2024 sera une année cruciale pour l’appli sportive Strava

Maintenant que les classiques cyclistes de printemps ont commencé, les amateurs peuvent comparer leurs parcours d’entraînement avec les temps d’athlètes de haut niveau tels que Wout van Aert ou Lotte Kopecky. Ils le font grâce à l’application de fitness et de suivi Strava. 
Avec un nouveau CEO, l’entreprise technologique américaine s’apprête à vivre une année charnière.

Le youtuber flamand Average Rob – Rob Van Impe pour l’état civil – a récemment figuré dans le palmarès des Strava awards, que l’application américaine de fitness et de tracking a remis à la fin de l’année 2023. Average Rob a reçu le prix du “ Meilleur suivi de l’année ”. Le YouTuber a en effet réussi l’exploit de terminer un triathlon Iron Man avec son frère après à peine huit mois d’entraînement. Comme beaucoup d’athlètes, il a suivi ses nombreuses séances d’entraînement sur Strava. Ses séances ont été regardées avec avidité sur ­Instagram et YouTube, où Average Rob a des centaines de milliers de followers.

“J’ai enregistré chaque séance d’entraînement sur Strava, car si ce n’est pas sur Strava, est-ce que cela s’est vraiment passé ? ”, a expliqué Rob Van Impe après avoir reçu son prix. C’est cette combinaison de suivi, de réseau social où vous pouvez partager vos données avec d’autres et de gamification qui rend l’application Strava irrésistible pour les utilisateurs. Par exemple, vous pouvez comparer votre ascension à vélo du ­Qaremont ou du mont Kemmel avec celle d’autres athlètes. Si vous êtes très bon, vous pouvez même figurer sur le tableau des leaders.

Depuis la création de Strava en 2009, l’application a connu une croissance fulgurante. Aujourd’hui, elle compte 100 millions d’utilisateurs dans 195 pays. Plus de 40 millions d’activités sont téléchargées chaque semaine. L’année dernière, plus de 10 millions de “ kudos ” ont été attribués – avec ces “ kudos ”, vous donnez un coup de pouce à quelqu’un pour sa performance. L’application est aussi devenue un phénomène culturel, certains utilisateurs planifiant leurs séances d’entraînement de telle sorte que leurs parcours dans l’application forment un dessin, un cœur par exemple.

Vestiaire virtuel

Mais aussi connue que soit l’application, la firme qui en est à l’origine est beaucoup moins visible. Pourtant, 2024 sera une année cruciale pour l’entreprise américaine dont le nom vient du mot suédois sträva, qui signifie “ s’efforcer ”. Depuis janvier, la société est dirigée par un nouveau CEO, Michael Martin, qui a succédé à Michael Horvath. Ce dernier, professeur d’économie, et son associé Mark Gainey regrettaient l’esprit de camaraderie qui régnait dans leur équipe d’aviron quand ils étudiaient à Harvard. “Et si nous créions un vestiaire virtuel où les athlètes pourraient afficher et commenter leurs performances ”, ont-ils pensé. La réponse à cette question est devenue Strava.

La base d’utilisateurs de cyclistes, de coureurs et d’autres athlètes s’est développée à pas de géant. Pour des raisons personnelles, Michael Horvath a cédé le poste de CEO à son copain Mark Gainey en 2013 puis des CEO externes ont suivi en 2014 et 2017: Erik Joule et James Quarles, respectivement – ce dernier étant arrivé du réseau social Instagram. A l’époque, Strava ne voulait pas lâcher un modèle publicitaire classique basé sur sa communauté d’utilisateurs, mais expérimenta des abonnements qui permettaient de payer pour des analyses supplémentaires, et des partenariats avec des entreprises. Au cours de la première décennie, l’entreprise était manifestement encore à la recherche de l’adéquation entre son produit et le ­marché.

En 2019, les fondateurs Michael Horvath et Mark Gainey revenaient à la tête de l’entreprise. Et puis vint 2020, avec la pandémie de covid. D’un coup, le nombre d’utilisateurs grimpa, et l’entreprise devint rentable. Strava avait donc le vent en poupe lorsqu’elle boucla son sixième tour de table, levant 110 millions de dollars via des fonds de capital-risque américains emblématiques tels que Sequoia et TCV, avec la participation d’une poignée d’autres fonds. Un tour de table qui a transformé Strava en licorne, soit une jeune entreprise technologique privée valant plus d’un milliard de ­dollars…

Un profil différent

Après le tour de table, le message était clair : Strava devait passer à l’étape suivante de son développement et devenir un tracker de fitness leader et rentable – un domaine où la concurrence est rude. C’est ainsi qu’une série d’annonces a été faite à partir de 2020. Un paywall a été mis en place, obligeant les utilisateurs à payer 5,83 euros par mois pour utiliser davantage de fonctionnalités et d’outils. Strava a aussi lancé sa propre application de messagerie l’année dernière et fait sa troisième acquisition avec Fatmap, une société britannique qui propose des cartes et des itinéraires en 3D pour les randonneurs qui aiment marcher en montagne.

Selon la plateforme d’applications Business of Apps, le chiffre d’affaires de Strava devrait atteindre 220 millions de dollars d’ici 2022, si bien que l’année dernière, Michael Horvath a annoncé pour la deuxième fois qu’il renonçait au rôle de CEO. Celui-ci a estimé qu’il fallait quelqu’un avec un profil différent pour mener l’entreprise dans sa prochaine phase. Les fonds tels Sequoia veulent en effet que leur investissement soit rentable, par exemple par le biais d’une introduction en Bourse ou d’une vente. La recherche d’un successeur a duré près d’un an, puis le choix s’est porté sur Michael Martin, qui dirigeait YouTube Shopping, propriété de Google, où des personnes et des marques font la publicité de leurs produits dans des vidéos. Auparavant, Michael Martin travaillait chez Nike, où il s’occupait notamment des applications de fitness de l’entreprise. Le nouveau CEO n’a pas encore dévoilé ses plans de développement de l’entreprise.

Y aura-t-il de nouvelles acquisitions ou des accords avec des fabricants de vêtements et d’équipements de sport pour acheter leurs produits sur Strava ? De nouveaux services seront-ils développés à partir de la montagne de données dont dispose l’entreprise ? La plateforme internet Strava Metro, vieille de 10 ans, est désormais gratuite. Des collectivités comme la Ville de Paris utilisent les données qu’elle contient pour améliorer leurs infrastructures pour les cyclistes et les coureurs.

Quoi qu’il en soit, l’entreprise reste attachée aux partenariats. La semaine dernière, Strava et Fi Smart Collar ont annoncé que les propriétaires de chiens pouvaient désormais intégrer l’activité de leur animal dans l’application Strava. Fi est un collier doté d’un capteur pour chiens, qui permet de suivre l’activité de nos amis à quatre pattes. 76 % des utilisateurs de Strava possédant un animal de compagnie affirment que ce ­dernier les motive à faire de ­l’exercice.