Véronique Visconti, fondatrice de Life Cover : “C’est frustrant de voir que mon projet est bloqué à cause de mon statut”
Véronique Visconti est la maman de Nicolas, un jeune homme âgé de 25 ans atteint d’autisme. En 2021, elle a lancé Life Cover, une pochette contenant des informations essentielles sur la santé des personnes qui la portent. Cette « mompreneuse » retrace pour Trends Tendances l’évolution de son produit et les obstacles à son développement.
Expliquez-nous votre concept, à quels groupes cibles est-il destiné ?
La pochette Life Cover de couleur orange vif se fixe facilement avec un scratch velcro sur une ceinture de sécurité, un cadre de vélo, une poussette ou encore sur la bretelle d’un sac à dos. Elle contient des informations essentielles sur la santé de la personne qui la porte ainsi que des numéros d’urgence. Elle n’a pas été conçue uniquement pour les personnes handicapées, mais pour toute personne qui a besoin d’une attention particulière : les personnes diabétiques, épileptiques, malvoyantes ou atteintes de la maladie d’Alzheimer,…Son objectif est double : permettre aux personnes fragilisées d’être au mieux prises en charge, mais aussi faciliter le travail des secouristes.
Vous n’étiez pas entrepreneuse à l’origine. Comment l’idée de Life Cover est-elle née ?
En effet, je ne viens pas du tout du monde entrepreneurial. J’ai toujours travaillé dans le secteur du bâtiment. Mais il y a trois ans, j’ai eu l’idée de créer ce projet en tant que maman d’un enfant porteur de handicap. Mon fils est autiste et ne parle quasiment pas. J’ai souvent pensé à ce qui pourrait se passer si nous avions un accident de voiture et que je perdais connaissance. Comment les secouristes pourraient-ils gérer la situation sans connaître son handicap ? C’est de cette inquiétude qu’est née l’idée de créer une pochette bien visible et facilement accessible contenant toutes les informations vitales. Me lancer dans cette aventure entrepreneuriale a été un grand point d’interrogation pour moi, surtout que je savais que cela nécessiterait un investissement en temps et en argent.
Comment avez-vous développé votre produit et qu’est-ce qui vous a décidé à vous lancer ?
J’ai d’abord pris le temps de discuter longuement de mon idée avec des professionnels, notamment des pompiers, pour recueillir leurs avis éclairés. Le jour où un responsable des pompiers m’a dit qu’il trouvait incroyable que ce produit n’existe pas encore, cela a été le déclic. J’ai décidé de me lancer. Bien sûr, cela n’a pas été simple. J’ai dû investir des fonds propres notamment pour la création d’une boutique en ligne. J’ai utilisé la structure de la société de mon mari pour éviter de créer une nouvelle entité et d’engendrer des frais supplémentaires. Aujourd’hui, trois ans plus tard, le produit commence à se développer, même si cela reste un challenge permanent.
Votre projet, à l’origine assez simple, s’est développé au fur et à mesure des besoins rencontrés depuis sa création. Quels sont les autres publics concernés par Life Cover ?
À l’origine, le produit était pensé pour des personnes comme mon fils, ayant des handicaps ou des maladies non visibles. Mais en discutant avec des professionnels et en observant les besoins, j’ai réalisé qu’il pouvait également être utile à d’autres profils : les sportifs, les cyclistes, les randonneurs, les traileurs, ou encore, les motards. En cas d’accident, il est important que les secouristes puissent accéder rapidement aux informations essentielles. Le produit a donc évolué pour répondre à des besoins variés, toujours dans l’idée de rendre les informations médicales critiques visibles et accessibles.
Produire en Chine serait moins cher, mais pour moi, il était essentiel de proposer un produit éco-responsable et de soutenir la production locale.
Vous n’avez pas recours à la production en Chine malgré des coûts moindres. Pourquoi ce choix ?
J’ai tenu à ce que les pochettes soient fabriquées en Europe pour plusieurs raisons. Je voulais garantir la qualité du produit et pouvoir suivre de près la production. C’était aussi une question de valeurs. On m’a souvent dit que produire en Chine serait moins cher, mais pour moi, il était essentiel de proposer un produit éco-responsable et de soutenir la production locale.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors du lancement de votre produit ?
Le plus grand défi a été de le faire connaître, surtout au niveau des structures administratives et des pharmacies. J’ai également rencontré des obstacles pour obtenir des parutions dans les magazines des différentes mutuelles parce que mon produit est considéré comme commercial. Comme je ne suis pas constituée en une ASBL, je n’ai pas non plus droit à certaines aides. Cela est très frustrant car je suis convaincue que Life Cover apporte une vraie valeur ajoutée à la société en matière de sécurité et de prévention. Je ne vends pas cette pochette pour en retirer du profit même si je veux évidemment rentrer dans mes frais.
Avez-vous envisagé de créer une ASBL pour faciliter l’accès à certaines aides ?
On me l’a souvent suggéré, mais cela impliquerait de créer une nouvelle structure avec des frais supplémentaires, alors que je préfère consacrer mon temps et mon budget pour développer le produit et établir des partenariats. Je comprends que les petites ASBL ont besoin de ces aides, mais c’est frustrant de voir que mon projet est bloqué à cause de mon statut.
Quelle est la prochaine étape pour Life Cover ?
J’ai en tête un nouveau modèle encore plus compact, spécialement pensé pour les sportifs ou les personnes en mouvement. Mais avant de le lancer, je dois encore discuter avec les personnes concernées pour m’assurer qu’il y a une vraie demande. Ce produit, bien qu’il ait évolué depuis son lancement, est toujours en développement constant pour mieux répondre aux besoins de ceux qui pourraient en avoir besoin.
Pour conclure, que retirez-vous de cette expérience d’entrepreneuse ?
Au début, c’était surtout une nécessité personnelle qui m’a poussée à créer Life Cover. Aujourd’hui, je me rends compte que j’aime vraiment cet aspect entrepreneurial. C’est enrichissant, humainement parlant, de rencontrer des personnes qui soutiennent votre projet et de savoir que votre produit peut réellement faire la différence dans des situations critiques. Avec l’espoir que la personne qui porte la pochette ne doive jamais l’utiliser…
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici