Salaires: la directive européenne pourra-t-elle briser le tabou belge?

En Belgique, parler de son salaire reste un sujet délicat, voire tabou. Pourtant, une directive européenne sur la transparence salariale vise à lever le voile sur les écarts de rémunération et à favoriser l’égalité entre hommes et femmes. Mais cette nouvelle législation suffira-t-elle à briser les réticences profondément ancrées dans la culture belge ? Employeurs et travailleurs restent partagés.
On parle souvent de l’écart salarial entre les salaires des hommes et des femmes, un phénomène qui perdure. En Europe, les hommes gagnent en moyenne 13 % de plus que leurs homologues féminines.
« La Belgique figure parmi les meilleurs élèves, avec un écart salarial de 5 %. Ce qui est bien inférieur à la moyenne européenne de 13 %. Mais la discrimination salariale n’a pas sa place sur le marché du travail de demain », déclare Yves Stox, Managing Consultant chez Partena Professional. La mise en œuvre de la directive sur la transparence des salaires constitue une première étape vers l’égalité salariale, mais le chemin reste long, tant pour les employés que pour les employeurs.
Le “salary tabou” des Belges

Cette directive européenne vise à fournir aux salariés les outils nécessaires pour aborder la question des rémunérations de manière transparente. Mais elle se heurte à un obstacle de taille : le tabou profondément ancré dans la culture belge autour des salaires.
Une récente étude de Partena Professional, menée en collaboration avec le professeur d’économie du travail Stijn Baert, révèle que près de la moitié des travailleurs belges (46 %) n’oseraient pas se renseigner sur les salaires moyens au sein de leur entreprise, même après l’entrée en vigueur de la nouvelle législation.
« Cette réticence est plus marquée en Belgique francophone qu’en Flandre et touche davantage les travailleurs plus âgés », souligne le professeur Stijn Baert.
Toutefois, l’étude met aussi en lumière un aspect positif, comme le souligne Yves Stox : « Un travailleur belge sur quatre estime que sa position de négociation s’améliorera grâce à la directive sur la transparence salariale. Étonnamment, il n’y a pas de différence significative entre les hommes et les femmes. Bien que la directive vise à réduire les inégalités, tous pensent qu’ils en bénéficieront. »
Une directive encore méconnue des employeurs
Si la transparence salariale inquiète certains employeurs, beaucoup semblent encore mal informés. L’étude de Partena Professional révèle que seulement 20 % d’entre eux connaissent l’existence de la directive et ses implications. De plus, plus d’un tiers (36 %) n’a encore élaboré aucun plan concret pour s’y conformer, alors que son application est prévue pour 2026. Heureusement, 60 % des employeurs sont conscients des obligations qui les attendent.
« Chez les employeurs néerlandophones, cette proportion atteint 42 % », précise Stijn Baert. « De plus, seule une courte majorité (58 %) des employeurs belges trouve normal que les employés connaissent les salaires de leurs collègues. »
Ce qui préoccupe le plus les entreprises, ce sont les répercussions financières : 26 % des employeurs s’inquiètent de l’impact de la directive sur l’évolution des salaires, et 34 % craignent une hausse des coûts salariaux. Cette crainte est plus marquée en Flandre, où 42 % des employeurs redoutent une augmentation des charges salariales.
Enfin, la directive atteindra-t-elle réellement son objectif d’égalité salariale ? Les avis restent partagés : 46 % des employeurs estiment qu’elle contribuera à réduire l’écart de rémunération entre hommes et femmes, tandis que 51 % pensent qu’elle n’aura aucun impact.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici