De la Cité ardente à la Cité des Anges, l’épopée musicale de Beatsurfing

Les fondateurs de Beatsurfing, Jean Uenten (CCO) et Pascal Demez (CEO).

La société liégeoise Beatsurfing, active dans le domaine musical, lance un nouvel instrument virtuel inédit et vient d’ouvrir un bureau à Los Angeles. Focus sur son parcours atypique, débuté il y a 20 ans à Verviers, et sur ses projets.

Créée fin 2020 par deux amis, Jean Uenten (Chief Creative Officer) et Pascal Demez (CEO), la start-up Beatsurfing possède déjà un beau palmarès à son actif. Désormais quadragénaires, ces musiciens et programmeurs originaires de Verviers se sont fait connaître dans les années 2000 sous le nom de Herrmutt Lobby (HLO), un collectif comptant aujourd’hui 866.000 followers sur SoundCloud. En parallèle de leur carrière artistique sur des labels en Europe, aux Etats-Unis et au Japon, ainsi que de nombreux concerts, le duo, plusieurs fois primé, conçoit des instruments de musique virtuels pour des pointures de la scène rap et électro, une activité unique en Wallonie.

Parmi leurs collaborations les plus prestigieuses, on retrouve le rappeur A$AP ROCKY, ainsi que le producteur Fki1$t qui a travaillé avec Post Malone, Travis Scott et Nicki Minaj. “Phazz, un acteur-clé du rap français derrière les plus gros tubes d’Orelsan, de Damso et d’Angèle, ainsi que Che Pope qui a collaboré avec Dr Dre, Eminem et Carlos Santana, ont aussi validé notre technologie”, explique Jean Uenten à Trends-Tendances. Beatsurfing a également collaboré avec succès à deux campagnes de marketing pour Adidas.

Parmi leurs collaborations les plus prestigieuses, on retrouve le rappeur A$AP ROCKY.

Des plug-in révolutionnaires

La start-up se distingue par la création de plug-in audios, des instruments de musique virtuels sophistiqués destinés aux professionnels.

Ces outils numériques, intégrés à des logiciels de production musicale, sont considérés comme très performants par les experts du secteur. Ils permettent d’ajouter des fonctionnalités spécifiques, comme des effets audio (réverbération, compression, répétition avec décalage temporel), des instruments virtuels (synthétiseurs, pianos, batteries), ou encore des outils de traitement du son (égaliseurs, analyseurs de spectre).

Ces plug-in sont essentiels pour la création musicale moderne car ils offrent une alternative aux équipements physiques souvent coûteux et encombrants.

Bankrupt & revival

Le duo est sorti de l’ombre en 2014 avec l’application PlayGround, qui permettait à tout musicien, amateur ou professionnel, de télécharger et de manipuler de la musique électronique sur son mobile ou iPad, créant ainsi des variations originales. L’appli a rencontré un tel succès – 1,21 million de téléchargements sur l’App Store avec une note de 4,9/5 – qu’elle a été élue Best of App Store Award en 2016.

“Malgré cet engouement, nous n’avons pas réussi à monétiser durablement notre application, nous avons dû l’arrêter”, déclare Jean Uenten. Pendant le confinement, l’explosion de la production musicale a poussé les fondateurs de Beatsurfing à se réinventer, aidés par l’accélérateur wallon privé de start-up tech The Factory, fondé par Pierre L’Hoest. En 2015, l‘ex-CEO d’EVS Broadcast Equipment les avait déjà pris sous son aile. “Nous n’avions à l’époque pas encore vraiment pris conscience que nous étions déjà des entrepreneurs, en gérant notre petite activité. The Factory nous a permis de nous structurer un peu plus et de passer d’un petit groupe de musique à une petite entreprise”, se remémore Jean Uenten.

De la musique live

R.I.P donc Playground, le duo de “luthiers numériques” sort de ses cartons, en plein covid, une nouvelle app : Beatsurfing 2, destinée aux professionnels du secteur. “Avec Playground, la demande la plus fréquente était la possibilité de créer ses propres contenus musicaux, ce qu’elle ne permettait pas. Avec Beatsurfing 2, c’est désormais possible”, explique le CCO de la société.

L’application disponible sur iPad permet de créer, expérimenter et intégrer des modèles musicaux en temps réel. Elle attire rapidement l’attention de grands noms du rap et de l’électro à l’international. “Là où nous innovons, c’est dans l’interprétation en temps réel de nos instruments virtuels, c’est une vraie rupture avec ce qui existe déjà”, souligne Jean Uenten.

Les Liégeois dévoilent aujourd’hui “Random Metal”, un nouvel instrument numérique qui permettra aux artistes de jouer toutes sortes de percussions aux sonorités métalliques – hi-hat (charleston), cymbale, shaker, cowbell (cloche) – de manière aléatoire. “Au-delà de cette sortie, notre ambition est de créer un nouveau format de plug-in, avec des axes d’expression innovants et une interaction inédite entre les différents plug-in, une fonctionnalité encore absente sur le marché”, ajoute Jean Uenten.

“Là où nous innovons, c’est dans l’interprétation en temps réel de nos instruments virtuels.” – Jean Uenten

Orelsan investit “un ticket”

La start-up a mené ces deux dernières années une levée de fonds d’1,2 million d’euros pour financer ses projets. Ici aussi, ses fondateurs ont pu compter sur le soutien des stars du monde musical comme FKI 1st, Phazz, Orelsan, Ablaye & Skread. On retrouve également dans ce tour de table des sociétés de capital-risque (The Faktory, Leansquare et Ostbelgieninvest) et des business angels (parmi eux Antoine d’Ydewalle de 4Ventures, Christopher Juste et Claire Munck de BeAngels).

Romain Pouillon, ex-directeur de Beatport, la plus grande plateforme au monde de téléchargement de ressources pour DJ, et Matt Peeling, fondateur de Loopmasters, une des plus grosses plateformes de vente d’échantillons musicaux, ont aussi investi “un ticket”.

Le marché des plug-in audios est en plein essor, avec des perspectives de croissance prometteuses.

Destination L.A.

Ce financement permettra de soutenir le fonctionnement de l’équipe d’une dizaine de personnes. “En dehors des ressources humaines, nos dépenses se concentrent principalement sur nos bureaux en Belgique et à Los Angeles”, avance Jean Uenten.

Depuis le printemps dernier, la société a réalisé un rêve qu’elle nourrissait depuis des années et qui avait été repoussé à cause du covid: ouvrir un bureau dans la Cité des anges, avec un soutien appuyé de l’Awex. Une étape cruciale dans son développement. “S’installer à Los Angeles est primordial pour être au plus près des artistes avec qui nous collaborons mais aussi pour pouvoir en approcher de nouveaux. Il existe dans cette ville un mindset et une force de networking très propice à l’évolution et à la croissance de notre boîte”, commente, enthousiaste, Jean Uenten.

Un marché en pleine expansion

Le marché des plug-in audios, boosté par la forte émulation musicale générée durant la crise sanitaire, est en plein essor, avec des perspectives de croissance prometteuses. Il devrait atteindre 3,25 milliards de dollars d’ici 2030 (3 milliards d’euros), contre 1,20 milliard en 2023, avec un taux de croissance annuel moyen de 15,2 % au cours de la période de prévision.

Pour répondre à cette demande croissante, les fondateurs de Beatsurfing prévoient une augmentation de capital dont les derniers résultats, selon leurs dires, “dépassent leurs espérances et soutiennent pleinement la valorisation de leur société”, sans pouvoir nous dévoiler de chiffres plus précis à ce stade.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content