Voitures électriques d’occasion: un marché qui monte, qui monte…
“En pleine tempête”, c’est ainsi que le marché automobile est décrit aujourd’hui. Tant pour les voitures neuves que pour les occasions, électriques ou pas, les prix augmentent à n’en plus finir. La hausse moyenne atteint 20%. Et l’impact de la guerre en Ukraine doit encore se faire sentir… Même si les électriques constituent une bonne alternative sur le marché de l’occasion, les stocks se révèlent très faibles et la plupart des modèles, trop chers.
Depuis la pandémie, divers facteurs affectent fortement le marché automobile, sans compter les répercussions de la crise du coronavirus. Dès l’automne 2020, une demande sans précédent a entraîné un dépassement des capacités de production des constructeurs automobiles. Aujourd’hui, cett eproduction ne peut tout simplement plus suivre. Toutes sortes de composants manquent, surtout les puces électroniques, ce qui ralentit à son tour la fourniture d’autres composants. La pandémie a également provoqué des problèmes logistiques et fait grimper le prix du transport. Et puis il y a l’explosion des prix de l’énergie et des matières premières: ce sont surtout l’acier et l’aluminium qui sont touchés, mais aussi les matières premières… pour les batteries des voitures électriques, entre autres.
Retards et pénuries
Cerise sur le gâteau, la guerre en Ukraine a forcé certains fournisseurs à suspendre leurs livraisons (de câblages mais aussi de matières premières). “L’été dernier, la situation était déjà très tendue. Elle n’a fait qu’empirer depuis”, déclare Joost Huys, administrateur délégué de NV Dex. Forte de 18 succursales, cette entreprise de Flandre-Occidentale vendait principalement des voitures d’occasion récentes (environ 18 mois, 25.000 kilomètres au compteur). Pour son dernier bilan (de début mars 2020 à fin février 2021), elle a réalisé un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros et un bénéfice de 3,2 millions d’euros. “Actuellement, des délais de livraison de 8 à 18 mois pour une voiture neuve sont monnaie courante, se plaint Joost Huys. Les prix ont continué à monter, ce qui a aussi tiré ceux de l’occasion vers le haut. Pour leur production, les constructeurs automobiles choisissent les modèles sur lesquels ils font le plus de profits: les plus chers. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour monsieur Tout-le-Monde. En effet, nous observons aussi une bascule vers les tranches de prix supérieures des voitures qui se vendaient jusqu’ici à des prix moyens. Pendant la pandémie, les deux SUV Hyundai Tucson et Ford Kuga coûtaient entre 25.000 et 26.000 euros. Aujourd’hui, il faut débourser pas moins de 30.000, voire 32.000 euros. De plus, les revendeurs n’accordent presque plus de réductions par rapport au prix catalogue, ce qui est une nouveauté.” Cela représente une augmentation de 20%.
Une hausse qui affecte surtout le segment moyen
Le même phénomène affecte également le marché de l’occasion. L’été dernier, Joost Huys a encore observé une hausse de 10%, un chiffre dénotant une accélération de l’augmentation. “Le prix des modèles meilleur marché a même encore augmenté davantage. Il y a un an, une Opel Astra de 18 mois se vendait 12.000 euros. Actuellement, il faut compter 17.000 à 18.000 euros. Le prix d’une Ford Focus a progressé de près de 25%, tout comme celui d’une Fiat Tipo ou d’une Renault Mégane. Même chose pour les prix des nouveaux modèles de ces marques car ce sont ceux pour lesquels les délais de livraison sont les plus longs. C’est précisément dans le segment moyen, qui représente normalement le plus gros volume, que l’augmentation des prix est la plus forte”.
Comment expliquer cette hausse? Les marchés du neuf et de l’occasion sont des vases communicants. Lorsque les clients doivent attendre trop longtemps pour une nouvelle voiture, ils cherchent des alternatives du côté de l’occasion. Le problème est que là aussi, l’offre se détériore. D’une part parce que les contrats de location sont prolongés sur le marché des voitures de société qui constitue généralement une source d’approvisionnement importante pour le marché de l’occasion. D’autre part parce qu’en règle générale, le personnel a parcouru moins de kilomètres pendant la pandémie. La demande est particulièrement forte pour les SUV relativement récents, de préférence avec un moteur à essence.
