Travail du dimanche : quels sont vos droits face à l’employeur ?

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Muriel Lefevre
Muriel Lefevre Journaliste multimédias

Votre employeur songe à ouvrir le dimanche. Pouvez-vous refuser et quelles compensations pouvez-vous demander ?

L’ouverture dominicale est devenue la norme dans la grande distribution belge. Après Delhaize et Intermarché, Carrefour vient d’aboutir à un accord historique avec les syndicats : dès le 18 janvier 2026, ses 40 hypermarchés et 43 supermarchés Market ouvriront le dimanche matin de 8h00 à 12h00, s’ajoutant aux quelque 600 magasins franchisés déjà accessibles ce jour-là. Cet accord, qui garantit le maintien de l’emploi et la non-franchise des magasins, fait suite à plusieurs mois de négociations et une dernière réunion de plus de treize heures.

Et on constate que le mouvement s’accélère. Dès le 4 janvier, l’ensemble des supermarchés intégrés Okay rejoindront les magasins du Colruyt Group déjà ouverts le dimanche : Okay City, Okay Direct, les 4 marchés Cru, certains Comarché et plus de 200 magasins Spar. Seuls Aldi, Lidl et les supermarchés Colruyt résistent encore, invoquant un modèle économique incompatible avec cette ouverture. Selon le groupe Colruyt, un client dépense en moyenne 27 euros le dimanche contre 70 euros en semaine dans ses enseignes, rendant l’ouverture dominicale non rentable.

Il n’empêche que l’ouverture le dimanche devient un peu plus la norme, quels sont vos droits si votre employeur vous demande de travailler le dimanche ?

Le principe du repos dominical, inscrit dans la loi sur le travail du 16 mars 1971, demeure la règle en Belgique. Pourtant, la législation prévoit trois niveaux d’exceptions. Le premier découle directement de la loi de 1971, qui autorise certaines activités à déroger au repos dominical : hôtellerie, restauration, soins de santé, spectacles ou journaux bénéficient ainsi d’une exception permanente. La même loi permet également des dérogations lorsque l’exploitation normale de l’entreprise l’exige, notamment pour les travaux de surveillance, d’entretien, de réparation, ainsi que les activités liées à l’e-commerce.

Le deuxième niveau relève des arrêtés royaux sectoriels. Certaines branches d’activité disposent de règles spécifiques, fixant généralement un nombre maximal de dimanches travaillés par an. Ces disparités entre commissions paritaires sont aujourd’hui au cœur du débat.

Le groupe Colruyt comme les syndicats plaident pour une harmonisation et une simplification des commissions paritaires existantes dans le commerce, afin de rétablir des conditions de concurrence équitables en termes de salaires et de conditions de travail. Les syndicats privilégient un accord sectoriel global plutôt que des négociations entreprise par entreprise. Toutefois, l’organisation des supermarchés indépendants averti qu’une telle harmonisation conduirait la moitié des exploitants indépendants à travailler à perte.

Nouveau régime de travail

Enfin, le troisième niveau se situe au niveau de l’entreprise et concerne le “nouveau régime de travail”. Ce système autorise les dérogations à quatre principes fondamentaux du droit du travail que sont la limitation de la durée du travail, l’interdiction du travail de nuit, l’interdiction du travail des jours fériés et l’interdiction du travail du dimanche.  

En pratique, l’entreprise doit entamer des négociations autour de ces exceptions. Elles portent sur toutes les conditions et implications pour la mise en place de ce nouveau régime de travail et généralement avec des compensations pour les travailleurs concernés. C’est précisément ce mécanisme qu’ont utilisé Carrefour et les syndicats pour parvenir à leur accord.

Peut-on vous imposer de travailler le dimanche ?

La réponse dépend de votre situation contractuelle et du cadre dans lequel le travail dominical a été instauré. Lorsque ce dernier s’inscrit dans le cadre d’un nouveau régime de travail négocié, comme c’est le cas chez Carrefour, la dimension volontaire des prestations est généralement privilégiée. L’accord conclu par l’enseigne française prévoit ainsi que les collaborateurs actuels pourront choisir de travailler ou non le dimanche, accompagné de primes incitatives.

Si vous êtes soumis à un horaire variable et que votre employeur communique les plannings sept jours ouvrables à l’avance, l’entreprise peut intégrer le dimanche comme jour prestable après avoir modifié son règlement de travail. Dans ce cas, la prestation dominicale peut vous être imposée, même si les employeurs prévoient généralement des compensations pour atténuer cet inconfort.

La situation diffère pour les salariés à horaire fixe. Si votre contrat prévoit par exemple un temps de travail du lundi au vendredi et que l’employeur souhaite le modifier pour inclure le dimanche, votre accord devient indispensable. L’horaire constitue en effet un élément essentiel du contrat de travail qu’une partie ne peut modifier unilatéralement sans risquer la rupture. En cas d’acceptation, un avenant contractuel devra être signé. Si vous refusez, l’employeur devra trouver d’autres solutions, comme le recrutement de personnel supplémentaire.

A quelles compensations ai-je droit ?

Contrairement à une idée reçue, aucune compensation financière n’est automatique pour le travail du dimanche. La seule obligation légale consiste en un repos compensatoire à prendre dans les six jours suivant la prestation dominicale, sans rémunération supplémentaire.

Toutefois, lorsque les heures travaillées le dimanche s’inscrivent dans l’horaire normal du salarié, de nombreux secteurs ou entreprises accordent des avantages sous forme de sursalaire, de récupération, voire des deux. L’accord de Carrefour illustre cette pratique : les contrats seront étendus à 28 heures pour les employés qui n’en bénéficiaient pas encore, les chèques-repas seront augmentés de 1,50 euro à partir de mars 2026 et des moments de temps libre fixes seront instaurés en échange de la flexibilité demandée. Les magasins ouvriront le dimanche matin de 8 à 12 heures, avec quelques jours d’ouverture complète par an pendant les périodes de fêtes.

Le régime diffère lorsque les heures dominicales s’ajoutent à un temps plein déjà effectué. Dans ce cas, il s’agit d’heures supplémentaires donnant droit à un sursalaire de 100% pour une prestation dominicale, contre 50% pour un jour ouvrable ordinaire, ainsi qu’à une récupération. Selon les secteurs, ces sursalaires peuvent être cumulables avec ceux prévus pour le travail du dimanche, s’additionner ou faire l’objet d’une moyenne. Dans la majorité des cas, aucun cumul n’est appliqué.

Le cas particulier de la distribution

Le secteur de la distribution, au cœur de l’actualité avec les récentes décisions de Carrefour et l’ouverture des magasins Okay dès janvier, bénéficie d’un cadre dérogatoire étendu suite à l’accord gouvernemental.

Les petits commerces alimentaires de moins de cinq salariés, les boucheries, boulangeries ou fleuristes peuvent ouvrir le dimanche sans restriction. Les jardineries et magasins de meubles disposent quant à eux de 40 dimanches autorisés par an, ce quota étant ramené à 39 pour les commerces situés dans les zones touristiques ou balnéaires.

Pour les autres enseignes, trois dimanches complets par an sont autorisés, extensibles à six si un accord sectoriel ou d’entreprise encadre les conditions de travail et de rémunération. Enfin, même sans autorisation spécifique, tout commerce de détail peut employer du personnel le dimanche matin entre 8 heures et midi.

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