Univers Drink, 0% d’alcool, 40% de croissance
Fondée il y a 11 ans, la société wallonne Univers Drink, qui produit des mousseux, vins, cocktails et gins sans alcool, a connu une année 2020 exceptionnelle. Son plus grand défi aujourd’hui est d’élargir sa base de clients alors que la concurrence sur le marché de l'”alcohol free” se fait de plus en plus forte.
On le sait: la crise que nous traversons agit comme un accélérateur de business dans certains secteurs. C’est le cas de la vente de boissons festives non alcoolisées. Les vins et autres cocktails sans alcool – les fameux mocktails – ont en effet connu une année 2020 exceptionnelle. Le segment, de plus en plus tendance, affichait déjà une croissance à deux chiffres ces dernières années. Il a aujourd’hui explosé.
Derrière ces breuvages à la popularité croissante, on trouve bien évidemment les grands alcooliers/brasseurs qui ont décidé de se diversifier et d’activer un nouveau levier de croissance. Mais des entreprises belgo-belges sont également à l’affût. La société liégeoise Univers Drink a même pour particularité de ne faire que cela depuis sa création il y a 11 ans. Chez elle, pas une goutte d’alcool. Et ça marche! Celle qui produit des pétillants, vins, cocktails et gins sans alcool sous les marques Night Orient, Vendôme Mademoiselle, Vina’0° et Ginzero, a enregistré l’an dernier une hausse de 40% de son chiffre d’affaires, contre environ 20% les années précédentes. L’entreprise wallonne a dépassé pour la première fois le seuil du million de bouteilles écoulées.
Le défi d’Univers Drinkpour 2021? Entrer aux Etats-Unis avec sa gamme bio, même si cela semble bien plus facile à dire qu’à faire.
Son administrateur délégué, Arnaud Jaquemin, explique ce succès par plusieurs facteurs. Il y a tout d’abord le fait que ses produits soient principalement vendus dans la grande distribution, à 95%. “Nous y avons enregistré une forte rotation des ventes pendant le confinement”, dit-il. C’est le segment des cocktails – avec ou sans alcool – qui a connu la plus forte croissance durant cette période, ce qui a forcément eu un effet positif sur les ventes de l’entreprise. “Beaucoup d’ e-apéritifs ont été organisés, souligne notre interlocuteur. Les gens ont aussi consommé au sein leur famille restreinte, et puis il y a également toute une catégorie de consommateurs qui ne boivent pas (ou peu) d’alcool en temps normal, qui ont accru leur consommation pendant le confinement et ont par ailleurs découvert les boissons festives non alcoolisées pour ne pas boire de l’alcool tous les jours.”
La tendance au “moins”
Autre explication de ce boom des ventes en 2020: l’attention portée à leur santé par un nombre toujours plus important de clients. “L’OMS a rappelé que la consommation d’alcool affaiblissait l’immunité et augmentait la vulnérabilité par rapport aux maladies contagieuses, précise Arnaud Jaquemin. Les gens ont donc fait de plus en plus attention à leur manière de s’alimenter. Il y a quelques années, nous étions dans la tendance du ‘plus’ dans les produits: plus de vitamines, etc. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Il faut ‘moins’: moins de pesticides, moins de sucre, etc. Le ‘moins d’alcool’ n’échappe pas à la règle. Dans ce climat de coronavirus où l’attention est d’autant plus portée sur la santé, les consommateurs ont donc été beaucoup plus enclins à consommer des boissons sans alcool.”
Le patron d’Univers Drink n’entend toutefois absolument pas opposer les consommateurs d’alcool et les personnes qui n’en boivent jamais. “Cette opposition n’a plus lieu d’être, insiste-t-il. Il y a bien évidemment des gens qui ne boivent jamais d’alcool et qui consomment régulièrement nos produits, mais nous constatons surtout que des clients qui consomment d’habitude de l’alcool font de plus en plus souvent une exception pour consommer un cocktail sans alcool. Il y a clairement un changement qui s’est opéré dans les mentalités. Cela est devenu tendance de boire sans alcool. Aujourd’hui, les gens qui boivent des boissons sans alcool s’affichent fièrement. Après, ce n’est pas pour cela qu’ils vont en boire tout le temps ou même pendant toute une soirée. Ils peuvent très bien alterner.”
La stratégie de l’entreprise, que ce soit en termes de pays d’exportation ou de gamme de produits, n’est à cet égard pas du tout anodine. Il faut toucher les amateurs de degrés! “Plus la culture d’alcool est forte dans un pays, plus les substituts y auront du succès, explique Arnaud Jaquemin. C’est ainsi que, a priori curieusement, nous vendons pas mal de nos boissons dans les pays d’Europe de l’Est.” Concernant la gamme proprement dite et pour toucher ces consommateurs hybrides qui lèvent le pied de temps en temps, l’idée est de créer des produits qui ressemblent à l’alcool, tant au niveau du packaging que du goût. Notre interlocuteur ne s’en cache pas: “Le but, quand on ouvre une bouteille de cocktail ou de champagne sans alcool, est de se dire que c’est bluffant! Il s’agit de recréer les boissons les plus complexes possibles. En termes de goût, il faut retrouver des similitudes avec des cocktails ou des vins existants. Il manque évidemment la chaleur en bouche qui est apportée par l’alcool mais le plaisir gustatif doit être le même que la boisson alcoolisée .” Dans sa gamme de mocktails, Univers Drink propose de fait des substituts à différents cocktails célèbres tels que le mojito, le Bellini, le spritz, le margarita ou encore la caïpirinha. Sa gamme de vins est quant à elle composée d’un merlot, d’un chardonnay et d’un tempranillo.
