Jusqu’à 45% de déductibilité grâce au “tax shelter” pour start-up
Le crédit n’est pas toujours facile à obtenir, surtout quand on manque de fonds propres. C’est pour y remédier que la Belgique a instauré une déductibilité fiscale à l’attention des entreprises débutantes.
Parmi les nombreuses niches fiscales qui permettent de diminuer son écot au fisc figure un tax shelter assez méconnu. Non, il ne s’agit donc pas du célèbre tax shelter lancé en 2002 en faveur du cinéma et ensuite élargi aux arts de la scène, puis aux jeux vidéos. Pas plus que du prêt aux entreprises institué par les Régions, appelé Coup de pouce en Wallonie, Proxi à Bruxelles et Win-Win en Flandre.
Ce tax shelter-ci concerne bien le financement des petites sociétés, mais au niveau du capital. Le risque est donc supérieur, mais la déductibilité fiscale est à sa mesure: jusqu’à 45% du montant investi, moyennant des conditions précises détaillées dans le cadre ci-joint, et qui valent pour l’ensemble du pays puisqu’il s’agit d’une compétence fédérale.
Un peu plus de 35 millions
Le but de la mesure est clair: financer en capital à risque des entreprises encore débutantes (start-up) ou en forte croissance (scale-up). Doublés en 2021, les montants que l’entreprise peut lever sous ce régime s’élèvent à 500.000 euros pour une start-up et un million pour une scale-up. Au total et non par opération. Il s’agit tout aussi clairement d’inciter les investisseurs particuliers à financer ces entreprises: la déductibilité ne vaut que pour des personnes physiques et pour autant qu’elles soient étrangères à l’entreprise financée.
Pour l’exercice fiscal 2021, pas moins de 6.377 personnes ont profité d’une déduction tax shelter, grâce à des investissements totalisant 35,1 millions d’euros. C’est la réduction d’impôt maximale de 45% qui accapare l’attention des contribuables, avec plus de 87% du total! La déduction de 30% n’en représente qu’un dixième, tandis que les malheureuses entreprises scale-up, qui offrent une déductibilité de 25%, n’ont retenu l’attention que de 500 personnes, pour 1,42 million à peine. Soit un investissement moyen de 2.840 euros seulement (en chute depuis 2019), la moitié de celui relevé pour les start-up.
On peut investir en direct, mais en pratique, cela se réalise surtout via crowdfunding.
On peut investir dans ces entreprises en direct, ce qui concerne typiquement l’entourage des dirigeants. Mais en pratique, cela se réalise surtout par l’intermédiaire des plateformes de financement participatif, aussi appelé crowdfunding. Surprise: sur le site internet de la FSMA, l’autorité de contrôle des marchés financiers en Belgique, on ne trouve qu’un nom: Spreds, alors que d’autres sont également actives ou l’ont été.
Il y a en fait une astuce… Naguère, l’agrément relevait de la législation belge, explique Mathieu Saudoyer, porte-parole de la FSMA. Il ne porte pas spécifiquement sur le tax shelter, mais sur le crowdfunding en général. Cette liste comporte actuellement sept noms: Lita.co, Beebonds, Ecco Nova, Look&Fin, WinWinner, ainsi que les plateformes MiiMOSA et Raizers relevant du droit français. Un nouveau règlement européen est intervenu en 2020, celui-ci introduit un statut uniformisé au niveau de l’Union. En conséquence, les plateformes déjà agréées doivent introduire un nouveau dossier auprès de la FSMA et seule Spreds est arrivée au bout du processus.
Une période transitoire fut toutefois prévue, dont l’échéance a été reportée au 10 novembre 2023. Toutes les plateformes évoquées ci-dessus peuvent donc poursuivre leur activité de crowdfunding jusqu’en novembre prochain. On note que la plupart sont en réalité actives dans le crowdlending, soit le financement par la dette. Seuls Spreds et Lita.co réalisent du financement en actions, éligible au tax shelter. D’autres institutions ont manifesté leur intention d’entrer dans la danse, dont plusieurs intervenants étrangers, y compris un roumain et un letton! C’est cela, le “passeport européen”.
Consolidation attendue
Le paysage du crowdfunding est de toute manière appelé à évoluer, estime Charles-Albert de Radzitsky, fondateur et CEO de Spreds: “Les plateformes vont devoir mieux rentabiliser le coût d’acquisition des investisseurs, qui est très élevé. L’agrément européen est un élément qui va favoriser cette consolidation. Très coûteuse et compliquée pour l’entreprise qui lève des capitaux est par ailleurs la gestion de plusieurs centaines, parfois plusieurs milliers, de petits investisseurs. On va assister à un fractionnement de la chaîne de valeur: toutes les plateformes ne s’occuperont pas de tout. Cette spécialisation va permettre une baisse des coûts”. Certaines pourraient se spécialiser dans le back-office. C’est du reste le cas de Spreds.
Une autre évolution possible concerne la législation elle-même. Le tax shelter concernant les micro-entreprises est, comme il ressort des chiffres évoqués plus haut, fort séduisant par son taux de 45% et ceci d’autant plus que telle est la proportion des start-up qui finiront par tomber en faillite, révèlent plusieurs études. Une belle compensation fiscale! Encore faut-il ne pas avoir pioché dans ces 45%… Une diversification est donc indispensable et c’est à ce titre que Spreds propose la formule tracer: investissement dans 10 sociétés répondant aux critères de l’investisseur.
A noter que si le tax shelter ne fonctionne guère pour les scale-up, ce n’est pas seulement à cause de la déductibilité de 25%, encore attrayante, mais parce que les entreprises correspondant à ce profil ont tendance à faire appel à des fonds de venture capital plutôt qu’à des investisseurs particuliers, observe encore Charles-Albert de Radzitsky.
Quelles limites?
Le tax shelter relatif au financement en capital des petites entreprises fixe diverses limites, dans le chef tant de la société que du contribuable y faisant appel. Premier type d’entreprise visée: la start-up, ou société débutante, qui doit avoir moins de quatre ans. La législation distingue la micro-entreprise, qui compte 10 employés maximum et affiche moins de 350.000 euros de total de bilan et moins de 700.000 euros de chiffre d’affaires. La déductibilité fiscale est pour elle de 45%. Elle descend à 30% pour la start-up dont le total de bilan est supérieur, mais ne dépasse pas 4,5 millions et le chiffre d’affaires 9 millions, mais toujours âgée de moins de quatre ans. Si elle satisfait à ces dernières conditions mais est plus âgée (de 5 à 10 ans), il s’agit d’une scale-up. La déduction est encore possible, mais à hauteur de 25%. Condition supplémentaire: une croissance d’au moins 10%, durant les deux dernières années, pour les ventes ou le nombre d’employés.
Dans tous les cas, l’entreprise doit être établie en Belgique et ne peut pas être immobilière. Autre condition générale: la société ne peut pas avoir déjà distribué de dividende. Quant à l’investisseur, il doit conserver ses actions durant 48 mois, sous peine de perdre l’avantage fiscal de manière proportionnelle. Par ailleurs, il ne peut pas investir plus de 100.000 euros par période imposable.
Quelques détails pratiques. Le contribuable reçoit chaque année une attestation, soit de l’entreprise dans laquelle il a investi, soit de l’organisme d’investissement intermédiaire. Les rubriques à remplir dans la déclaration fiscale figurent au cadre 10: 1318 (ou 2318) pour le tax shelter start-up déductible à 30% et 1320 (2320) pour la déduction à 45%. Pour le tax shelter scale-up, il s’agit de la rubrique 1334 (2334).
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