Anthony Shaikh, l’homme qui secoue le monde du bureau en réinventant les espaces de travail

Engie s’installera en 2026 dans l’immeuble OXY, à deux pas de la place de Brouckère. Les aménagements prévus dans ce smart building seront parmi les plus innovants de Belgique.

Engie, Proximus, Immobel ou encore Belfius ont récemment fait appel à Anthony Shaikh et ses équipes pour réaménager leurs bureaux. Une success story démarrée il y a trois ans pour aujourd’hui devenir l’un des principaux acteurs du marché. Après la Belgique, les ambitions sont désormais européennes puis américaines pour l’homme fort de Shake Design & Build.

Au quatrième étage de Wood Hub, le nouveau vaisseau amiral du groupe CFE et de CapitalAtWork situé à Auderghem, Anthony Shaikh a ses habitudes. Son équipe a entièrement aménagé les bureaux du gestionnaire de patrimoine belgo-luxembourgeois. On y retrouve des espaces lumineux, beaucoup de bois, du mobilier de qualité et un “village” où trônent bar et espaces de détente. “L’idée était de rompre avec l’ambiance assez classique des gestionnaires de patrimoine qui reçoivent habituellement leurs clients dans des maisons de maître, pointe le fondateur de Shake Design & Build. Ces bureaux proposent ici une tout autre dynamique.”

À 43 ans, Anthony Shaikh est aujourd’hui un personnage incontournable du petit monde immobilier. Il vient se greffer aux architectes lors de la conception des plus grands projets. Engie, Proximus, Immobel, Belfius Insurance et Allianz sont quelques-unes des entreprises qui ont fait confiance ces derniers mois à celui qui est aujourd’hui l’un des principaux acteurs du marché belge de l’aménagement des espaces de travail dont. Fort d’un chiffre d’affaires de plus de 30 millions, Shake Design & Build rassemble une équipe de 35 personnes. “C’est toujours délicat de se déclarer comme leader mais c’est la réalité des chiffres, sourit cet architecte d’intérieur. J’ai beaucoup appris de mes précédentes expériences. Ce qui fait que quand j’ai lancé Shake en 2021, j’ai directement pris quatre associés et je leur ai ouvert l’actionnariat, chacun prenant 10 %. Ma CEO, Sara Staels, complice depuis une dizaine d’années, gère la société de main de maître.”

Sous ses airs de play-boy au teint hâlé, costume cintré et baskets blanches quelle que soit la saison, se cache un homme d’affaires particulièrement ambitieux. Qu’il faut parvenir à suivre. Son débit de parole, où l’on passe un mot sur deux du français à l’anglais, est à l’image de l’énergie qu’il dégage quand on le croise. “Je n’ai pratiquement jamais perdu un pitch, prétend-il. Mais nous n’acceptons plus de nous lancer dans tous les projets. C’est une grande différence par rapport au passé.”

Google pour lancer la vague

Une trajectoire entrepreneuriale qui débute en tout cas très tôt. D’origine pakistanaise, Anthony Shaikh grandit dans le sud de Bruxelles, avec un père à la tête d’une épicerie et une mère active au sein d’un cabinet international d’avocats. Après des études d’architecte, il fait ses premiers pas dans l’aménagement d’espaces de travail chez AOS (repris ensuite par Colliers), avant de se lancer dans un tour du monde à 27 ans.

“Un premier break salutaire. J’en suis revenu complètement transformé. Je me suis rendu compte que les entreprises voulaient surtout un package complet qui mêle le design de leurs bureaux et l’achat de mobilier. Le tout dans un budget et un timing assurés, avec un seul interlocuteur. Personne n’offrait ce service. Nous étions les premiers à mettre en place le concept de design & build en Belgique avec, de plus, une touche hyper créative. En 2010, nous lançons donc Admos avec Christophe Erkens, dans une cave à La Hulpe. C’était les débuts des new ways of working. Notre business model était également complètement novateur puisque nous étions rémunérés via un fix fee sur le volet architectural et sur les travaux. Et trois mois après le lancement, nous signions notre premier contrat avec Google. Une belle histoire puisque, sans le sou, nous nous sommes rendus au pitch en Vespa, à deux, avec les plans en version papier dans un sac à dos. C’était incroyable. Ce deal a directement fait décoller Admos. Toutes les sociétés nous appelaient car nous étions pionniers en la matière. C’est également l’époque où j’ai rencontré Sergé Fautré (CEO d’AG Real Estate, ndlr), qui m’a d’ailleurs conseillé à chaque étape importante de ma carrière, et Jurgen Ingels, l’un des deux fondateurs de Clear2Pay, qui a nettement professionnalisé notre approche et contribué à constituer notre board.”

Les clients s’enchaînent, d’autant que l’argent coule à flot lors de cette décennie. Développeurs et investisseurs immobiliers se frottent les mains. Admos comptera 15 collaborateurs après un an, 30 après deux ans et 60 au moment de se faire racheter en 2017 par Cushman & Wakefield. “Nous étions présents au Luxembourg, notamment via ADIA, le fonds souverain des Émirats arabes unis, qui a installé ses bureaux dans le Royal Hamilius de Codic. Foster était l’architecte et nous l’architecte d’intérieur. On jouait en Champion’s League à ce moment-là (sourire). McKinsey, Mastercard, Swift et d’autres suivront. Ensuite, comme décidé dans le contrat de vente, le management restera encore quelques années avant de se retirer. L’âme de départ d’Admos s’était quelque peu évaporée…”

Proximus. Si l’incertitude plane toujours autour du futur immeuble de Proximus, l’intérieur d’une des deux tours a déjà fait l’objet d’un plan de réaménagement complet.

