Yves Caprara (CEO de Prayon): Impliquer tout le personnel dans le changement
Depuis une dizaine d’années, il pilote la mue du leader mondial des phosphates vers une économie digitale et durable.
Commercial, financier, manager… Yves Caprara a connu tous les métiers depuis qu’il a rejoint Prayon, il y a maintenant 30 ans. ” J’ai même travaillé quatre ans dans notre filiale au Royaume-Uni “, ajoute cet ingénieur commercial, diplômé de la Solvay Business School. Cette diversité des fonctions est, estime celui qui est CEO depuis 2008, un atout de Prayon dans la bataille pour recruter des jeunes talents. ” Ils veulent éviter la routine et avoir des responsabilités, explique Yves Caprara. Nous menons nos projets de manière transversale, cela permet à un ingénieur de faire un peu de marketing, un peu de finance, un peu de juridique. Cela motive grandement les jeunes et les prépare à devenir chefs de projet, à diriger une équipe, voire une filiale. ”
Dans un monde de plus en plus agile, vous devez travailler en équipe pour être sur la balle.
Impliquer toutes les fonctions et toutes les catégories de personnel dans l’élaboration des grands projets de l’entreprise, c’est l’un des chevaux de bataille d’Yves Caprara. ” Dans un monde de plus en plus agile, vous devez travailler en équipe pour être sur la balle, dit-il. Cela prend peut-être un peu plus de temps au début, il y a des débats, des discussions. Mais après, la mise en oeuvre est beaucoup plus facile. ” Tant mieux parce que la vie de Prayon, leader mondial dans les produits phosphatés, a été pas mal bousculée ces derniers temps, comme d’ailleurs celle de toute l’industrie chimique. Le verdissement de l’économie a poussé à revoir les produits et les modes de production. Hier, Prayon élaborait des phosphates pour les producteurs de détergents ; aujourd’hui, la société développe le phosphate de fer lithié (LFP) pour les batteries de véhicules électriques. ” C’est le fruit de plus de 10 ans de travail mais, ça y est, dans un an ou deux, des flottes de bus équipés de batteries LFP rouleront dans nos villes “, assure Yves Caprara. A plus longue échéance, cette technologie devrait aussi s’appliquer aux voitures thermiques, comme une aide au démarrage. ” Les batteries pèseraient alors un kilo au lieu de 20 actuellement, cela réduirait fortement la consommation et les émissions “, précise-t-il.
Le pari du big data
L’autre évolution qui bouscule l’industrie chimique, c’est bien entendu l’économie numérique. Prayon est également à la pointe, en misant très tôt sur l’analyse des données pour optimiser la production et la qualité des produits. ” Nos compétences dans le big data combinées à notre expertise-métier dans la chimie des phosphates génèrent de nouvelles opportunités de vente, se réjouit Yves Caprara. Effectuer des audits de big data nous a permis de vendre, ensuite, des usines en Chine et aux Etats-Unis. C’est vraiment un plus pour notre business model. ” Si l’Europe reste le premier marché de Prayon, son chiffre d’affaires aux Etats-Unis a doublé en cinq ans et des développements s’annoncent en Asie et en Amérique latine.
La technologie permet également d’améliorer les services aux clients, pour donner des infos en temps réel sur le suivi des commandes. ” Même dans le B to B, l’expérience client est fondamentale, insiste Yves Caprara. Le défi pour nous est de bien nous assurer que tout le personnel accompagne les changements. Et c’est le rôle du management que d’y veiller. ”
Pourquoi le jury l’a choisi
Prayon démontre chaque jour que la vieille industrie chimique peut aussi être à la pointe de la modernité. L’entreprise a en effet très bien anticipé les virages numériques et climatiques de l’économie. Cela permet à Prayon, leader mondial des produits phosphatés, de gagner de nouveaux marchés, notamment aux Etats-Unis et en Asie.
Le fait marquant de 2019
” C’est sans doute notre changement de structure pour nous adapter aux nouvelles règles de gouvernance. Les décisions sont prises par un comité de direction pluridisciplinaire, cela rend notre fonctionnement plus horizontal et plus consensuel. C’est vraiment très motivant pour chacun. ”
La réalisation dont il est le plus fier
” Ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir réussi à convaincre tout le monde – le personnel, les actionnaires, les banques, le voisinage aussi – que Prayon devait se mettre en ordre de marche pour la transition vers une nouvelle économie. La vision digitale et environnementale est aujourd’hui largement partagée dans l’entreprise. ”
Le défi qui l’attend en 2020
” Nous devons, comme tout le monde, accentuer nos efforts en matière de circularité de la production. Notre travail a déjà permis d’accomplir 80% du chemin mais les 20 derniers pour cent sont peut-être les plus difficiles à accomplir. Mais j’ai une totale confiance en la capacité de nos équipes d’y parvenir. ”
Un bon Manager de l’Année selon lui
” Faut-il encore parler d’un Manager de l’Année ? Ne faudrait-il pas parler plutôt de l’équipe de direction de l’année ? La notion du ‘patron’ qui décide de tout est révolue. Pour réussir, il faut créer une équipe autour de soi, une équipe avec de la diversité des genres et des styles, avec des personnes plus analytiques et d’autres plus intuitives. ”
Qui sera le Manager de l'Année 2019?
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