The Body Shop dépose le bilan au Royaume-Uni: retour sur le lent déclin de la marque pionnière en cosmétiques éthiques
La chaîne de produits de beauté The Body Shop a déposé le bilan au Royaume-Uni avec plusieurs milliers d’emplois menacés dans le pays où cette marque emblématique s’est faite connaître pour ses engagements éthiques.
Le cabinet de conseil FRP a été nommé pour gérer le dépôt de bilan et la restructuration des activités britanniques de la société afin de “revitaliser cette marque emblématique“, est-il précisé dans un communiqué.
Cette procédure ne concerne que le Royaume-Uni et non le reste du réseau mondial de cette marque connue pour ses engagements précoces sur le recyclage ou contre les tests sur les animaux.
La société a été vendue fin 2023 par son ex-propriétaire brésilien Natura Cosmeticos au fonds d’investissement allemand Aurelius.
Le montant de la transaction était bien inférieur au milliard d’euros déboursés par le Brésilien lorsqu’il avait racheté en 2017 le groupe au géant français L’Oréal.
2.200 employés au Royaume-Uni
Son siège est à Londres et l’entreprise emploie environ 7.000 personnes dans le monde — 2.200 au Royaume-Uni.
L’enseigne The Body Shop a été fondée en 1976 à Brighton (sud de l’Angleterre) par l’entrepreneuse britannique Anita Roddick, pionnière des cosmétiques respectueux de l’environnement, non testés sur les animaux et adepte du commerce équitable.
L’Oréal avait racheté la marque en 2006 pour environ 940 millions d’euros, quand celle-ci était au sommet de sa gloire, et la charismatique femme d’affaires avait été critiquée pour ce choix, accusée par certains de pactiser avec l’ennemi.
Sa santé déclinait cependant et Anita Roddick est décédée l’année suivante.
Étoile pâlie
L’étoile de la marque a pâli après la disparition de sa fondatrice et la cession à L’Oréal. Ayant perdu son côté précurseur, malgré des investissements importants et une accélération de son développement à l’international, sa rentabilité a décliné.
Celle qui avait hérité du surnom “The Queen of Green” – la Reine du Vert — grâce à ses positions écologistes avait créé The Body Shop grâce à un prêt de 4.000 livres souscrit pour ouvrir le premier magasin à Brighton afin de subvenir aux besoins de sa famille pendant que son mari traversait l’Amérique à cheval.
Les murs sont peints en vert foncé pour masquer les taches d’humidité. Tout s’enchaîne très vite: les retraités apprécient de retrouver des produits de beauté à l’ancienne à base de cire d’abeille et de glycérine, les jeunes craquent pour les lotions nettoyantes au concombre et les exfoliants à la fraise.
“Dans les années 80, The Body Shop était l’endroit de prédilection des jeunes acheteuses pour dépenser de l’argent dans des bains moussants parfumés ou des lignes de beauté avec une profonde conscience environnementale, un accent sur la justice sociale et la protection de la nature”, remarque Susannah Streeter, analyste de Hargreaves Lansdown.
“Mais des magasins comme Lush s’attire une plus large part du portefeuille des ados et pré-adolescentes à présent, avec des ingrédients innovants et des bombes de bain parfumées”, poursuit-elle.
Et si Anita Roddick était “une visionnaire, proposant des bouteilles rechargeables pour limiter la pollution plastique, il y a des décennies, cette politique a été silencieusement abandonnée dans les années 90 au profit des paniers cadeaux, et seulement ravivée il y a quelques années, trop peu et trop tard”, conclut Mme Streeter.
Pour Russell Pointon, analyste chez Edison Group, “la possible disparition d’une marque qui fait partie prenante des artères commerçantes depuis près de 50 ans est un dur rappel des difficultés auxquelles sont confrontées les petits commerçants”.
Dernier clou dans le cercueil
D’après lui, la marque a enregistré une forte chute de son chiffre d’affaires en 2022, passant de 487 à 408 millions de livres, et “une mauvaise saison de Noël a été le dernier clou dans le cercueil”.
Les enseignes à présenter des arguments éthiques ou écologistes ne sont plus rares désormais, et les pressions de coûts sur les petits commerces ont déjà entraîné des fermetures de magasins en série chez de très nombreuses chaines de magasins à l’instar de Wilko — près de 12.000 emplois perdus.
Au total l’an dernier, près de 120.000 emplois ont été perdus dans le petit commerce au Royaume-Uni, signe de l’impact de la crise du pouvoir d’achat dans le pays.
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