La start-up belge Skade a lancé un réseau social pour investisseurs. Il mêle le côté réseau social à des outils pour pratiquer et suivre l’investissement en bourse. Portrait.
Quand Louis de Passemar a voulu commencer à investir, il trouvait qu’il manquait quelque chose. Il accompagnait son père – entrepreneur qui, tôt, lui a appris le concept d’argent – à ses rendez-vous avec des conseillers boursiers et patrimoniaux et banquiers. Il discutait avec des jeunes de son âge… mais il manquait quelque chose. Le secteur de la banque privée et du conseil est souvent fermé à ceux qui commencent avec de petites sommes, et pas toujours évident à comprendre pour des débutants. Les jeunes de son âge prêchaient le bitcoin, fanatiquement, comme s’il s’agissait de la seule vérité, avait-il comme impression. Sur les forums en ligne, il y a l’anonymat qui fait qu’on ne sait pas toujours qui parle de quoi, et pourquoi.
Ce manque de communauté et de soutien a ainsi poussé l’entrepreneur, aujourd’hui âgé de 34 ans, à prendre les choses en main. Et de fonder, avec son associée Manon Zimmer, Skade. C’est un réseau social pour investisseurs justement pensé comme un espace d’échange et d’entraide autour de l’investissement. En 2021, en plein covid, les deux fondateurs ont quitté leur travail et se sont pleinement lancé dans le projet. Ont suivi de longs mois de développement, de travail sur le côté comme freelance “pour générer des sous” pour les injecter dans la boîte (à côté de levées de fonds auprès de proches et de la famille et des fonds propres investis). Et au début de l’année 2025, la plateforme a donc été lancée pour le grand public.
Start-up belge aux racines françaises
En francophonie d’abord. Mais c’est un projet européen qui demain pourrait débarquer dans d’autres pays pour permettre aux utilisateurs de confronter les différentes cultures d’investissement et d’en apprendre quelque chose, espère le fondateur. La plateforme compte déjà 12.000 inscrits, dont près d’un tiers sont Belges. La majorité sont donc des Français. Mais Skade est une histoire belge, même si ses fondateurs sont deux Parisiens. Arrivé en Belgique à l’âge de 14 ans, Louis de Passemar a passé son adolescence et a fait une partie de ses études à Bruxelles.
Lorsqu’il a décidé de quitter son travail à Paris pour créer Skade, la question de l’implantation s’est donc posée. “J’avais quand même une attache assez forte à la Belgique et donc j’avais souhaité y revenir. La raison pour laquelle on est en Belgique, et on très bien ici, c’est entre autres la culture du compromis belge. Je pense que c’est la bonne voie. Vivre dans un pays qui a cette culture-là, c’est plus apaisant que vivre dans un pays qui a la culture du clash constant”, retrace l’entrepreneur.
Réseau social…
Mais comment fonctionne Skade ? C’est un réseau social, mais pas que. Mais pour le côté réseau social, d’abord : il y a un fil d’actualité, assez classique, où voit passer les messages des personnes que l’on suit, comme ceux qui d’autres personnes qui sont repris par les algorithmes de suggestion de contenu. Comme Twitter, Threads ou Blue Sky LinekdIn ou Facebook, en somme. On peut aussi échanger par message privé avec d’autres utilisateurs.
Mais donc, le sujet principal abordé sur le réseau, c’est l’investissement. “Il y a par exemple un utilisateur qui pose une question sur son portefeuille, du style : Voilà ce que j’ai fait. Qu’est ce que vous en pensez? Je voudrais avoir votre avis dessus. J’ai envie de me diversifier mais je ne sais pas trop comment, je cherche des idées. C’est donc un peu comme avoir un ami qu’on appellerait. Plus qu’un ami même : avoir cinq amis, un groupe d’amis et d’investisseurs. Instantanément, j’ai cinq avis différents. Et finalement, si sur les cinq, il y en a trois qui ont l’air de se rejoindre, c’est peut-être une piste que je vais explorer”, explique Louis de Passemar. Les discussions tournent donc beaucoup autour de l’allocation d’actifs. Mais il y a aussi d’autres sujets qui reviennent souvent, plus pratico-pratiques, comme des personnes qui veulent se lancer et demandent quel est le meilleur courtier ou néo-banque. Ou des débats sur la fiscalité, avec des conseils des Belges sur la TOB ou des Français sur le PEA (plan d’investissement fiscalement avantageux), c’est selon.