Associés dès la conception

Millionnaire à 37 ans, il part en plein covid, pendant six mois, se ressourcer en famille sur les plages de Tulum (Mexique). “Le monde de la tech était réuni là-bas. J’y ai multiplié les rencontres. C’était très inspirant, j’y ai retrouvé passion et énergie.” Dénué de toute clause de non-concurrence, sollicité de plus en plus régulièrement par des sociétés pour aménager leurs bureaux, il revient en Belgique avec l’idée de relancer une boîte de design & build. Mais avec d’autres ambitions et des valeurs plus affirmées. Il ouvre l’actionnariat à quatre de ses meilleurs collaborateurs et développe un mode de gestion plus horizontal. Il reprend les recettes du passé tout en y ajoutant des touches architecturale et créative plus prononcées. Immobel, Engie et Proximus figurent depuis lors parmi les plus belles plumes à son chapeau, avec des aménagements qui grimpent dans certains cas jusqu’à 50.000 m2. En trois ans, il redevient l’un des principaux acteurs du marché.

Immobel, Engie et Proximus figurent parmi les plus belles plumes du chapeau de Shake Design & Build, avec des aménagements qui grimpent jusqu’à 50.000 m2.
Anthony Shaikh

Anthony Shaikh

CEO de Shake Design & Build

“Je pense sincèrement que nous sommes encore meilleurs que lors de la période Admos, lance Anthony Shaikh. On a gagné des marchés énormes, alors que nous ne faisons pourtant pas partie d’un grand groupe immobilier comme nos concurrents. Le contexte actuel est, il est vrai, compliqué dans le monde du bureau en matière de take-up mais pas nécessairement différent pour nous. Les sociétés ont compris qu’il fallait aménager des espaces attractifs qui permettent de séduire à nouveau leurs collaborateurs. Certains deals se concrétisent tout de même encore alors que les sociétés qui repoussent leur déménagement souhaitent quand même refaire entièrement leurs bureaux actuels.”

Parmi la longue liste de deals signés ces derniers mois, citons Domo Chemicals, Dovesco et Alinso dans l’immeuble Polytoren, Belfius dans la tour Rogier, l’Agence européenne de la Défense dans le Muse ou encore les sociétés Projective Group, Strelia, Degroof Petercam et vdk Bank. “Un des principaux changements aujourd’hui, c’est que les développeurs immobiliers avec lesquels nous travaillons ont compris qu’ils devaient nous associer dès le début d’un projet, en même temps que les architectes. Cela n’a pas de sens qu’un architecte dessine des plans et que l’on doive ensuite démolir certaines parties de l’intérieur de l’immeuble. Les doubles hauteurs, les jardins intérieurs ou autres doivent être pensés au préalable.”

Développer l’ADN Shake à l’étranger

Reste que si Shake Design & Build est aussi présent sur le marché, il le doit surtout à une marque de fabrique bien à lui qu’il a développée au fil du temps. “Nous ne sommes pas les plus abordables du marché (les tarifs avoisinent les 750 euros/m2 aujourd’hui, ndlr). Mais il n’y a pas de copier/coller dans nos projets. Plus de la moitié de nos collaborateurs sont des architectes et des ingénieurs. L’architecture reste notre passion. C’est ce qui fait la différence par rapport à nos concurrents. Nous proposons une conception créative, osée, chaleureuse, avec beaucoup de vert où l’extérieur devient intérieur, beaucoup de mobilier en bois aussi. Nos clients nous disent qu’il y a un style Shake. Il s’agit d’une des plus belles reconnaissances. On nous fait aussi davantage confiance. Pour les futurs bureaux d’Engie par exemple, dans l’immeuble OXY, nous avons été ultra-innovants en matière de smart building et d’aménagements intérieurs. D’habitude, il faut faire l’un ou l’autre pas en arrière. Ici, ils ont tout accepté, c’est incroyable (sourire).”

Si la société a atteint son rythme de croisière en Belgique, les ambitions se tournent désormais hors des frontières, avec l’idée de concrétiser quelques réalisations majeures dans des villes emblématiques, comme à Londres dernièrement. “La prochaine étape est de grandir à l’étranger, espère celui qui a récemment ramené deux fidèles compagnons de route dans son advisory board, Anneleen Vander Elstraeten (Four & Five Law) et Christophe Erkens. C’est ce qui me guide aujourd’hui. Nous sommes déjà présents au Luxembourg. Un client va nous amener à Paris. Même chose pour New York. Nous n’allons pas ouvrir des bureaux aux quatre coins du monde mais je connais notre ADN et je possède cette capacité à bien m’entourer. À l’avenir, il y aura une quarantaine de personnes en Belgique, une dizaine au Luxembourg et des petites cellules pour l’international. Mais le siège restera en Belgique. Les perspectives sont en tout cas très excitantes.”

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