Gagnantes et perdantes de la génération covid: les entreprises créées durant la pandémie n’ont pas fait croître l’économie

En mars 2020, l’économie s’est quasiment arrêtée en raison de l’éclatement de la pandémie de coronavirus. Pourtant, pas moins de 120.922 entreprises ont été créées cette année-là. Lesquelles de ces entreprises sont encore debout ?

Parmi les 120.922 entreprises créées durant l’année 2020, environ deux tiers sont encore actives. La Flandre a fourni la majeure partie de ces nouveaux venus avec 72.400 starters. Pourtant, il y a un peu plus de survivantes dans la Région de Bruxelles-Capitale et la Région wallonne : alors qu’en Flandre, 64% de ces entreprises sont toujours en activité, ce pourcentage est de 67% dans les autres Régions. C’est ce qui ressort des bases de données de nos services d’analyse financière et économique Trends Top et Trends Business Information.

Voici le top 25 des starters ayant généré jusqu’à présent le plus de valeur ajoutée. Les entreprises ont également été analysées par secteur. Il en ressort que la pandémie a encore renforcé certaines tendances économiques sous-jacentes. Les secteurs dans lesquels la plupart des starters ont survécu ou échoué donnent une idée des types d’entreprises ayant le plus de chances de réussir ou non.

En tête du top 10 des secteurs dont la plupart des starters ont survécu figurent plusieurs professions financières, comme les agents d’assurance et les courtiers. Le numéro trois est la catégorie “soins de santé”. Ces entreprises apparaissent également dans le top 25 des entreprises à la plus forte croissance. “Qu’il y ait des starters et des survivantes dans le secteur de la santé est positif, déclare Tommy Browaeys, éditeur de Trends Top. Mais cela ne signifie pas encore que les pénuries ont été comblées. Nous connaissons tous les histoires de patients laissés pour compte ou devant attendre longtemps des soins. La position forte de cette catégorie correspond aussi à une autre tendance de longue date dans les soins de santé. Les médecins généralistes, spécialistes, dentistes et kinésithérapeutes se regroupent de plus en plus en pratiques de groupe.”

L’agriculture tient bon

Un peu surprenante est la forte position de la catégorie agriculture, horticulture et élevage à la quatrième place. Pourtant, le nombre d’exploitations agricoles dans notre pays diminue depuis des années. La profession est en outre exigeante en raison des nombreux investissements nécessaires et de la législation stricte en matière de protection de l’environnement et de sécurité alimentaire.

Et pourtant, les exploitations agricoles font rarement faillite. Le taux de faillite n’atteint même pas 0,1%. Pascal Flisch, analyste chez Trends Business Information, y voit une explication : “Le secteur agricole compte plus d’indépendants que de personnes morales. Deux tiers des entreprises sont des indépendants, qui font rarement faillite. Il s’agit en outre souvent d’entreprises à forte intensité capitalistique, avec bâtiments, matériel lourd, machines et terres agricoles en propriété. Cela leur permet de rester plus ou moins solvables. Un morceau de terre a toujours une certaine valeur, même dans les coins les plus reculés de la Flandre”.

Ainsi que les acteurs des travaux d’infrastructure

Le dernier de notre liste de survivantes est représenté par les acteurs des travaux d’infrastructure, qui construisent notamment ponts, tunnels, routes et chemins de fer. Les dragueurs appartiennent également à cette catégorie. La construction résidentielle souffre depuis plusieurs années d’une crise profonde, malgré un besoin élevé en logements, mais cela ne vaut pas pour cette sous-branche. C’est le seul segment du bâtiment à avoir progressé en 2024, avec une croissance de 4,1%. Cela est dû à plusieurs grands projets d’infrastructure, comme la liaison Oosterweel, l’écluse de Terneuzen et les investissements locaux en vue des élections communales de l’automne dernier. Maintenant que ces élections sont passées, un ralentissement des investissements est attendu cette année.

Pascal Flisch n’est pas entièrement satisfait du top 10 des survivantes : “À l’exception des studios de production audiovisuelle, il n’y a pas vraiment d’entreprises productives. Pas d’industrie, donc. Nous créons trop peu de telles entreprises et leur taux de survie n’est pas particulièrement élevé. Le top 10 ne contient pas non plus de secteurs exportateurs. Ce n’est pas bon pour notre balance commerciale. Notre économie repose trop sur nos propres moyens. Le top 10 est surtout composé d’intermédiaires, activités de soutien, soins et loisirs. Ils recyclent l’argent existant, mais ne font pas croître notre économie”.

“Nous créons trop peu d’entreprises productives et leur taux de survie n’est pas particulièrement élevé.” – Pascal Flisch (Trends Business Information)

Les secteurs les plus frappés

Le confinement explique pourquoi les services postaux, coursiers et livreurs à domicile ont été les plus touchés. “Ces petites entreprises, souvent des entreprises individuelles, ont poussé comme des champignons en 2020, se souvient Tommy Browaeys. Pendant la pandémie, les livraisons à domicile ont explosé. Survivre à long terme était une autre paire de manches.”

Le succès du numéro deux, les télécommunications, est plus difficile à évaluer. “C’est un secteur sensible aux entreprises fantômes. Il existe, par exemple, des établissements où vous pouvez faire réparer un smartphone. Mais ce genre d’interprétation exige une analyse plus approfondie.”

Un autre maillon faible : les magasins. “Il s’agit surtout de commerce de détail. Ce secteur est sous pression depuis longtemps. Les magasins physiques subissent les coups du commerce en ligne. Cela engendre non seulement une pression sur les prix, mais aussi une disponibilité immédiate : on peut aujourd’hui commander presque tout en ligne et le recevoir dès le lendemain, explique Tommy Browaeys. Pourtant, internet n’est pas une garantie de succès. Un certain nombre d’entrepreneurs ayant lancé une boutique en ligne pendant la pandémie ont entre-temps arrêté.”

Quant à l’horeca…

Le fait que l’horeca ait aussi été frappé n’est pas une surprise. “L’horeca est souvent perçu comme un secteur avec une faible espérance de vie. Pourtant, certains starters parviennent à transformer leur rêve entrepreneurial en succès”, nuance Tommy Browaeys. Cela ressort du classement des Trends Gazelles de cette année, la liste des entreprises à la croissance la plus rapide des cinq dernières années. Pas moins de 10 entreprises horeca figurent dans les top 5 des provinces belges et de la Région de Bruxelles-Capitale.

Sur le marché automobile, on observe aussi une vague de concentration vers des concessionnaires plus grands. “La percée des voitures électriques fait qu’il y a moins de véhicules thermiques nécessitant de l’entretien, constate Tommy Browaeys. Y a-t-il encore un avenir pour le garage local classique ?”

La lanterne rouge de la liste des plus grandes perdantes est occupée par les entreprises alimentaires. Ce secteur a également connu des années noires. D’abord, les gens ont été contraints de manger chez eux pendant les confinements. Ensuite, l’invasion russe en Ukraine a provoqué une hausse sans précédent des prix des matières premières, accompagnée d’un fort index salarial. L’association des entreprises alimentaires belges Fevia a tiré plusieurs fois la sonnette d’alarme.

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