles de réunion, cuisines et réfectoires, sans oublier un hall d’accueil librement accessible et 16 chargeurs Tesla.
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