Acheter en limitant les fonds propres, c’est possible
La montée en flèche des prix, l’augmentation des taux d’intérêt et, surtout, l’apport en fonds propres rendent la tâche très difficile aux milléniaux sur le marché du logement. Existe-t-il des alternatives facilitant l’accès à la propriété ?
C’est un constat étonnant du dernier baromètre des notaires : la proportion de jeunes acheteurs a augmenté cette année par rapport à 2021. Les notaires ont attribué cette augmentation à la hausse des taux d’intérêt : craignant une nouvelle hausse de ceux-ci, les milléniaux auraient accéléré leur achat. Au-delà de ce constat, la tendance générale est claire : l’immobilier leur est de moins en moins accessible. En effet, sous la pression de l’Europe et de la Banque nationale, les banques sont plus strictes dans l’octroi des prêts. Les jeunes acheteurs potentiels sont particulièrement freinés par l’importance des fonds propres exigés. Dans une enquête réalisée par le courtier en crédit Immotheker Finotheker, 51 % des moins 35 ans ont déclaré qu’ils ne seraient pas en mesure d’acheter un logement sans le soutien de leur famille. Les milléniaux cherchent donc de nouvelles alternatives à la formule d’achat traditionnelle. Et elles existent…
Acheter le logement ensuite le terrain
Lisa De Blauwe (26 ans) est célibataire, ne travaille que depuis deux ans et souhaite acheter un appartement. “Louer un appartement me coûte 800 euros, frais compris, calcule-t-elle. Si j’achète un appartement similaire, je devrais rembourser environ 900 euros. C’est une différence relativement faible. Le problème est que pour obtenir un prêt, je n’ai pas assez de fonds propres.” Aussi, lorsqu’elle a pris connaissance du projet Torck à Deinze (en Flandre-Orientale) qui propose la formule Split- It, “rendant possible l’achat d’une maison économe en énergie pour les personnes disposant de trop peu de moyens”, Lisa De Blauwe n’a pas hésité.
Avec Split-It, l’acheteur peut d’abord acheter le logement par le biais d’un droit de superficie, et régler la valeur du terrain de manière différée – dans un délai de sept ans. Le fait de retirer temporairement la valeur du terrain de la transaction peut réduire considérablement l’investissement initial. Le développeur Van Roey Vastgoed donne l’exemple d’un appartement du projet Torck affichant un prix de vente de 216.672 euros. Avec un achat via Split-It, le prix de vente initial -et donc sans terrain- tombe à 168.883 euros. L’apport en fonds propres peut ainsi passer de 53.742 euros à 26.871 euros. La mensualité diminue également : elle passe de 1.019 euros à 949 euros.
Par ailleurs, le terrain reste pour l’instant la propriété de Van Roey et l’acheteur doit payer un droit de construction – le canon – pour celui-ci. Ce canon s’élève à 1,5 % de la valeur du terrain, ce qui correspond dans ce cas à une redevance mensuelle de 60 euros. En outre, dans ce modèle, la valeur du terrain augmente de 3 % chaque année.
L’achat fractionné n’est donc pas moins cher que l’achat conventionnel, mais il élimine dans une large mesure l’obstacle des fonds propres et donne accès à une maison performante sur le plan énergétique.
Acheter le seul bâti
Toujours dans l’idée de rendre la propriété la plus accessible possible, le concept du Community Land Trust, importé des Etats-Unis, propose de séparer la propriété du sol de la propriété du bâti. Le coût du terrain est alors pris en charge par un tiers -pouvoirs publics, sociétés de logements sociaux, associations, etc.- et reste la propriété de celui-ci. Ce qui permet ainsi à des familles à bas revenus d’accéder à la propriété. La formule, développée outre-Atlantique dans les années 1970, a débarqué à Bruxelles en 2014. Depuis, l’association Community Land Trust Brussels a permis de loger 104 familles. Ayant acquis leur logement à un prix abordable, les propriétaires ne sont pas autorisés à le louer ni à percevoir de plus-value lors de la revente. La Flandre emboîte doucement le pas, un premier projet vient d’être lancé à Gand, sous la houlette de la société de logements sociaux WoninGent. Trente-quatre logements (avec jardin ou terrasse) sortiront de terre d’ici la fin 2024.
La coopérative de logement
Pour les Belges, l’accession à la propriété est la voie évidente vers la sécurité du logement. Dans des pays comme le Danemark, l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse, les coopératives de logement (aussi appelées coopératives d’habitation) offrent depuis longtemps une alternative intéressante. Progressivement, le concept s’impose également dans notre pays. “Une coopérative d’habitation est un collectif de citoyens qui s’unissent pour répondre eux-mêmes à leur besoin de logement”, explique Karel Lootens, cofondateur et directeur de wooncoop. La coopérative construit et/ou rénove le complexe de logements et en assure également l’entretien. Toutes les tâches de propriété incombent donc aux coopérateurs. En achetant des parts de la coopérative, les coopérateurs obtiennent un droit au logement.
Classiquement, le financement d’une coopérative de logement repose sur trois piliers : l’apport des coopérateurs/résidents, les fonds d’investisseurs privés et les fonds externes, généralement des financements bancaires. La contribution des résidents/coopérateurs peut varier fortement entre eux, mais ensemble ils devraient pouvoir financer un tiers du coût du projet. En outre, les résidents paient également un coût de logement, soit un loyer mensuel. Plus l’apport en capital est important, plus le coût du logement est faible. Si la maison coûte 350.000 euros et qu’il y a un apport en capital de 100.000, le coopérateur paiera un coût de logement mensuel de 729 euros (3,5% de 250.000, divisé par 12). Si la contribution s’élève à 50.000 euros, le coût du logement passera à 875 euros, selon le même calcul. Il est possible de constituer un capital, ce qui permet de réduire le coût du logement.
“Un des avantages est que vous bénéficiez de la mobilité résidentielle inhérente à la location : si vos besoins en matière de logement changent ou si vous entrez dans une autre étape de votre vie, vous pouvez déménager au sein du projet ou dans un autre projet de coopérative de logement”, explique Karel Lootens.
Le modèle coopératif rend-il les logements plus abordables ? “Chaque projet a un coût différent, répond le directeur de wooncoop. Mais il est certain que pour les jeunes, la vie en coopérative abaisse le seuil. Aujourd’hui, les banques exigent facilement un apport de 50.000 à 60.000 euros. Avec nous, vous pouvez participer avec une contribution aussi faible que 5.000 euros.”
L.V. avec A.S.C
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