Grâce à Spadel, la start-up Dripl se lance sur le marché européen

Colin Deblonde et Lucas Moreau“Un appareil ne commence à avoir un impact positif qu’après avoir permis d’économiser 2.000 à 3.000 emballages.” © pg

La start-up belge Dripl, qui a développé un distributeur de boissons saines sans emballages, vient de lever de nouveaux capitaux. Parmi les investisseurs: The Source, le fonds de capital-risque de Spadel Group qui voit en elle un grand potentiel de croissance.

Face aux distributeurs de boissons de votre entreprise, votre cœur balance: les sodas, goûtus mais un peu trop sucrés et en bouteille plastique, ou la fontaine à eau qui permet de remplir votre gourde?

Dans les bureaux de SAP, Proximus, Skeyes ou Visma, la question ne se pose plus puisque ces entreprises ont décidé de collaborer avec Dripl. Cette start-up belge propose en effet depuis 2020 des boissons gazeuses naturelles et pauvres en calories, sans emballage jetable, via un distributeur de boissons spécifique. “L’idée est venue lorsque nous étions encore à l’université”, explique le CEO, Colin Deblonde, qui se sentait frustré de devoir se contenter de fontaines d’eau plate pour se désaltérer.

Avec l’aide de son camarade Lucas Moreau, il crée alors un refill point, une mini-usine de boissons, au design soigné, qui permet de déguster une boisson déclinée en quatre saveurs (aujourd’hui six: canneberge, citron, maté, rose-menthe, ice-tea et gingembre-citron vert) ou simplement de l’eau plate ou gazeuse. Il suffit de placer son verre ou sa bouteille sous le robinet de la machine, de sélectionner sa boisson, de choisir parmi les trois niveaux d’intensité de goût et d’ajouter des bulles si on le souhaite.

“La technologie utilisée dans la machine n’est pas nouvelle”, concède Colin Deblonde qui fait référence aux fontaines à sodas dans les chaînes de fast-food. “La différence, c’est que nous misons sur une proposition saine et durable”, ajoute-t-il. La start-up se concentre sur l’expérience utilisateur pour convaincre les entreprises d’adopter son produit. “Nous voulons que nos clients choisissent Dripl parce que c’est la meilleure solution, qui s’avère être en même temps la plus durable”, précise-t-il.

“Refill-utionnaire!”

L’objectif? Convaincre suffisamment d’entreprises de remplacer les distributeurs classiques contre un Dripl, ce qui permettra d’éviter pas mal d’emballages. Selon la start-up, chaque machine installée permet d’économiser en moyenne 7.000 bouteilles par an. A ce jour, les deux fondateurs estiment avoir permis d’éviter 2,5 millions d’emballages. L’ambition affichée est d’en économiser un milliard d’ici 2030. “On veut être refill-utionnaire”, s’amuse Colin Deblonde qui a déjà convaincu 200 clients en Belgique et aux Pays-Bas.

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Le CEO et Lucas Moreau font partie de ces entrepreneurs à impact dont l’objectif est d’influencer positivement l’environnement et la société plutôt que de simplement faire du profit. “Croissance économique et impact ne sont pas inconciliables”, soulignent-ils. Selon eux, Dripl est d’ailleurs proche de la rentabilité. En plus des revenus provenant de l’installation de la machine dans les entreprises, des revenus récurrents sont générés par la vente des arômes. Le volume de ceux-ci varie évidemment selon la taille des entreprises. “Mais le prix par boisson est similaire à celui de son équivalent jetable, à la différence qu’il y a des coûts fixes liés à la machine”, indique Colin Deblonde.

Nouvelle levée de fonds

Afin de concrétiser ses ambitions, Dripl vient de boucler une levée de fonds de 2,15 millions d’euros sous forme de prêts convertibles et d’investissements. La start-up a pu compter sur ses business angels déjà présents au capital. Parmi eux, Wim Vernaeve (Green Park Investments), Jonas Malisse (Too Good To Go Belgium), Stéphane Ronse (Foodbag) et la famille Meert.

Faraday Venture Partners et The Source se sont ajoutés aux investisseurs lors de cette nouvelle levée de fonds. “Cela va principalement servir à accélérer notre croissance et notre expansion en Europe”, précise Colin Deblonde. A commencer par la France et les Pays-Bas, suivis de pays nordiques: Suède, Norvège, Danemark.

The Source est le fonds de capital-risque (corporate venture capital) créé en 2021 par Spadel. Grâce à un budget de 10 millions d’euros, le groupe belge connu pour ses marques d’eaux minérales Spa souhaite investir et prendre des participations minoritaires dans des entreprises innovantes du secteur des boissons. Dripl est la troisième start-up à bénéficier d’un apport financier de l’entreprise. Auparavant, Spadel avait déjà soutenu Andy, start-up de livraison de boissons consignées aux particuliers, mais qui a entre-temps fait faillite, et Qallo, qui propose une poudre qui transforme l’eau en boisson énergisante. L’ambition est de réaliser une dizaine d’investissements d’ici 2025.

Collaboration stratégique

Selon Spadel, le potentiel de croissance du nouveau type de distributeur automatique proposé par Dripl est énorme, avec un marché de 2,1 milliards d’euros rien que dans les bureaux d’Europe occidentale. “C’est ce qui a poussé The Source à entrer dans le capital. Cet investissement répond parfaitement à l’objectif du fonds de Spadel”, ajoute Clément Yvorra, global business development manager du groupe. Il a en effet été créé spécialement pour acquérir des participations dans des sociétés de ce type. “J’ai été pleinement convaincu par l’équipe de Dripl. Les fondateurs sont des profils complémentaires et très motivés”, poursuit Clément Yvorra.

