Mastercard Europe occupe depuis quatre années consécutives la première place de notre classement des plus gros contribuables en matière d’impôt sur les sociétés. Seules dix-neuf entreprises de notre top 50 se rapprochent du taux officiel de 25%. Ainsi, Electrabel a payé un peu plus de 88 millions d’euros d’impôt sur les sociétés sur un bénéfice avant impôts de près de 8 milliards d’euros, soit un taux d’imposition d’à peine 1,11%.
Mastercard Europe est depuis quatre années consécutives le champion de l’impôt sur les sociétés. L’entreprise, située à Waterloo, gère notamment les transactions électroniques. Elle a toutefois payé moins d’impôt sur les sociétés qu’en 2023. À l’époque, plus de 527 millions d’euros avaient été versés à l’État. Mastercard Europe a certes vu son chiffre d’affaires grimper en flèche l’année dernière pour atteindre près de 8,3 milliards d’euros, mais ses bénéfices ont diminué. Dans le rapport annuel, le conseil d’administration décrit 2024 comme « une année difficile ».
Mastercard
Et pourtant, les consommateurs ont continué à dépenser, grâce à la hausse des salaires et à la pénurie sur le marché du travail. Rien qu’en Belgique, plus de 10 millions de cartes Mastercard sont utilisées. « Nous sommes profondément liés à l’économie et à la société belges. Mastercard est stratégiquement implantée en Belgique depuis 1965, avec notre siège européen à Waterloo », réagit la porte-parole Florence Cooreman.
« Depuis ce site, nous coordonnons nos activités dans toute l’Europe, avec des centaines d’employés qui travaillent sur des innovations révolutionnaires dans le domaine des technologies financières et de la cybersécurité. En Europe, plus de 900 millions de cartes Mastercard sont en circulation. Nos solutions de paiement fiables et sécurisées facilitent la vie quotidienne des citoyens et des PME. Grâce à notre Centre pour la croissance inclusive, nous avons déjà aidé plus de 4,6 millions de PME européennes dans leur transformation numérique. De plus, grâce au Strive Innovation Fund de 4,5 millions d’euros, nous avons soutenu plus de dix start-ups européennes qui développent des solutions pour les petites entreprises. » (Lire la suite sous le classement).
Les entreprises qui paient le plus d’impôt sur les sociétés en Belgique :
Impôt payé (en euros) / Résultat avant impôt / Taux d’imposition

2024 a surtout été l’année de la pharma. Pas moins de quatre entreprises de notre top 5 sont actives dans ce secteur. Elles soulignent une fois de plus l’importance cruciale de la pharmacie pour la prospérité de la Belgique. Ces quatre entreprises représentent 16.000 emplois et un chiffre d’affaires cumulé de 35 milliards d’euros. La cinquième, J.C. General Services, est la banque interne du géant pharmaceutique américain Johnson & Johnson. Une autre filiale, Janssen Pharmaceutica, occupe la troisième place.
Un cocktail d’atouts explique le succès du secteur pharmaceutique : la bonne situation géographique de la Belgique, ses universités et ses hautes écoles, et bien sûr les incitants fiscaux. Car les trois premières entreprises ne paient pas, loin s’en faut, les 25% officiels d’impôt sur les sociétés. GlaxoSmithKline Biologicals (GSK), à Rixensart et à Wavre, a pu déduire plus d’un milliard d’euros de revenus provenant de brevets. Pour Janssen Pharmaceutica, ce sont surtout la déduction pour innovation (833,5 millions d’euros) et la déduction pour investissement (697,5 millions d’euros) qui ont allégé la charge fiscale.
Le numéro quatre est UCB Pharma. L’entreprise d’Anderlecht est la seule de notre top dix à être contrôlée par des propriétaires belges. La filiale de la société cotée en bourse UCB a pour actionnaire majoritaire la famille Janssen, une famille d’industriels aristocratiques.
Milliardaires français et avantages fiscaux belges
Le numéro six est Pilinvest Investissements. Derrière ce holding se cache le milliardaire français Bernard Arnault. Il est l’actionnaire majoritaire du groupe de luxe LVMH. Le conglomérat coté en bourse gère des marques de mode telles que Louis Vuitton et Christian Dior, les champagnes Moët et Veuve Cliquot et les bijoux Tiffany. 2024 a été une bonne année pour la-e holding située avenue Louise à Bruxelles, notamment grâce à 357 millions d’euros de revenus financiers exceptionnels.
