Voitures sur un cargo en feu: le transport maritime face au défi des électriques
Plus difficiles à éteindre, les feux de voitures électriques inquiètent le secteur du transport maritime après plusieurs incendies majeurs.
Un incendie a fait un mort et plusieurs blessés mercredi matin au large des Pays-Bas sur le cargo Fremantle Highway, qui transporte quelque 3.000 véhicules. Le feu s’y est développé si vite qu’il n’a pas été possible pour les pompiers de monter à bord.
Rien n’est encore confirmé officiellement, mais l’une des 25 voitures électriques qui se trouvent à bord pourrait être à l’origine de l’incendie, selon un porte-parole des garde-côtes, qui a dit prendre en compte “tous les scénarios”.
Les batteries au lithium des voitures électriques contiennent un liquide inflammable et peuvent prendre feu si elles sont trop chargées, souffrent de défauts de fabrication ou sont soumises à des températures élevées.
Le nombre d’accidents sur des navires transportant des véhicules s’est multiplié ces dernières années, avec des conséquences aggravées par le gigantisme croissant des cargos, selon un rapport de l’assureur Allianz.
Felicity Ace
Le Sincerity Ace a pris feu dans l’Océan Pacifique le jour du Nouvel An en 2018, avec 3.500 véhicules à son bord, causant la mort de cinq membres d’équipage.
Le Höegh Xiamen a été détruit par le feu en juin 2020 dans le port de Jacksonville, en Floride, avec près de 2.500 véhicules à son bord, à cause d’une batterie mal déconnectée sur une voiture d’occasion.
Dernièrement, en mars 2022, le Felicity Ace a coulé avec les 4.000 Volkswagen, Porsche et autres Lamborghini qu’il transportait de l’Allemagne vers les États-Unis. Avec le cargo au fond de l’Atlantique, la cause du feu n’a pas pu être déterminée, mais il transportait aussi des véhicules électriques.
Alors que les ventes de ces voitures à batterie s’accélèrent dans les pays riches, le secteur du transport maritime s’intéresse de plus en plus à la question.
Les transporteurs restent discrets sur la question: contactés par l’AFP, Grimaldi et K-Line, exploitant du navire qui a pris feu au large des Pays-Bas, n’étaient pas en mesure de commenter cette question mercredi.
Le Japonais Mitsui O.S.K. Lines, armateur malheureux du Felicity Ace, a depuis arrêté de transporter des voitures électriques d’occasion, qui commencent à être exportées vers les pays en développement.
En Norvège, l’armateur Havila a complètement interdit les voitures hybrides et électriques à bord de ses bateaux touristiques.
“Un feu sur une voiture électrique, hybride ou à hydrogène demanderait une intervention de services de secours externes et mettrait les passagers en danger. Nous prenons la sécurité au sérieux, et ne sommes pas prêts à prendre ce risque”, a souligné la compagnie, pourtant pionnière dans l’électrique, avec de grosses batteries pour propulser ses bateaux.
Emballement thermique
Les incendies de voitures dotées de batteries électriques ne sont a priori pas plus fréquents ou dangereux que ceux de voitures à essence, assure l’Association américaine de protection contre les incendies (NFPA).
Ils nécessitent en revanche des procédures particulières, selon l’organisation qui propose depuis 2010 des formations spécifiques.
Il faut en général beaucoup plus d’eau pour les éteindre et il est aussi fréquent que des batteries prennent à nouveau feu plusieurs heures, voire plusieurs jours, après l’incident initial, à cause d’un phénomène dit “d’emballement thermique” qui peut se produire dans les batteries lithium-ion endommagées.
A bord d’un bateau, cet “emballement thermique” est “quasiment inévitable à moins que l’équipage n’intervienne immédiatement pour contrôler le feu”, prévenait l’assureur Allianz dans une note d’août 2022.
“Malheureusement, cette intervention est rarement possible, faute d’une détection assez précoce, d’un manque d’équipage, et de capacités suffisantes à bord pour lutter contre le feu”. D’autant plus que les voitures sont mélangées et serrées par milliers sur les ponts du bateau, quasiment pare-chocs contre pare-chocs.
L’Agence européenne de sécurité maritime (EMSA) a recommandé en 2022 d’entraîner les marins et d’identifier les voitures par carburant, avec des autocollants par exemples, pour les repérer au plus vite dans les cales en cas d’incident.
L’EMSA recommande surtout de charger les batteries des véhicules électriques entre 20 et 50% seulement de leur capacité: au-delà, le risque d’incendie augmente.
Selon Allianz, des armateurs étudient la possibilité de poser des couvertures ignifuges sur les voitures électriques.
Le transporteur norvégien Höegh Autoliners s’adapte de son côté au passage de son pays à 100% de voitures électriques en 2025: son prochain navire, l’Aurora, prévoit davantage de sécurité, mais aussi des rampes et des ponts renforcés pour accueillir les voitures à batterie, bien plus lourdes que leurs cousines à essence.
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