Spadel pourrait-il utiliser les distributeurs de boissons de Dripl afin d’écouler ses propres boissons? “Il n’y a pas de projet en cours mais les portes restent ouvertes”, répond le responsable de The Source.

En plus d’un investissement financier dont le montant n’est pas divulgué mais qui reste minoritaire, le fonds estime pouvoir accompagner la start-up grâce à son expertise dans l’univers des boissons. “Spadel a un cœur d’activité très fort en Belgique mais nous sommes également présents aux Pays-Bas et en France. Nous pouvons les aider dans leur expansion”, précise Clément Yvorra. D’un autre côté, Dripl pourra apporter son expertise dans l’univers des bureaux, qui est un segment dans lequel Spadel n’est pas aussi présent que dans d’autres canaux de distribution.

Outre l’internationalisation de la start-up, Colin Deblonde et Lucas Moreau travaillent aussi sur le développement de nouvelles saveurs et recherchent des ingrédients naturels bons pour la santé. Une évolution vers un modèle B to C n’est pas encore d’actualité, bien que les fondateurs soient régulièrement interpellés par des clients qui souhaitent utiliser Dripl chez eux. “Pour le moment, nous restons concentrés sur le B to B”, souligne Colin Deblonde. Développer une machine pour les particuliers pose en effet beaucoup de questions, notamment en termes de taille, de design mais surtout de durabilité. “Il faut tenir compte des émissions liées à la fabrication des distributeurs”, explique le CEO qui précise qu’un appareil ne commence à avoir un impact positif qu’après avoir permis d’économiser 2.000 à 3.000 emballages.

Dripl veille à ce que sa chaîne de production soit aussi courte et locale que possible. Si les appareils sont assemblés à Rotterdam et si les pièces proviennent d’Italie et du Danemark, les arômes sont produits près de Namur. Certains ingrédients viennent cependant de plus loin, comme le gingembre. “Nous nous concentrons en priorité sur les éléments qui ont le plus d’impact. Seules 2% des émissions générées par la fabrication d’une boisson proviennent du transport des ingrédients”, analyse Colin Deblonde.

Entreprises cherchent start-up…

Mais qu’est-ce qui incite de grandes entreprises, comme Spadel, à s’associer avec de jeunes pousses parfois à peine écloses? “Le corporate venturing concerne à proprement parler un échange de capitaux propres entre une entreprise et une start-up”, rappelle Robin De Cock, directeur du Master en innovation et entrepreneuriat de l’Antwerp Management School (AMS). Le professeur a étudié comment et pourquoi les entreprises coopèrent avec des start-up et a identifié jusqu’à 20 types de collaborations différentes.
TRENDS-TENDANCES: D’où vient cette notion de “corporate venturing” ?
ROBIN DE COCK: C’est dans les années 1980 que les premiers travaux sur le corporate venturing ont été publiés. Il existe différentes manières de collaborer pour les entreprises et les start-up, que ce soit des joint-ventures ou des acquisitions, qui sont des formes plus traditionnelles. Mais depuis cinq ans, de nouvelles collaborations sont apparues, comme les start-up studios, les incubateurs et les accélérateurs de start-up au sein même des entreprises.
Quelles sont les principales raisons pour lesquelles une entreprise collabore avec une start-up ?
Le motif principal présente souvent un caractère financier, c’est-à-dire: comment obtenir un bon retour sur investissement à court ou moyen terme. Cependant, peu à peu, la motivation principale s’est déplacée davantage vers des objectifs stratégiques. S’associer à une start-up permet à une entreprise de diversifier ses activités, d’accéder à de nouvelles technologies ou de se transformer numériquement, ce qui garantira la continuité de l’organisation à moyen et long terme. Au final, ça devrait être payant financièrement. Mais la motivation initiale, elle, est plus large.
Et quel est l’intérêt pour la start-up ?
Outre l’apport financier essentiel, cette collaboration permet de bénéficier d’un soutien ou de conseils. Pour des start-up dirigées par des fondateurs parfois jeunes ou inexpérimentés, cela peut être d’une grande valeur. Les entreprises facilitent également l’accès au marché et peuvent vous mettre en relation avec les clients que vous ciblez. Ce type de collaboration permet aussi aux start-up de gagner en reconnaissance. Collaborer avec une entreprise bien connue ou respectée peut donner un coup de pouce à votre crédibilité.
– Doivent-elles être actives toutes les deux dans le même domaine pour s’associer ?
Non. En Allemagne, par exemple, l’entreprise de médias Axel Springer a soutenu la plateforme Airbnb. Pourtant, leurs domaines d’activité sont complètement différents. Axel Springer est donc entrée sur le marché américain en tant qu’investisseuse, ce qui lui a permis ensuite d’acquérir la société américaine de médias Insider.
Ce type de collaboration présente-t-il des risques ?
Oui, tant pour les entreprises que pour les start-up. Pour les premières, cela représente inévitablement un risque financier. Très peu de start-up réussissent, il faut garder ça à l’esprit et rester réaliste. Pour les start-up, le risque le plus important est de se retrouver face à une entreprise qui exige l’exclusivité. Cela limite les possibilités et peut enrayer la dynamique. Un autre risque est de perdre le contrôle de sa start-up – et tous les bénéfices qui en découlent – en laissant une participation majoritaire à l’entreprise.

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