« Le régime fiscal belge des holdings est attractif pour les Français », explique Luc De Broe, spécialiste en droit fiscal et professeur émérite à la KU Leuven. « Il existe une exonération totale pour les dividendes et les plus-values sur les actions des sociétés européennes et non européennes. Ce régime est potentiellement plus avantageux que le régime français. De plus, les frais de financement peuvent être déduits des revenus imposables, comme les rémunérations des dirigeants. Et nous savons que de nombreux industriels français fortunés résident en Belgique. Ils ont fui l’impôt français sur la fortune et la fiscalité peu favorable aux riches. »
Le holding de Bernard Arnault a subi l’année dernière un taux d’imposition de 39,51%, bien supérieur au taux officiel de 25 %. Entre autres, la moins-value sur les investissements n’était pas déductible fiscalement chez Pilinvest Investissements.
Plus de 27%
Dans le top 50, neuf sociétés paient plus de 27%. Le champion est le numéro dix, avec un taux d’imposition de 149,45%. Wyre est une collaboration entre Telenet (66,8%) et le gestionnaire de réseau Fluvius (33,2%). Wyre investit dans l’internet ultra-rapide. D’ici 2030, Telenet injectera à elle seule 2 milliards d’euros dans cette infrastructure. La création de la société Wyre en 2023, via l’apport d’actifs d’infrastructure câblée, a généré 3,7 milliards d’euros de revenus exceptionnels pour Telenet. Ce bénéfice résulte d’une réévaluation de la valeur comptable de l’infrastructure existante à sa valeur de marché. « Cette réévaluation a été distribuée en tout ou en partie à l’actionnaire sous forme de dividende. Et ce qui a été distribué est imposable », explique Luc De Broe. Le bilan de Wyre pour l’exercice 2024 fait état d’un montant de 273 millions d’euros lié à la réévaluation qui n’a pas pu être déduit fiscalement.
Banques et assurances
Impôt payé (en euros) / Résultat avant impôt / Taux d’imposition


Electrabel paie 1,11%
Dans notre top 50, seules 19 entreprises paient un impôt sur les sociétés compris entre 23 et 27%. Avec un taux d’imposition de seulement 1,11%, Electrabel est le contribuable de notre liste qui paie l’impôt le plus bas, en termes relatifs. La société d’énergie a enregistré un bénéfice net de pas moins de 7,85 milliards d’euros. Cela s’explique principalement par des revenus financiers de 6,82 milliards d’euros, principalement des dividendes de filiales. Ces montants avaient déjà été imposés auparavant auprès des filiales.
Les montants déjà imposés auprès des filiales expliquent également le taux d’imposition très bas de 1,19% chez Esteé Lauder. Le groupe cosmétique américain coté en bourse a une activité importante dans notre pays, à Westerlo. Il y emploie plus de 1.100 personnes. Sur le bénéfice avant impôts de plus de 3 milliards d’euros, 2,9 milliards d’euros ont été déduits fiscalement, en tant que dividendes déjà imposés auprès des filiales.
Google aussi paie des impôts en Belgique
Notre liste comprend également des entreprises qui ont subi des pertes, mais qui ont tout de même payé des impôts. La société cotée en bourse bpost a certes enregistré un bénéfice d’exploitation l’année dernière, mais elle a subi une forte dépréciation de la valeur de sa filiale américaine Radial. Cette dépréciation n’est pas déductible fiscalement. D’où un impôt sur les sociétés de plus de 33 millions d’euros.
Crystal Computing est un nouveau venu remarquable. L’entreprise est beaucoup plus connue sous son nom commercial Google Technology Belgium. Crystal Computing est le célèbre centre de données situé à Saint-Ghislain. Début octobre, Google a annoncé qu’il allait investir 5 milliards d’euros supplémentaires dans une extension jusqu’en 2027. Cela porte le montant total des investissements à 11 milliards d’euros. Le hub de Saint-Ghislain a démarré en 2007 et a été le premier centre de données de Google en dehors des États-Unis. Crystal Computing affiche un bilan total impressionnant de plus de 4 milliards d’euros et a réalisé un chiffre d’affaires de 773 millions d’euros l’année dernière.