Rosenblatt, Tacheny, Adelbrecht… la cinquantaine et poussés vers la sortie par RTL: que deviennent-ils?
Stéphane Rosenblatt, Freddy Tacheny et Eric Adelbrecht partagent plusieurs points communs. Ils ont la cinquantaine, occupé des postes de direction chez RTL Belgique et été tous trois poussés vers la sortie. Depuis, ces quinquas ont intelligemment rebondi et animent les médias avec de nouveaux projets. Portraits croisés.
Il a le regard franc et le verbe posé. A tout juste 59 ans, Stéphane Rosenblatt entame une nouvelle vie, presque malgré lui. Certes, son environnement professionnel reste ancré dans le monde des médias, mais l’ancien n° 2 de RTL Belgique découvre aujourd’hui les ” joies ” du statut d’indépendant. ” J’ai été salarié pendant 33 ans dans la même entreprise et, en juillet dernier, on m’a licencié sans préavis, ni indemnités, raconte l’ex-directeur de la télévision privée. Cela a été un choc et il m’a fallu du temps pour le digérer. C’est aussi une cassure qui oblige à une introspection sur ce qu’on veut vraiment faire de sa vie. ”
Dans cette longue réflexion entamée il y a six mois à peine, Stéphane Rosenblatt a isolé des valeurs qui se sont depuis transformées en mantra : ” être utile, transmettre un savoir et une expérience, rendre service aux plus jeunes “, dit-il. Si l’homme a été rapidement approché par des entreprises liées au monde des médias après son licenciement, c’est la proposition d’un certain Boris Portnoy qui a finalement retenu toute son attention. Ce serial entrepreneur dans l’audiovisuel s’est en effet associé à deux anciennes figures du journal L’Echo – l’ex-rédacteur en chef Joan Condijts et le journaliste politique Martin Buxant – pour lancer LN24, la première chaîne belge d’informations en continu qui devrait voir le jour dans quelques mois.
On ne repart jamais de zéro quand on a 50 ans.” – Freddy Tacheny
” C’est un projet exaltant pour lequel j’oeuvre aujourd’hui en tant que consultant, explique Stéphane Rosenblatt. Je suis une espèce de couteau suisse au service d’une équipe qui sait très bien ce qu’elle veut faire, mais qui a besoin d’expérience. Je nourris donc leur réflexion sur différents aspects de la phase de lancement comme la conception des grilles, les procédures d’engagement ou encore l’élaboration des émissions. LN24 me ramène intellectuellement à de merveilleux souvenirs comme le lancement de Bel RTL en 1991. J’y retrouve l’esprit start-up et je crois fondamentalement au projet. ” Un défi qui a également séduit quatre grands acteurs économiques : Belfius Insurance, Besix, Giles Daoust (CEO de la société d’intérim du même nom) et Ice-Patrimonial (propriété de Jean-Pierre Lutgen, le patron d’Ice-Watch) ont largement contribué à la constitution du capital de LN24, soit 4,5 millions d’euros au total, le solde étant apporté par le trio fondateur Condijts-Buxant-Portnoy.
Spéculations et rebond
Boosté par cette nouvelle aventure audiovisuelle, Stéphane Rosenblatt n’en reste pas moins meurtri par la brutalité de son licenciement pour lequel une action en justice est toujours en cours. Ce brusque changement de carrière l’a également propulsé à l’avant-scène du grand ” mercato des médias ” où d’aucuns le verraient bien rejoindre un jour le service public. A l’automne prochain, un appel à candidatures sera en effet lancé pour le poste de directeur général du pôle contenus de la RTBF actuellement occupé par François Tron qui sera pensionné à la fin de l’année. Le costume semble taillé sur mesure pour l’ancien homme de radio qui était encore officiellement directeur de la télévision en charge des contenus transversaux de RTL Belgique il y a six mois à peine, mais le principal intéressé botte immédiatement en touche lorsqu’on évoque cette hypothèse : ” La question n’est pas d’actualité, tranche-t-il d’emblée. No comment “.
