Pour s’imposer sur le créneau du leasing en proposant des véhicules d’occasion, la scale-up belge Lizy veint de trouver 75 millions d’euros d’argent frais pour continuer à se développer. Rencontre avec son CEO et cofondateur Sam Heymans.
La scale-up bruxelloise Lizy, spécialisée dans le leasing de voitures électriques et d’occasion, vient de lever 75 millions d’euros (10 millions en capital et 65 millions en dette) notamment auprès de ses partenaires historiques : D’Ieteren, Alychlo (le véhicule d’investissement de Marc Coucke) et NewAlpha Asset Management.
Son CEO et cofondateur Sam Heymans détaille l’ambition européenne de l’entreprise, son virage technologique autour de l’intelligence artificielle et la manière dont le modèle s’adapte à l’essor des véhicules électriques.
Trends-Tendances : Vous venez de lever 75 millions d’euros. Quel est l’objectif principal de cette opération ?
Sam Heymans : Nous voulons avant tout consolider notre avance technologique. Lizy est aujourd’hui l’acteur le plus digital de son secteur en Europe et nous voulons le rester. L’investissement va nous permettre d’automatiser encore davantage nos processus grâce à l’intelligence artificielle et d’améliorer l’expérience client. Par ailleurs, la dette contractée servira principalement à financer l’achat de voitures, un besoin structurel de notre activité.
Vous insistez beaucoup sur l’automatisation. Concrètement, comment l’IA change-t-elle votre fonctionnement ?
S.H. : L’IA nous fait déjà gagner environ 20 % de capacité de travail. Des tâches qui nécessitaient auparavant plusieurs personnes sont aujourd’hui automatisées. Par exemple, la gestion des amendes, l’immatriculation des véhicules ou encore le traitement des factures provenant de fournisseurs internationaux. Cela permet à nos 60 collaborateurs de se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée.
A l’ère de l’IA, on sait qu’on peut faire plus avec moins de gens. Pourquoi levez-vous quand même autant ?
S.H. : Parce qu’en parallèle, la complexité augmente. Nous sommes actifs en Belgique, en France et aux Pays-Bas. Chaque marché a ses spécificités réglementaires, technologiques et marketing. L’IA réduit le besoin en effectifs, mais elle ne supprime pas la nécessité d’investir dans le produit, la technologie et le service client. Et la technologie, c’est aussi des gens qui la développent…
Quelle part de cette levée servira au développement international ?
S.H. : Une part importante. La France connaît une croissance fulgurante : en un an, nous y avons multiplié nos ventes par 3,5. Dans notre activité, la Franc est moins grande que la Belgique pour le moment, mais la croissance de ce marché pour nous est plus forte que le marché belge. Aux Pays-Bas, où nous venons de lancer l’activité, la dynamique est meilleure qu’à nos débuts en Belgique. À court terme, il s’agit de consolider ces trois marchés. Mais si cette traction se confirme, un quatrième ou cinquième pays pourrait suivre dans les 12 à 18 mois. Mais pas en 2026.
Votre modèle repose essentiellement sur les véhicules électriques aujourd’hui. Pourquoi sont-ils si intéressants pour Lizy ?
S.H. : D’abord, parce qu’ils s’amortissent mieux. Les voitures électriques perdent rapidement de la valeur neuve, ce qui nous permet de les acquérir à prix réduit. Ensuite, elles nécessitent moins de maintenance et peuvent être relouées plusieurs fois. Aujourd’hui, environ 83 % de notre flotte est électrique. Cela nous permet de proposer un prix jusqu’à 100 euros moins cher, par mois, qu’un leasing traditionnel, tout en restant rentables.
Le modèle économique évolue donc ?
S.H. : Oui. Nous remettons déjà 70 % de nos voitures en leasing après la fin du premier contrat. Avec l’électrique, cette logique du multicycle s’accélère. C’est une vraie rupture par rapport au leasing traditionnel.
Justement, comment réagissent les acteurs historiques du leasing ?
S.H. : Beaucoup observent attentivement ce que nous faisons. Mais transformer un modèle centré sur les voitures neuves vers l’occasion et l’électrique n’est pas simple, surtout dans des organisations lourdes. Nous avons l’avantage d’être nés avec ce modèle et d’avoir mis le digital au cœur dès le départ.
Vous parlez de croissance maîtrisée. Qu’est-ce que cela signifie ?
S.H. : Notre chiffre d’affaires a doublé en 2024 pour dépasser les 20 millions d’euros, après plus de 10 millions en 2023. Et on fera plus en 2025… Sur chaque contrat, nous gagnons de l’argent : le core business est rentable. Mais nous réinvestissons fortement dans la technologie et les équipes pour soutenir la croissance future.
Vous inscrivez-vous quand même dans la dynamique des start-up qui lèvent beaucoup de fonds pour croître, mais verront plus tard pour la rentabilité ?
S.H. : Non, nous misons sur une croissance saine. Nous ne faisons pas partie de ces start-up qui ont « brûlé du cash » dans la bulle de 2021-2022. La dette, paradoxalement, nous discipline : les banques examinent attentivement notre rentabilité. Nous visons une croissance rapide, mais pas à tout prix.
Quels sont vos effectifs aujourd’hui et vos ambitions en la matière ?
S.H. : Lizy compte environ 60 collaborateurs. Nous avons une dizaine de postes ouverts, mais nous n’avons pas d’objectif chiffré sur les effectifs. Notre priorité est d’engager des profils capables de combiner vision business et compréhension technologique. La croissance de l’équipe suivra celle du marché, mais toujours avec cette logique de rentabilité.