Toujours plus de Louyet chez BMW
Grandir, encore et toujours: c’est la loi de la distribution automobile. Une loi respectée par Laurent Louyet, qui vient de racheter les concessions BMW et Mini de Ginion Group. Une exception, car la tendance est plutôt au rachat par des groupes internationaux.
Le cycliste carolo Léon Louyet, qui avait remporté quelques étapes du tour de France en 1933, aurait apprécié l’opération. A 40 ans, son petit-fils Laurent Louyet va sans doute devenir le premier distributeur de voitures BMW et Mini en Belgique en reprenant les concessions de Ginion Group, un autre grand acteur du marché. L’ensemble occupera 550 personnes, contre 370 actuellement, et aura 16 points de vente (BMW, Mini ou BMW motos). La transaction doit encore être approuvée par l’Autorité de la concurrence.
La base de Charleroi
Léon Louyet avait créé un garage BMW au centre de Charleroi en 1959. Il avait 53 ans. Après une carrière de cycliste professionnel – il a remporté le Tour de Belgique en 1932 – il s’était reconverti dans la fabrication de vélos puis la distribution automobile. A l’époque, BMW était bien loin de ce que la marque est devenue. Elle cherchait alors à survivre, à se réinventer. La Belgique comptait moins de 750.000 voitures contre 5,8 millions actuellement. La maison L.Louyet a suivi la croissance du marché de l’automobile, la forte progression de BMW et la renaissance de Mini. Pour les 10 premiers mois de cette année, chose exceptionnelle pour la marque, BMW est même numéro un des immatriculations en Belgique. L’opération fait partie des consolidations qui touchent le marché de la distribution automobile. Vendre des voitures génère des marges de plus en plus faibles, l’après-vente aussi, alors big is beautiful. Les regroupements entraînent des économies d’échelle.
La distribution automobile, c’est comme le cirque, il y a des grandes familles, on se connaît tous. Je préfère signer avec des gens que je connais.” Stéphane Sertang, CEO de Ginion Group
“Laurent a 10 ans de moins que moi. Si j’avais son âge, j’aurais fait la même chose, consolider davantage”, déclare Stéphane Sertang, CEO de Ginion Group, le vendeur. “La mobilité de demain sera intelligente, partagée et responsable”, ajoute-t-il. Stéphane Sertang a, lui aussi, suivi la voie de la consolidation depuis 20 ans. Après avoir repris en 1998 les activités de son beau-père à Wavre – Freddy Ginion avait débuté avec un garage en 1966 -, Stéphane Sertang a construit un groupe. Via des acquisitions à Waterloo et Overijse et après avoir décroché l’importation de Rolls-Royce (qui appartient à BMW) et de McLaren. Ces deux dernières activités pourraient faire partie de la transaction. La négociation est en cours. Ajoutons que Stéphane Sertang a développé deux concessions Ferrrari qui, elles, ne font pas partie de la vente au groupe L.Louyet.
“Stéphane Sertang, que je connais bien, était un précurseur dans la multiconcession”, précise Laurent Louyet. S’il préfère vendre, c’est qu’il a réfléchi à l’avenir de son groupe. “A un certain moment, il faut se poser la question de la succession, explique Stéphane Sertang. On ne fait bien que ce qu’on aime. Les enfants n’étaient pas spécialement intéressés par toutes les activités du groupe. Nous conservons notamment les automobiles de loisirs, les concessions Ferrari à Wavre et Luxembourg, Ginion Classics pour la restauration de véhicules anciens et historiques, et une activité mobilité, qui prend de l’ampleur. Nous nous séparons des activités de distribution.” Y compris, du reste, une concession Volvo que Laurent Louyet ne reprendra pas.
Les familles se connaissent, parents et enfants. “La distribution automobile, c’est comme le cirque, il y a des grandes familles, on se connaît tous”, aime rappeler Stéphane Sertang. “Je préfère signer avec des personnes que je connais”, ajoute-t-il. Car en Belgique, le secteur est de plus en plus la cible du développement de groupes internationaux. Le groupe suédois Bilia a pris de la place dans la distribution BMW et Mini en Belgique, avec Emond à Arlon, Libramont et Luxembourg, et a étendu son empreinte en absorbant Verstraeten à Lochristi (Gand). Le français Pautric, premier distributeur BMW et Mini en France, a quant à lui repris les concessions de Jean-Michel Martin (Woluwe-Saint-Pierre).
Offensives des groupes internationaux
Le monde belge des concessions, historiquement très familial, fait en effet l’objet de rachats par des acteurs internationaux, comme le suisse Emil Frey, les français Car Avenue et RCM dans des marques comme Nissan ou Mercedes. D’Ieteren, importateur des véhicules du groupe VW, a poussé les concessionnaires indépendants de ses marques à se regrouper, en restructurant lui-même ses propres points de vente dans et autour de la capitale.
Chez L.Louyet, le consolidateur est Laurent, qui a intégré l’unique concession de Charleroi en 2001, à l’âge de 21 ans, et a pris la direction du groupe en 2013. Son père et son grand-père, tous deux prénommés Léon, étaient restés centrés sur Charleroi, avec toutefois une première succursale à Sambreville ouverte en 2007. Laurent, lui, a pris le virage d’une consolidation rapide. Outre cette base solide à Charleroi, Laurent a misé sur une extension importante en Wallonie, Bruxelles et un peu la Flandre. Après avoir repris une concession à La Louvière, il a repris A2 Motor à Marcinelle (motos) puis Novauto Mons. Il s’est risqué jusqu’aux portes de Bruxelles, en reprenant une concession à Leeuw-Saint-Pierre, sur la chaussée de Mons.
