Govrn : l’IA au service des conseils d’administration

JEAN-LOUIS VAN HOUWE ET XAVIER PANSAERS, fondateurs de Govrn. © Thomas Blairon
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

Un logiciel qui permet aux conseils d’administration d’être plus efficaces et plus éclairés. Voilà la promesse de Govrn, start-up belge qui combine intelligence artificielle et collaboration optimisée.

Dans un contexte où les exigences en matière de gouvernance ne cessent de croître, tout comme le temps passé par les administrateurs à des tâches parfois trop administratives, l’IA peut visiblement jouer un rôle. Cela a été le parti pris par la start-up Govrn qui, depuis 2021, s’emploie à façonner un logiciel de “board management” innovant.

Aux racines de la jeune pousse, deux habitués tant de la tech que des conseils d’administration : Jean-Louis Van Houwe, qui a fondé le spécialiste des chèques-repas Monizz, et Xavier Pansaers, ancien COO d’Odoo. Les deux hommes, qui affichent nombre de rôles dans des conseils d’administration, ont constaté les limites des outils existants, souvent archaïques et mal adaptés aux besoins réels des membres de CA.

“La problématique principale réside dans la gestion du temps, explique Jean-Louis Van Houwe. Aujourd’hui, les membres des conseils passent parfois trop de temps à chercher les bons documents et à effectuer des tâches administratives plutôt qu’à se concentrer sur les décisions stratégiques.” Et cela, peu importe leur rôle, qu’il soit exécutif ou non-exécutif, indépendant ou pas, etc. Or, enchaîne le cofondateur de Govrn, “le CA est l’organe de décision fondamental qui assure la pérennité de l’entreprise. Il faut s’assurer d’une prise de décisions éclairées et de la conformité aux régulations de plus en plus complexes, telles que le RGPD ou la directive CSRD. Il faut bien utiliser le temps des membres du conseil.”

Une réponse aux difficultés du terrain

Face à ce constat, il devient évident pour le duo d’entrepreneurs que les solutions traditionnelles ne satisfont pas pleinement. Bien sûr, il existe des géants du “board management“, notamment des acteurs américains très utilisés un peu partout tels que Diligent, le “SAP de ce secteur”. Et bien sûr, il existe aussi une multitude d’outils de communication, comme Teams, mais qui ne sont pas adaptés aux spécificités d’un CA : la gestion des mandats, des votes, le suivi des actions, etc. Voilà pourquoi Govrn est né…

Conscients de l’existence d’une certaine offre sur le marché, les fondateurs ont misé sur la différenciation. Govrn ne veut pas se contenter de proposer un énième outil de gestion administrative. “En plus d’une facilité de gestion des tâches, nous avons surtout voulu donner aux administrateurs une manière d’avoir une plus grande perspective sur les sujets discutés dans un CA.”

Issus tous deux du monde de l’IT, les fondateurs ont alors rapidement envisagé de mettre l’intelligence artificielle au service de leur ambition. “Comment imaginer, sur des questions importantes, laisser un conseil d’administration passer à côté d’un sujet ou d’une décision parce qu’il se repose sur la mémoire d’un ou plusieurs de ses membres, sans accès organisé à l’historique des informations?”, insiste Jean-Louis Van Houwe. C’était bien avant le boum actuel de ChatGPT et de l’IA générative.

“Aujourd’hui, les membres des CA passent parfois trop de temps à chercher les bons documents plutôt qu’à se concentrer sur les décisions stratégiques.” – Jean-Louis Van Houwe, cofondateur de Govrn

Une IA sur mesure

Pour mettre au point son intelligence artificielle, Govrn a travaillé avec des académiques (Siris et l’UCLouvain) et a obtenu un subside d’Innoviris pour développer sa propre solution dont elle détient la propriété intellectuelle. “Nous sommes partis de l’idée de modéliser le cerveau d’un administrateur de conseil”, détaille le cofondateur de Govrn.

Le software as a service de Govrn analyse et structure les données des conseils afin de les rendre plus accessibles et exploitables. L’IA permet de créer des résumés intelligents, de gérer les actions, d’optimiser les ordres du jour et d’offrir une navigation fluide à travers les documents. Govrn a développé un assistant virtuel capable de transformer des volumes massifs de données en informations exploitables. Cet assistant virtuel permet aux membres du conseil de naviguer dans l’ensemble des documents, de poser des questions en langage naturel et d’obtenir des réponses pertinentes, étayées par les informations disponibles dans les rapports et autres documents administratifs auxquels Govrn a accès.

Un accès exclusif et sécurisé, sous forme de “donjon” pour chaque client, garantissant ainsi la confidentialité des informations traitées. En outre, ces informations restent stockées en Europe, assure la start-up. Un point clé qui, de plus en plus, semble trouver écho auprès des responsables d’entreprise. En effet, certaines sociétés cotées pourraient trouver sensible de laisser l’ensemble de leurs informations stratégiques sur des clouds, certes sécurisés, mais situés aux États-Unis…

Autre point différenciant : la collaboration

Jugeant les offres des concurrents souvent trop centrées sur l’administratif, Govrn met davantage l’accent sur l’interaction et la collaboration entre les différents membres du conseil, un point que les fondateurs jugent essentiel et trop peu souvent abordé. “Nous avons intégré des fonctionnalités collaboratives, telles qu’un module de messagerie sécurisé et un outil de navigation intelligent, qui permettent de fluidifier les échanges et de centraliser toutes les informations pertinentes en un seul endroit”, précise Jean-Louis Van Houwe, qui se plaît à montrer aussi la différence de Govrn quant à la manière de définir son prix.

“Les autres travaillent généralement avec des licences par utilisateur, enchaîne l’entrepreneur. Mais cela n’a pas beaucoup de sens, car parfois des structures de type ASBL, qui n’ont pas beaucoup de moyens, font intervenir beaucoup d’utilisateurs. Nous avons plutôt préféré déterminer un tarif selon le chiffre d’affaires de la structure qui nous utilise.”

L’usage de Govrn coûtera, en fonction notamment de ce critère, entre 3.000 et 30.000 euros par an.

Des investisseurs et des clients de renom

Pour assurer son développement, la jeune pousse de Jean-Louis Van Houwe et de l’ancien COO d’Odoo est déjà parvenue à séduire les investisseurs. En deux fois, elle a levé un million d’euros en capital et en dette, notamment auprès de finance&invest.brussels et de Belfius. Cela lui a permis de développer son produit et de démarcher ses premiers clients.

Aujourd’hui, Govrn est utilisé au sein d’une vingtaine de conseils d’administration, majoritairement en Belgique. Parmi eux, celui de son actionnaire finance&invest.brussels, mais aussi celui de la marque de lingerie Van de Velde. La société se développe également sur le marché anglais, où son équipe composée actuellement de cinq personnes voit beaucoup d’opportunités. “Si au Benelux il faut encore faire pas mal d’évangélisation, le Royaume-Uni est plus en avance sur les questions de gouvernance, détaille Jean-Louis Van Houwe. Là-bas, ils connaissent les enjeux et cherchent surtout les outils avec des éléments différenciateurs.”

Si les perspectives de développement sont prometteuses, Govrn devra néanmoins relever plusieurs défis pour consolider sa position. La start-up envisage une nouvelle levée de fonds en 2025 pour soutenir son expansion à l’international, notamment sur les marchés nordiques et allemands.

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