TVA sur les livres : le Danemark envisage le 0 %, la Belgique figée à 6 %

Caroline Lallemand

Le Danemark réfléchit à supprimer purement et simplement la TVA sur les livres. Son ministre de la Culture y voit un outil pour rendre la lecture plus accessible dans un pays où les ouvrages sont taxés à 25 %, le taux le plus élevé d’Europe. Le signal politique est fort : considérer un livre comme un bien de première nécessité.

Pour encourager la lecture, le gouvernement danois veut supprimer la TVA sur les livres, actuellement à 25%, a annoncé mercredi le ministre de la Culture, Jakob Engel-Schmidt. “Le gouvernement propose dans son projet de loi de finances de supprimer la TVA sur les livres”, a-t-il dit dans un entretien à l’agence Ritzau. “Nous devons tout mettre en oeuvre pour résoudre cette crise de la lecture qui, malheureusement, se répand ces dernières années”, a expliqué le ministre. Il a précisé que la suppression coûterait 330 millions de couronnes (44,2 millions d’euros) par an à l’Etat.

Garantir l’accès aux livres physiques

Selon le dernier rapport Pisa de l’OCDE, quelque 24% des élèves danois de 15 ans ne maîtrisent pas les compétences minimales pour comprendre et extraire des informations d’un texte simple, une proportion en hausse de quatre points en 10 ans. Les professionnels danois de l’édition sont favorables à cette suppression. Combinée avec “une augmentation des achats publics de livres pour les bibliothèques publiques et scolaires, (elle) pourrait renforcer encore davantage la culture de la lecture et garantir l’accès aux livres physiques pour tous les Danois – à la fois enfants et adultes”, ont-ils écrit dans un rapport remis fin mai au ministre.

De 6 à 9 %, en Belgique ?

Chez nous, le secteur du livre a fortement craint la proposition de « mini-réforme fiscale » du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V) mise sur la table fin juillet 2023. Celle-ci envisageait de relever le taux réduit applicable à certains produits, dont les livres, de 6 % à 9 %, au nom d’une “harmonisation” de la fiscalité. Une pétition, une levée de bouclier des éditeurs, des libraires indépendants et même de la ministre de la Culture avaient dénoncé, à l’époque, une mesure jugée catastrophique pour un marché déjà fragilisé par la hausse des coûts d’impression, des marges faibles et une concurrence frontale avec la France, où la TVA est de 5,5 %, rapporte le site Actualitté.

L’“Arizona”, dans son accord de gouvernement, n’a pas retenu une hausse de la TVA à 9% sur les livres. Mais cette séquence politique met en lumière un constat plus profond : en Belgique, le livre ne fait actuellement pas partie des priorités fiscales. L’idée d’un taux zéro, comme au Danemark ou en Irlande et au Royaume-Uni, reste absente du débat.

La TVA sur les livres en Europe

Zéro TVA : l’Irlande applique ce régime depuis longtemps, tout comme le Royaume-Uni (hors UE) depuis 1973, étendu aux ebooks en 2020.
Super-réduits (≤ 5 %) : Luxembourg (3 %), Italie (4 %), Espagne (4 %), France (5,5 %), Pologne et Grèce (5 %).
Réduits moyens (6-10 %) : Belgique (6 %), Allemagne (7 %), Suède (6 %), Pays-Bas (9 %), Autriche et Finlande (10 %).
Taux élevés : Danemark (25 %), Bulgarie et Roumanie (20 %).
(Sources : European Commission VAT rates 2024).

Dans ce panorama, la Belgique se situe dans la moyenne basse. 6 % est plus favorable que les 9 % néerlandais ou les 10 % autrichiens, mais reste moins généreux que la France, le Luxembourg ou l’Italie.

Une filière des livres fragilisée

Pour les acteurs du secteur belge, maintenir le taux actuel est vital. Selon l’Association des Éditeurs Belges (ADEB), une hausse provoquerait non seulement une baisse des ventes mais aussi un coût logistique lourd lié au réétiquetage de livres importés — alors que 85 % de l’offre francophone provient de France. Les conséquences seraient importantes selon cette carte blanche du conseil d’administration du Syndicat des libraires francophones de Belgique, publiée dans Le Soir. Les librairies indépendantes, dont la marge nette est souvent inférieure à 2 %, seraient en première ligne. Ces librairies ont déjà du mal dans le contexte actuel à garder la tête hors de l’eau.

Un manque de vision politique

Si la menace d’une augmentation de la TVA est passée en Belgique, l’épisode révèle surtout un manque de vision politique. Là où certains pays utilisent la TVA comme levier culturel, la Belgique gère le livre comme un simple produit de consommation à taux réduit. En théorie, rien n’empêche la Belgique de suivre les pas du Danemark en abaissant drastiquement la TVA sur les livres. La directive européenne révisée en 2022 donne en effet toute latitude aux États membres pour appliquer un taux de TVA réduit, voire un taux de 0 %, sur le livre et d’autres biens culturels. Mais dans les faits, le gouvernement fédéral privilégie l’équilibre budgétaire, et cette piste n’apparaît pas comme une priorité.

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