En chiffres
- 4 marques (Night Orient, Vendôme Mademoiselle, Vina’0°, Ginzero)
- 40 références
- 15 collaborateurs
- 3 actionnaires (Arnaud Jaquemin, Rachid Gacem, Noshaq)
- Une production externalisée dans 3 usines (Belgique, Allemagne, Espagne)
- 1 entrepôt à Verviers
- 25 pays de distribution
- Plus d’ 1 million de bouteilles par an
Elargir sa clientèle
Le nombre de références proposées n’a cessé d’augmenter depuis la création de l’entreprise en 2009. Le groupe liégeois en propose aujourd’hui 40. “Lorsque nous avons démarré avec mon collègue Rachid Gacem il y a 11 ans, nous n’avions qu’un seul produit: le mousseux demi-sec Night Orient”, explique Arnaud Jaquemin. L’entreprise lancera assez rapidement, mais prudemment, sa gamme de vins. C’est qu’il fallait tâter le terrain… “A l’époque, quand je disais que je faisais du vin sans alcool, les gens ne comprenaient pas le concept. Ils ne savaient même pas que cela existait.”
Il y a quatre ans, les équipes décident de lancer une deuxième marque à côté de Night Orient: Vendôme Mademoiselle. Une déclinaison bio des mousseux et vins proposés depuis les débuts. Parallèlement sont mis sur le marché les fameux mocktails plats et pétillants afin de toucher une autre clientèle. “Avec nos vins et mousseux, nous touchions plutôt une clientèle de plus de 40 ans qui souhaite consommer moins ou plus du tout d’alcool pour différentes raisons, explique le patron. Notre gamme de mocktails nous permet de viser des clients plus jeunes auxquels on dit toujours de ne pas consommer d’alcool pour des questions de sécurité routière, etc., et qui ne pouvaient jusqu’à présent se rabattre que sur les softs.”
Afin d’élargir encore sa base de clients – car tout l’enjeu est là pour cette entreprise au positionnement très spécialisé – une nouvelle marque a été créée en 2019: Ginzero. Soit le premier gin belge sans alcool. “Nous nous adressons ainsi à des consommateurs qui aiment les alcools plus forts, à d’autres moments de consommation”, explique notre interlocuteur.
Parallèlement à l’élargissement de sa gamme, l’entreprise wallonne se lance à la conquête de nouveaux marchés. A ce jour, elle écoule ses produits alcohol free dans 25 pays et réalise 40% de son chiffre d’affaires à l’exportation, cela à travers un réseau de distributeurs locaux qui se chargent de démarcher la grande distribution et l’horeca dans chaque pays. Univers Drink est ainsi principalement présent en Europe du Nord, en France, aux Pays-Bas, en Europe de l’Est, en Asie (Japon, Corée, Chine) et au Canada. Son défi pour 2021? Entrer aux Etats-Unis avec sa gamme bio, même si cela semble bien plus facile à dire qu’à faire. “Nous sommes en discussion avec des partenaires sur place mais il y a beaucoup de barrières à l’entrée, explique Arnaud Jaquemin. Une fois que vous y êtes, c’est bon. Il y a des pays plus protectionnistes que d’autres et les Etats-Unis en font partie. Nous espérons voir aboutir les discussions cette année.”
Innovations et horeca
Pour la suite du développement de son entreprise, notre interlocuteur a déjà quelques idées d’innovations, même si la prudence reste de mise. “En quelques années, nous avons sorti beaucoup de nouveaux produits, dit-il. Je pense qu’il faut d’abord asseoir tout ce que nous avons lancé. Maintenant, si nous constatons que les tendances se confirment pour tout ce qui est pendants des alcools durs comme le gin, il serait possible de faire du whisky sans alcool. En gros, tout ce qui est avec alcool est potentiellement déclinable en boisson sans alcool. Après, il faut voir quelle est la demande des clients. Cela ne sert à rien de développer un produit pour se faire plaisir. Nous avons bien réfléchi à faire de la bière sans alcool mais nous avons décidé de ne pas nous lancer car la bière est gouvernée par des acteurs mondiaux et je pense qu’il est très compliqué de se faire une place. Nous pourrions en revanche élargir notre gamme bio, peut-être faire des cocktails bios. Quoi qu’il arrive, nous élargirons notre gamme de cocktails avec de nouveaux goûts.”
Le responsable compte enfin diversifier ses canaux de distribution et se tourner vers l’horeca. “Nous sommes déjà distribué par Sligro-ISPC (grossiste des professionnels de l’alimentation, Ndlr), mais nous ne sommes pas actifs dans l’horeca comme nous le sommes dans la grand distribution avec des commerciaux qui visitent les supermarchés, etc. Il y a 10 ans, l’horeca ne vendait pratiquement pas de boissons sans alcool. Depuis cinq ans, plusieurs établissements proposent des bières sans alcool, et commencent petit à petit à vendre des mousseux et des mocktails. Ce n’est donc que le début, mais nous comptons bien en être.”
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