En 2021, il accélère en reprenant BMW Evere, la concession que possédait le constructeur en Belgique, qui représentait un chiffre d’affaires annuel de 90 millions d’euros. “C’est une stratégie du groupe BMW. Nous ne souhaitons plus posséder des points de vente, déclare Jeroen Lissens, porte-parole de BMW Belux, l’importateur. Ce n’est pas notre core business.” L’année n’est pas écoulée que Laurent Louyet négocie à présent le rachat des points de ventes BMW et Mini avec le groupe Ginion, avec l’option d’ajouter l’importation des marques Rolls-Royce et McLaren.
Près de 5.000 autos vendues par an
Hors acquisition de la distribution de Ginion, le groupe L.Louyet arrive à un chiffre d’affaires de 290 millions d’euros et près de 5.000 voitures neuves vendues par an. Ginion Group écoule également près de 5.000 véhicules par an (y compris Ferrari).
Les acquisitions ne sont pas dictées par une volonté de grandir pour grandir, mais pour anticiper l’évolution de l’économie de l’automobile. “La voiture électrique va devenir importante, elle présente un modèle différent”, dit Laurent Louyet. Les revenus de l’après-vente devraient reculer. Il n’y a pas de vidange à faire sur une auto électrique, or l’huile est une source de revenus. “Nous avions le choix entre rejoindre un grand acteur international ou développer notre propre groupe, continue le CEO de L.Louyet. Nous n’avons pas hésité longtemps. Je n’avais pas envie de perdre les valeurs de l’entreprise, l’esprit familial.”
La taille lui permet de s’organiser en groupe et répartir les frais centraux sur un plus grand volume de ventes. Il a créé une structure centrale, basée à Charleroi, où sont regroupées les fonctions finance, ressources humaines, marketing, ainsi que le département qualité. “Je souhaite aussi grandir pour améliorer le mix de la clientèle, poursuit Laurent Louyet. Pour ne pas dépendre uniquement du fleet par exemple, garder une part importante de particuliers et de PME.” A Bruxelles, les flottes représentent 70% des voitures. Celles-ci vont se convertir à l’électrique à partir de 2023 en raison des changements de la fiscalité des voitures d’entreprise, mais les particuliers devraient prendre plus de temps. Cela permettra d’étaler la transition.
Une diversification importante dans l’occasion
Le groupe L.Louyet a aussi développé les revenus annexes, parfois négligés par les concessionnaires, comme les contrats d’entretien. Même chose pour l’occasion, que beaucoup de concessionnaires pratiquent juste pour revendre les reprises pas trop anciennes qui résultent de la vente de véhicules neufs. “Nous avons développé une activité de l’occasion en tant que telle. Pour nous, cela présente un énorme potentiel, continue Laurent Louyet. Nous achetons des véhicules sur le marché et avons créé deux centres de reconditionnement, un à Mons, l’autre à Bruxelles.” Avant la reprise des activités BMW et Mini de Ginion, le groupe devrait vendre 1.300 voitures de seconde main cette année. Ces diversifications sont précieuses, d’autant que la vente directe par le net pourrait rogner l’activité des concessionnaires. Moins, peut-être, pour BMW, qui n’est pas le premier à vouloir se lancer dans ce type de distribution, même si tous les constructeurs s’y intéressent de plus en plus.
Laurent Louyet ne sait pas encore si la succession sera assurée, mais il a le temps. Ses enfants, Lola et Louis, ont 10 et 12 ans. Leur prénom commence par un “L”, comme le veut la tradition familiale. Léon (deux fois), Laurent, Lola, Louis. Cela permet au passage de conserver le logo, en forme de double “L”, qui orne discrètement les voitures vendues.
Le nouveau groupe Ginion
Ginion Group continuera à se développer sans ses activités de distribution (BMW, Mini, Volvo) ou d’importation (Rolls-Royce et McLaren). Il conserve une place dans l’automobile de loisir, avec deux concessions Ferrari (à Wavre et Luxembourg), ainsi que la restauration/réparation de véhicules anciens (autos et motos) avec Ginion Classics.
Ginion Mobility Solution prendra de l’ampleur. “Nous gérons plus de 500 contrats de mobilité, et nous allons continuer de croître”, précise Stéphane Sertang. L’activité assure des consultances pour le calcul de TCO (coût total de possession) des flottes, pour électrifier les flottes et un service pour aider les entreprises à louer à court terme des voitures non utilisées.
Ginion est aussi actif dans l’immobilier, “pour proposer des logements à prix abordables, avec des techniques d’isolation naturelles”. Enfin le groupe est aussi actionnaire à 25% dans une société qui installe des bornes de recharge et du stockage d’énergie à domicile, CenEnergy.
Il reste à trouver une nouvelle base pour héberger le groupe Ginion et son patron, Stéphane Sertang, qui travaillait dans ses concessions. “Je dois encore trouver une solution pour héberger les collaborateurs. On cherche…”
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