Vers la fin des “super-pouvoirs” des développeurs?

Elon Musk
Stijn Fockedey Stijn Fockedey est rédacteur de Trends

En licenciant massivement, Elon Musk a brutalement pris la main sur le personnel de Twitter. Les développeurs, une des professions les plus choyées au monde, se sont également pris des coups. C’est le signe avant-coureur d’un conflit social dans la Silicon Valley. Un conflit qui se fait sentir ailleurs également. La suppression de privilèges, tels les avantages du régime fiscal des droits d’auteur, pour les développeurs en Belgique, sont déjà un moyen de mettre un frein au pouvoir de ces employés.

La série de licenciements, qui a eue lieu chez Twitter, est peut-être un signe avant-coureur que la position confortable des développeurs informatiques appartiendra bientôt au passé. Avant qu’Elon Musk ne prenne le contrôle de Twitter en novembre de cette année, 7 500 personnes travaillaient sur le site du réseau social. Aujourd’hui, il y en a moins de 3 000. Musk a également mis une forte pression sur les employés restants : le télétravail est largement supprimé, les longues heures de travail deviennent la norme, les développeurs doivent pouvoir prouver qu’ils sont suffisamment productifs, etc. Twitter a dû redevenir “hardcore”, selon M. Musk, et le réveil est difficile pour ces employés qui avaient l’habitude d’être dorlotés.

Bien sûr, Twitter est un cas d’espèce. Elon Musk devait transformer l’entreprise, légèrement déficitaire, en cash machine. Chaque année, Twitter devait trouver plus d’un milliard de dollars pour rembourser certaines de ses dettes. Mais le problème est la stratégie de Musk pourrait être imitée dans d’autres entreprises.

La vague massive licenciements et surtout sa rapidité a rendu impossible toute réorganisation des employés. D’autant plus que parmi les “remainers”, on compte une grande proportion de travailleurs migrants munis de visas spéciaux. S’ils perdent leur emploi, ils doivent trouver un nouvel employeur dans les 60 jours, faute de quoi ils seront expulsés du pays. Musk exploite parfaitement les faiblesses de sa main-d’oeuvre. Il ne fait aucun doute que les CEO d’autres entreprises technologiques de la Silicon Valley observeront de très près comment il s’en tire.

Diviser pour mieux régner

Il est un fait certain que le haut management des entreprises technologiques américaines est très doué pour limiter le pouvoir de leurs employés, et ce par le biais d’une stratégie de division et de récompenses. Par exemple, en accordant des privilèges de manière sélective. Ils aiment déballer au monde extérieur la nourriture gratuite, les massages et les bureaux luxueux. Mais ils disposent d’une armée de travailleurs temporaires par le biais d’agences externes qui ne bénéficient pas de tous ces avantages.

Ces avantages sont réservés à l’élite de leur personnel, dont de nombreux développeurs. Ils sont convoités par la concurrence et peuvent donc rapidement être débauchés. C’est pourquoi les développeurs de la Silicon Valley ont des salaires annuels de plus de 100 000 dollars et sont rémunérés en partie par des stock-options, en plus de bénéficier d’un environnement de travail luxueux.

En Belgique, c’est un peu moins extrême, mais cette philosophie s’est infiltrée chez nous aussi. Le fait d’avoir pu bénéficier, durant un temps, des avantages du régime fiscal des droits d’auteur était une façon de donner une prime à une profession qui pouvait aisément trouver du travail ailleurs.

Mais maintenant, Musk et ses collègues de la Silicon Valley se vantent de les avoir obligés à faire profil bas. La crise économique, par exemple, a entraîné des séries de licenciements sans précédent et il y a un gel des embauches chez les géants technologiques pourtant parmi les plus rentables des États-Unis.

Les développeurs sont les ouvriers de l’auto du XXIe siècle

La programmation se résume de moins en moins à l’écriture manuelle du code – le fameux écran à fond noir avec des lettres vertes qui défilent, comme dans les films hollywoodiens. À sa place, on travaille avec des blocs Lego numériques. Dans les systèmes à faible code, des morceaux de code informatique, prêts à l’emploi, sont simplement combinés. À plus long terme, l’intelligence artificielle prendra le relais aussi.

Ces dernières semaines, le logiciel ChatGPT, qui, par coïncidence, est également un projet dont Elon Musk est le cofondateur, fait fureur sur l’internet. Sur la base d’instructions courtes, une intelligence artificielle peut produire les textes les plus divers, des recettes aux poèmes en passant par les articles d’actualité et … code de programmation. Cela aussi exercera une pression sur la demande en développeurs, en particulier dans les emplois plus en bas de l’échelle.

Les développeurs sont les ouvriers de l’automobile du XXIe siècle. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’emplois stables, parfois si bien rémunérés qu’ils permettent de faire vivre une famille en tant que seul soutien. Il s’agit également d’emplois relativement accessibles, contrairement à ceux des dockers ou des avocats, par exemple. La grande différence avec les travailleurs de l’automobile ou d’autres secteurs industriels est qu’ils ne se sont jamais vraiment organisés, mais il est vrai qu’ils ont peu besoin des syndicats pour défendre leurs intérêts étant donné qu’ils sont traqués par les chasseurs de têtes. Au lieu de faire grève, ils changent simplement d’emploi. Mais pendant combien de temps auront-ils ce pouvoir économique ? C’est ce qu’Elon Musk est en train de le tester !

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