Les sociétés de location de voitures constituaient une seconde source d’approvisionnement non négligeable, surtout pour les petites voitures. “Aujourd’hui, l’offre est très rare, analyse Ivo Willems, co-CEO de Cardoen. La Renault Clio et la Fiat 500, voilà typiquement les modèles que les sociétés de location proposent pour les vacances. Ces voitures se louent à proximité des aéroports. A la fin de la saison estivale, elles arrivent sur le marché de seconde main. Mais avec le covid, elles n’ont pas été utilisées par les touristes et n’ont pas non plus atterri sur le marché de l’occasion.”
Joost Huys et sa société Dex ont déjà adapté leur offre. “Notre stock commence à remonter. Mais le nombre de voitures proposées sur le marché de l’occasion en général n’a évidemment pas progressé. Nous avons donc élargi notre offre. Jusqu’à l’année dernière, nous vendions principalement des voitures qui avaient en moyenne un an et demi et 25.000 kilomètres au compteur. Aujourd’hui, elles ont quatre à cinq ans, et 80.000 à 90.000 kilomètres”.
L’impact de l’Ukraine
Combien de temps la hausse va- t-elle encore durer? “C’est un peu ma crainte, admet Joost Huys. Nous continuons à faire de bonnes affaires, mais jusqu’où le consommateur nous suivra-t-il? Depuis deux mois, nous voyons clairement la demande baisser. Dans la plupart des cas, les particuliers achètent à crédit. En moyenne, ils versent 200 à 300 euros pour le remboursement d’un emprunt pour une voiture. Cette somme est maintenant consacrée en grande partie à la facture énergétique, qui a fortement augmenté.”
Chez Cardoen, Ivo Willems ne constate pas encore de baisse des ventes. “Mais je crains le pire s’il s’avère que la facture énergétique augmente de 300 euros par mois. Peut-être que les répercussions doivent encore venir, une fois que les consommateurs auront reçu leur facture de régularisation. Le particulier dépense aujourd’hui 20.000 euros en moyenne pour une voiture. En novembre dernier, ce montant était encore de 18.500 euros.”
Cardoen remarque d’ailleurs déjà un impact direct de la guerre en Ukraine. “Les voitures vendues par les particuliers eux-mêmes ont vu leur prix augmenter ces deux dernières années, en parallèle avec l’accroissement des prix sur le marché de l’occasion. La valeur résiduelle oscillait entre 2.000 et 8.000 euros. Ces voitures qui pouvaient avoir jusqu’à huit ans étaient ensuite vendues en Europe de l’Est. Dans les pays baltes, en Pologne, en Roumanie… A cause de la guerre, ce marché est complètement au point mort. Du coup, le prix que l’on peut obtenir pour sa propre voiture a chuté. Les véhicules estimés il y a trois mois n’ont plus la même valeur. Ces voitures plus anciennes ont retrouvé leur niveau de prix d’il y a deux ans.”
Le diesel… pas très vert mais pas cher
Est-ce qu’il y a encore de bonnes affaires à faire sur le marché de la seconde main? “Achetez une diesel d’occasion avec norme Euro 6 plutôt qu’une essence, conseille Filip Rylant, de la fédération sectorielle Traxio. Ces moteurs sont économiques et propres et ils seront encore longtemps autorisés dans les zones à faibles émissions. Le diesel est dans le creux de la vague. Sa part de marché qui ne cesse de diminuer en est aussi la preuve. Toutefois, il est encore possible de trouver des diesels d’occasion intéressants.”
Joost Huys recommande lui aussi les voitures diesels. “Le diesel reste un bon produit qui a été diabolisé à tort. Du coup, il est un peu moins cher que la version essence. Ce qui n’empêche pas le consommateur de se poser des questions. Pour ceux qui font beaucoup de kilomètres, le diesel demeure une bonne option. L’autonomie des voitures électriques reste quand même un problème quand on parcourt de longues distances.”
Depuis le début de l’année, le diesel reprend du poil de la bête.
Alors que l’année dernière, une diesel affichait encore un prix inférieur à celui d’une essence, la tendance est aujourd’hui à l’équilibre.
