Wallifornia MusicTech: en attente de bilan
L’initiative liégeoise pour porter l’innovation numérique dans le domaine de la musique n’apporte pas encore de résultat chiffré, à quelques exceptions près, et met en avant surtout son réseau et ses événements. C’est pourtant ce programme qui a inspiré SportsTech Belgium…
Liège comme “Silicon Valley de la musique”? L’idée est séduisante mais elle a de quoi faire sourire les plus sceptiques. Pourtant, cela fait quelques années que l’écosystème tech de la Principauté se met en ordre de marche derrière Leansquare et le label Wallifornia MusicTech lancé en 2017. Objectif? Faire de Liège la plaque tournante de l’innovation numérique et technologique sur le créneau de la musique. A l’origine, Leansquare, structure d’accompagnement des start-up numériques, soutenait et incubait les projets naissants sans spécialisation sectorielle. Puis vint l’idée de se centrer sur certaines grandes thématiques et notamment l’ entertainment, avec un focus particulier sur la musique. Notamment en s’axant sur la présence de jeunes pousses stars de l’écosystème comme Musimap qui s’est spécialisée dans les recommandations de chansons sur la base des émotions et du profil des auditeurs. Pour assurer cette transition, le fond Leansquare a imaginé un programme baptisé Wallifornia MusicTech, fédérant et créant des ponts entre les entrepreneurs de la tech, les pros de la musique, les corporate, tant en Belgique qu’à l’étranger. Le but: positionner Liège sur la carte de la musictech, créneau en croissance, pour ensuite “sourcer” des dossiers pertinents dans lesquels Leansquare pourrait investir. Car “nous sommes bien un fonds, insiste Xavier Péters, investment manager de Leansquare et chez Noshaq. Nous investissons dans de bons dossiers pour générer des bénéfices qui seront réinvestis afin de développer l’écosystème numérique local”. Le fonds investit au “dernier tour de seed, soit des tickets compris généralement entre 250.000 et 500.000 euros”, précise le responsable.
Evénements et dossiers
Le “sourcing des dossiers” passe notamment par le programme Wallifornia MusicTech, développé par Gérôme Vanherf, figure connue de la tech liégeoise et responsable de la Grand Poste, récemment inaugurée. Concrètement, il s’agit d’un programme doté de deux moments forts: un programme d’accélération et un sommet lié à la tech musicale, logé dans le cadre du festival Les Ardentes. Un événement de taille qui attire, selon ses organisateurs, la “crème de la crème” mondiale. Liège compterait désormais sur la carte du secteur musictech en invitant des orateurs et des entrepreneurs d’un peu partout dans le monde. Ses événements, et notamment le sommet en marge des Ardentes, seraient devenus des organisations à succès dans le milieu, malgré un budget organisationnel relativement réduit: 60.000 euros chaque année. “Nous construisons le sommet et le programme d’accélération grâce à des partenariats avec des entreprises qui trouvent un intérêt dans le secteur, et visons l’autofinancement”, indique Gérôme Vanherf. Et d’avancer le nombre de 300 partenaires en tout genre, allant jusqu’au géant Universal Music. L’initiative a d’ailleurs été saluée par des médias de référence au niveau mondial…
Au menu: des conférences, des mises en relation, etc. “Aux forces liégeoises, nous voulons greffer un écosystème international de qualité, soutient Gérôme Vanherf. Nous désirons avant tout avoir un impact local. Mais dans la tech, il est indispensable de se connecter au niveau global.” Voilà pourquoi Wallifornia redouble chaque année d’efforts pour attirer des têtes d’affiche internationales. Et pourquoi Leansquare, structure hybride combinant à la fois des fonds privés et publics, entre au capital de boîtes tant belges qu’internationales: sur 15 dossiers financés dans l’ entertainment, six sont des start-up étrangères. De quoi s’attirer certaines critiques. “Quel est le retour réel pour l’économie locale? s’interroge cet expert de l’écosystème qui veut rester anonyme. On ne voit émerger que très peu de sociétés dans le domaine du numérique et de la musique. Des fonds sont investis dans des start-up étrangères qui ne restent pas en Belgique et qui, au mieux, nouent quelques contrats avec des boîtes wallonnes. Cela fait cher pour obtenir des contrats commerciaux. Après plusieurs années, on ne voit toujours pas de chiffres réels d’impact de ces initiatives.” Les responsables restent effectivement très discrets dès qu’il s’agit de dévoiler des chiffres, épinglant surtout les bienfaits des investissements et des initiatives sur le business local. “StudyTrack, boîte française dans laquelle on a investi, travaille désormais avec le studio liégeois Opp, souligne Xavier Péters. Des ponts et des partenariats qui profitent aux acteurs wallons se mettent en place.” Et Gérôme Vanherf de préciser: “Nous pouvons inviter des grands noms nationaux et internationaux comme le directeur du Studio Abbey Road qui a pu rencontrer des acteurs locaux. On sent aussi que la jeune génération d’entrepreneurs voit la musictech liégeoise comme un domaine très attractif. De plus, si au début, nous devions aller frapper à la porte des partenaires potentiels, ce sont désormais eux qui viennent chez nous.”
Innovations concrètes
Certaines innovations concrètes sont mis en avant, comme l’édition virtuelle du festival Tomorrowland organisée en pleine pandémie par l’agence Dogstudio. “Mais Dogstudio n’a pas attendu Wallifornia MusicTech pour être une référence”, ironise cet observateur plutôt critique. Gérôme Vanherf insiste: “En matière de réseau, d’accélération, d’experts avec lesquels nous travaillons et de dossiers que nous recevons, on peut parler de succès. Mais nous travaillons sur le moyen et long terme: c’est maintenant que cela se passe. Et les premiers succès financiers et d’investissements arriveront. C’est en créant un écosystème hautement qualitatif que nous allons attirer des sociétés étrangères et les meilleurs profils.” Le responsable nous glisse d’ailleurs que certains entreprises flamandes pourraient choisir prochainement de s’installer à Liège afin de profiter de cet environnement. Par ailleurs, c’est également à partir de ce programme que s’est construite l’initiative SportsTech Belgium inaugurée cette semaine à Tubize.
Et si le fonds ne veut pas dévoiler les chiffres liés à l’évolution du portefeuille, il évoque 6 millions d’euros investis dans des start-up liées à l’ entertainement. Et la récente vente de la start-up phare Musimap qui avait réalisé un joli coup en attirant, comme petit actionnaire, le jazzman et producteur légendaire Quincy Jones. Le montant de la vente n’a pas été communiqué mais, d’après nos informations, il s’agirait d’une “vente à huit chiffres”. On se doit toutefois de citer aussi Soundsgood, l’autre exit du portefeuille, qui a décidé de fermer sa plateforme quelques mois seulement après l’acquisition. Quant à HLO, la firme derrière Playground, appli qui permet de mixer comme un DJ, son aventure B to C s’est achevée sur un échec ; les fondateurs pivotent actuellement vers une approche B to B. Reste dès lors à faire preuve de patience, afin de savoir si dans un avenir plus ou moins proche, les résultats chiffrés se révéleront effectivement à la hauteur du succès événementiel de Wallifornia MusicTech.
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