Scission de Solvay, quelles conséquences?
Trois questions à Arnaud Delaunay, économiste en chef de la société de Bourse Leleux.
La scission de Solvay en deux entités (Syensqo et Solvay) ne suscite pas l’enthousiasme du marché. Ni celui de l’économiste en chef de la société de Bourse Leleux.
– TRENDS-TEANDANCES. Quand un groupe scinde ses activités, l’impact est-il en général positif?
– ARNAUD DELAUNAY. Que ce soit des scissions, des rachats ou des fusions, dans 70% des cas, il y a un énorme écart à la baisse entre ce qui est annoncé et les retombées réelles et concrètes pour les investisseurs. Je ne dis pas que l’impact est négatif mais les perspectives doivent la plupart du temps être revues à la baisse. C’est pour cette raison que le plan de Solvay ne suscite pas d’euphorie sur les marchés. Le titre de l’entreprise a perdu plus de 6% en deux jours à la Bourse de Bruxelles. Il n’y a pas de ruée sur les actions dans l’espoir de bénéficier des retombées de la stratégie de scission.
– Que pourrait faire l’entreprise pour se retrouver parmi les 30% où l’opération se révèle fructueuse?
– Il y a un facteur qu’on oublie trop souvent: la chance. Peut-être qu’une nouvelle technologie ou une thématique émergera et portera Solvay. Mais cela peut aussi être l’inverse. Il y a trop de variables dans l’économie mondiale moderne pour pouvoir anticiper correctement les choses. Je pense que l’avenir de Solvay, comme de l’industrie européenne en général, dépendra beaucoup de l’évolution des prix de l’énergie. C’est la clé. Avec des prix élevés de l’énergie et des matières premières, ce sera compliqué pour les industries européennes. Qui plus est avec l’Inflation Reduction Act de Joe Biden.
– Les précédentes opérations de Solvay avaient-elles généré le gain escompté?
– Solvay a acquis Rhodia en 2011, Chemlogics en 2013 et Cytec en 2015. Le but était de rendre l’entreprise moins sensible aux cycles économiques. Sur le plan comptable, effectivement, les flux de trésorerie de l’entreprise sont devenus moins volatils. Sur le plan boursier, en revanche, les évolutions du titre Solvay sont toujours autant corrélées au cycle économique. Le rachat de Cytec, un groupe américain actif dans l’aéronautique et l’automobile, fut un point de bascule. Depuis 2015, le titre s’est détaché de l’évolution de l’indice Stoxx Europe 600, il est devenu plus volatil et se situe globalement en dessous de cet indice.
Entendons-nous: j’ai envie de croire en cette stratégie de Solvay. Mais mon expérience me rappelle que les chiffres économiques et la réalité boursière ne sont pas forcément alignés. Ce que l’on ne connaîtra jamais, cependant, c’est ce que serait devenu Solvay sans ces acquisitions ou sans la scission de ses activités.
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