Des voitures électriques chères
Quelle chance un particulier a-t-il de trouver une voiture hybride ou électrique sur le marché de l’occasion? La part des électriques progresse mais elle reste minime
La part de marché des voitures hybrides et électriques a atteint un peu plus de 5% dans les deux premiers mois de 2022 (100% électriques, à peine 1,3%). Pourtant, du côté des véhicules neufs, la part de marché de ce segment est déjà supérieure à 40%. “Les voitures hybrides et électriques étant relativement récentes, leur présence sur le marché de l’occasion est encore limitée, souligne Filip Rylant de Traxio. Les pionniers dont des modèles sont maintenant vendus sur le marché de seconde main sont notamment Tesla, Renault et Nissan. Une Tesla est très chère, même d’occasion. En outre, les premiers modèles présentent le désavantage d’avoir une autonomie assez limitée. Cela s’améliorera fort probablement à l’avenir. De plus en plus de véhicules électriques sont immatriculés aujourd’hui. Il y a toutefois un bémol: ces immatriculations concernent actuellement des voitures dont le prix est plutôt dans la fourchette supérieure. Mais d’expérience, nous savons que les voitures électriques conservent une valeur résiduelle assez élevée. Cela s’explique entre autres par le fait que les batteries restent efficaces. Et ce sont surtout les modèles avec une bonne autonomie qui gardent leur valeur.”
Ivo Willems de Cardoen fait lui aussi ses comptes. “Plus de 90% des voitures électriques sont dans la tranche de 40.000 à 50.000 euros. Rares sont les particuliers qui dépensent autant pour une voiture d’occasion. Par exemple, une Tesla S est retirée de la location après trois à quatre ans. Il nous arrive très exceptionnellement de trouver des Tesla 3 mais ce modèle n’est pas bon marché non plus. Nous n’avons pas encore vendu d’Audi e-Tron d’occasion. Par contre, il y a parfois des Renault Zoe, qui présentent toutefois l’inconvénient d’avoir un rayon d’action limité, surtout quand il s’agit des anciens modèles. Il est difficile de vendre les modèles les plus petits.”
Cinq conseils pour l’achat d’une voiture d’occasion
1. Choisissez en fonction de vos besoins. Filip Rylant, de la fédération du secteur de la mobilité Traxio, remarque que certains clients exagèrent: “Ils n’achètent une grande voiture que pour partir en vacances pendant deux semaines, dit-il. Il faut évaluer son utilisation quotidienne et adapter son véhicule en fonction. Mieux vaut peut-être acheter une voiture plus petite et en louer une plus grande pour les vacances”.
2. Connaissez ce que vous achetez. D’après Filip Rylant, il vaut mieux s’adresser à un revendeur profes- sionnel. “Demandez en outre l’utilisation du bon de commande Traxio. La voiture est contrôlée sur 113 points, vous bénéficiez d’une garantie de conformité, et en cas de problème ultérieur, vous pouvez faire appel à la Commission Conciliation Automoto ( agréée par le SPF Economie, Ndlr). Soyez particulièrement méfiants avec les ‘faux particuliers’ qui revendent des voitures d’occasion sans être enregistrés comme garagistes. Ils vendent donc sans la moindre garantie.”
3. Le nombre de kilomètres est important. Ivo Willems, co-CEO de Cardoen, souligne lui aussi l’importance de bénéficier de garanties. “Mieux vaut aussi que cette voiture n’ait pas parcouru trop de kilomètres. Ces derniers sont plus déterminants pour le prix que l’âge du véhicule. Une voiture de cinq ans qui n’a que 40.000 kilomètres au compteur peut donner le sentiment d’être comme neuve. Ce qui n’est pas du tout le cas d’une voiture qui a parcouru 100.000 à 150.000 kilomètres. Ne soyez donc pas obsédés par l’âge. Privilégiez la voiture d’une personne de plus de 60 ans qui, en général, sera restée principalement garée devant la porte et n’aura pas beaucoup roulé.”
4. Ne dépensez pas trop. Chez Cardoen, le particulier dépense aujourd’hui 20.000 euros en moyenne pour une voiture. Ce montant est dû à la hausse des prix car, en novembre dernier, il était encore de 18.500 euros. “Un tiers de nos clients achètent leur voiture à crédit, note le co-CEO Ivo Willems. Avec un remboursement sur cinq ans, cela représente une moyenne de 300 à 350 euros par mois. Raison pour laquelle les particuliers achètent très rarement des voitures plus onéreuses. Pour un véhicule de 50.000 euros, le remboursement moyen s’élève à 800 euros par mois.”
5. Profitez des avantages fiscaux. Le particulier paye moins de taxes sur la mise en circulation d’une voiture d’occasion que sur celle d’une voiture neuve. Il peut également payer moins de TVA, mais il faut remplir certaines conditions pour qu’elle ne soit calculée que sur une certaine part et non sur le montant total (un calcul assez technique). Quoi qu’il en soit, la TVA est toujours calculée sur le montant total pour une voiture neuve.
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