La start-up énergétique Enersee a développé une plateforme permettant aux grandes entreprises, aux acteurs de l’immobilier, de la pharmacie et de la santé de réduire leurs coûts énergétiques et, par conséquent, leurs émissions de CO2. La start-up, qui vient de lever 4 millions d’euros, ambitionne de devenir une nouvelle référence dans le domaine du management énergétique.
Parfois, les heureux événements, qu’ils soient privés ou professionnels, s’entrecroisent et arrivent en même temps. C’est ce qu’a vécu Joachim Vleminckx, cofondateur et CEO d’Enersee : il a accueilli son deuxième enfant alors qu’il s’apprêtait à signer les derniers documents de sa deuxième levée de fonds. En 2023, l’entreprise avait levé 1,2 million d’euros de capital d’amorçage auprès du fonds néerlandais Peak Capital, après avoir déjà réuni un capital de démarrage auprès de business angels dès 2020. Aujourd’hui, Enersee annonce une levée de 4 millions d’euros, composée aux trois quarts de capital-risque et complétée par environ un million d’euros sous forme de financement bancaire.
Cette nouvelle opération a été menée par le fonds d’investissement belgo-britannique 6 Degrees Capital. Celui-ci avait levé, juste avant l’été, quelque 150 millions d’euros pour son troisième fonds, 6DC III, dont est issu l’apport consenti à Enersee. À nouveau, Peak Capital est de la partie, aux côtés des business angels Alex Brabers, Bernard Hazard, Laurent Michiels et Vincent Nagels. Ces investisseurs sont convaincus qu’Enersee peut devenir leader sur son marché de niche et rendre obsolètes les systèmes actuels de gestion énergétique.
35 % d’énergie en moins
Enersee propose en fait aux grandes entreprises un « manager énergétique virtuel », capable de générer d’importantes économies. La jeune pousse technologique, fondée il y a cinq ans, n’installe pas elle-même des appareils de mesure, mais elle exploite les données déjà disponibles. Ingénieur agronome de formation, fort d’une expérience industrielle, Joachim Vleminckx a constaté que les entreprises investissent pour gagner en durabilité et en efficacité énergétique, mais qu’elles manquent d’outils adaptés pour y parvenir. Résultat : elles ne savent pas toujours où concentrer leurs efforts pour réduire leurs coûts.
« Beaucoup de systèmes placent des compteurs, collectent des données et les affichent ensuite sur un tableau de bord avec une moyenne de consommation mensuelle », explique Joachim Vleminckx, qui a fondé Enersee avec Maarten Van de Vijver. « Mais pour un energy manager, cela reste insuffisant. » Surtout lorsqu’il s’agit d’opérations à grande échelle, comme chez Delhaize Belgium, l’un des clients d’Enersee. « Delhaize compte 700 magasins, qui génèrent des millions, voire des milliards de points de données. Même si l’on automatise leur traitement, rien n’avance si l’information n’arrive pas aux bonnes personnes. »
Grâce à Enersee, une seule enseigne Delhaize a pu détecter, identifier et surtout corriger assez de pertes énergétiques pour réduire sa facture énergétique mensuelle de 20.000 à 12.000 euros, soit une baisse de 35 %. Comment ? Simplement en ajustant les paramètres de ses congélateurs. Les économies potentielles se chiffrent en millions.
Un distributeur allemand – dont le nom n’est pas communiqué – a identifié, via Enersee, douze fois plus d’anomalies et d’opportunités de réduction des coûts qu’auparavant. À l’échelle mondiale, cette entreprise pourrait économiser jusqu’à 35 millions d’euros par an, selon les projections d’Enersee.
Croissance internationale
La technologie d’Enersee repose sur une couche d’intelligence artificielle appliquée aux données. « Nous faisons de la reconnaissance de motifs, ce qui nous permet de transmettre à la bonne personne dans l’entreprise une information concrète, par exemple l’endroit où un capteur CO2 est défectueux, ce qui a entraîné une surconsommation de ventilation. Le technicien reçoit la tâche avec le coût de réparation estimé. Nous couvrons tout le processus, de l’analyse à la mise en œuvre sur le terrain », détaille Vleminckx.
Outre Delhaize et ce grand distributeur allemand, Enersee compte déjà parmi ses clients bpost, le Port d’Anvers, la ville de Courtrai, le VDAB et Veolia.
Le contexte est clair : face à des prix élevés de l’énergie en Europe, les entreprises veulent à la fois réduire leurs coûts, mais aussi leur empreinte carbone. « Les entreprises s’engagent dans l’électrification et doivent se conformer à une réglementation locale, nationale et européenne toujours plus stricte, avec des obligations accrues de reporting », poursuit Vleminckx. Enersee utilise la technologie du jumeau numérique, créant ainsi une copie digitale du système énergétique du client, et propose plusieurs modules : l’un pour le suivi opérationnel, un autre pour la gestion de projets et un troisième pour prévoir la consommation future.
Enersee fonctionne sur un modèle d’abonnement logiciel (Software as a Service, SaaS). Les clients paient un tarif mensuel par bâtiment. Ce modèle se prête particulièrement bien à une croissance rapide : une fois la technologie en place, l’entreprise peut s’étendre sans augmenter massivement ses effectifs. « Nous avons développé un produit extrêmement avancé avec une très petite équipe », insiste le CEO. « Jusqu’à ce financement, nous n’étions que dix équivalents temps plein. Pour croître, nous avons besoin de plus de monde : une équipe dédiée au suivi client, une équipe commerciale, davantage de développeurs. Nous sommes aujourd’hui 12 et visons 18 à 20 personnes d’ici la fin de l’année, puis 25 à 30 l’an prochain. »
Vleminckx espère accompagner ses grands clients dans leur expansion internationale : « Ce type de clients entraîne naturellement une croissance au-delà des frontières. Mais encore faut-il être prêt à les suivre, notamment en leur fournissant un support multilingue. »
S’attaquer aux coûts énergétiques de l’IA avec… l’IA
Les applications d’intelligence artificielle consomment énormément d’énergie, au détriment du climat. «La consommation énergétique de l’IA ne devient problématique que si nous ne produisons pas assez d’énergie propre», analyse Joachim Vleminckx. «L’équation est simple : augmenter la part d’énergie produite à partir de sources décarbonées et réduire la quantité nécessaire pour maintenir, voire développer, nos activités économiques.»Enersee applique cette exigence à ses propres modèles : «Nous veillons rigoureusement à leur efficacité énergétique. Un kilowattheure consommé par notre IA doit permettre d’en économiser au moins cent. C’est la seule manière de réduire à la fois énergie et CO2 tout en restant économiquement pertinent, puisque le client doit dégager un retour d’au moins dix fois le coût de notre logiciel.»