… et investissement
Ce qui nous mène à un autre point : l’éducation financière. C’est un aspect très important pour Skade. L’application contient aussi une “académie” qui explique de nombreux points sur comment apprendre à investir. Un aspect que Louis de Passemar veut encore pousser davantage à l’avenir. Par exemple avec une page plus spécifique par pays et faire des partenariats avec des acteurs spécialisés dans ce contenu.
Ensuite, à côté de l’aspect réseau social, il y a aussi l’aspect investissement. La plateforme propose ainsi différents outils. Comme la création d’un portefeuille (fictif ou réel ; on pourra d’ailleurs bientôt importer et afficher son vrai portefeuille depuis son courtier ou sa banque). Ou le cours en direct, et la possibilité de suivre une entreprise cotée et donc de voir des publications d’utilisateurs ou articles de presse la concernant dans son fil. Ainsi qu’un classement des portefeuilles les plus performants.
Les deux cotés sont ainsi très liés. Cela amène quelque chose qui compte beaucoup pour le fondateur : la transparence. Avec les portefeuilles (publiquement exprimés en pourcentages), reprenant aussi l’historique des achats et des ventes, on voit dans quoi investissent les personnes avec qui on discute.
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Au-delà de l’investissement : une mission sociétale
L’éducation financière et l’idée de faire communauté autour de l’investissement et de se soutenir mutuellement entre jeunes investisseurs est donc l’essence même de Skade. Mais c’est un thème qui va au-delà de l’argent, ajoute Louis de Passemar. “Je pense qu’il y a un enjeu qui est aussi culturel, à échelle européenne. Les extrêmes politiques ont rarement été aussi haut en Europe depuis les 50 dernières années. Mais j’ai vraiment cette conviction qu’une bonne culture économique de la population, c’est un poids dans la balance pour l’équilibrer et pour éviter de glisser vers les extrêmes. Je pense que quand on comprend comment fonctionne le monde, économiquement, on est moins susceptible de tomber dans ces discours de la démagogie, populistes et simplistes. Il y a un enjeu énorme là-dessus”, réfléchit le fondateur.
“Ce n’est pas parce que d’autres ont plus d’argent que nous qu’on ne devrait pas en parler. Ça n’a aucun sens. Je pense même que ne pas en parler, c’est ça qui est dangereux. C’est là où résident les extrêmes. C’est parce qu’on n’a pas d’échanges constructifs là-dessus que des discours dangereux peuvent prendre de la place. Voilà ce que j’essaie de pousser à travers Skade. Les gens n’ont pas forcément eu la chance d’avoir reçu la culture de l’argent. Donc, on veut les aider un petit peu à comprendre. Sinon, cela devient vite ‘les riches contre les pauvres’. Je suis un fervent défenseur du fait que la majorité des gens ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont. Et ça, c’est nuisible à la société. Parce qu’en fait, râler, se plaindre, penser qu’on n’a pas de chance… socialement, cela n’apporte rien en fait. Les gens qui se plaignent ne font pas avancer la société, au contraire. Donc il est vraiment important d’inverser la tendance. Si tout le monde est un peu plus positif, on s’en sortira tous mieux.”
Rémunération
Sinon, pour le business model, Skade travaille avec des partenariats. Mais pour éviter les conflits d’intérêt, la start-up refuse tout partenariat avec des banques, courtiers ou autres plateformes de trading. Elle va aussi lancer des formules d’abonnement, qui donneront droit à une version augmentée de l’académie ou des outils d’investissement plus poussés.