Une chose est sûre, Stéphane Rosenblatt reste pour l’instant consultant indépendant et ne lancera jamais sa propre entreprise comme l’a fait son ancien patron Freddy Tacheny qui fut directeur général de RTL Belgique pendant une dizaine d’années. Egalement poussé vers la sortie par l’administrateur délégué Philippe Delusinne en novembre 2011, ce passionné de motos avait quitté le groupe audiovisuel à 50 ans pour lancer finalement son propre business après quelques mois de réflexion.
Baptisée Zelos, la société de Freddy Tacheny est spécialisée dans ” l’optimisation économique du sport au sens large ” et compte aujourd’hui une cinquantaine de collaborateurs répartis entre la France et la Belgique. Son champ d’activités va de l’organisation de compétitions et de séminaires à la production de contenus médias liés au sport, en passant par le management de clubs ou d’athlètes de haut niveau comme par exemple le pilote Xavier Siméon en Moto GP. Zelos est également en charge de la commercialisation du circuit Jules Tacheny à Mettet et son CEO est aussi actionnaire majoritaire et président du club de basket français Sharks d’Antibes.
Une nouvelle régie
Il y a deux semaines à peine, Freddy Tacheny s’est à nouveau placé sous le feu des projecteurs médiatiques en signant un partenariat inédit avec la régie publicitaire de la RTBF. La RMB et Zelos ont en effet lancé une filiale commune, Sport & Media Saleshouse (SMS), qui réunit l’expertise des deux entreprises. Concrètement, SMS est une nouvelle régie publicitaire qui veut positionner le sport comme un média à part entière et qui aide donc les annonceurs à s’illustrer au mieux dans divers événements. Conseils stratégiques, création de contenus spécifiques, activations sur le terrain, etc. : l’offre de SMS est large et la régie entend être le trait d’union idéal entre les différents médias de la RTBF et les marques soucieuses d’intégrer le volet sportif dans leur stratégie de communication.
” Après mon départ de RTL Belgique, j’ai refusé des postes que m’avaient proposés trois grands groupes qui étaient chacun n° 1 dans leur secteur respectif, à savoir la presse écrite, les agences médias et la télédistribution, confie Freddy Tacheny. J’ai refusé l’irrefusable parce que l’appel de l’entrepreneuriat était trop fort pour moi. Je voulais construire ma propre entreprise et c’est ma passion pour le sport qui a servi de déclencheur, même si, dans les années qui ont suivi, j’ai également endossé le rôle de consultant pour des chaînes de radio. ” Depuis trois ans, le patron de Zelos est également stratège pour Ngroup, la structure qui chapeaute les marques Nostalgie, NRJ et Chérie en Fédération Wallonie-Bruxelles. ” Un rôle consultatif et inspirationnel qui me permet de garder un pied dans les médias “, ajoute l’ancien directeur de RTL Belgique.
De son expérience singulière, Freddy Tacheny tire aujourd’hui un enseignement dont peuvent profiter d’autres quinquagénaires en mal de repères. ” Je suis parti d’une feuille blanche et j’ai investi tout ce que j’avais dans cette nouvelle entreprise, synthétise Freddy Tacheny. A 50 ans, on a moins de temps à vivre pour réaliser quelque chose, certes, mais on a l’avantage du background appris dans un grand groupe. On a l’expérience, le réseau et l’expertise que l’on peut facilement combiner avec la souplesse et la flexibilité d’une PME. Cet acquis important permet de gagner beaucoup de temps ; ce temps que l’on n’a plus. Je pense que je ne gérerais pas Zelos de la même façon si je n’avais pas été chez RTL Group et si je n’avais pas eu cette rigueur et cette approche médiatique que m’a apportées ce grand groupe. Cela m’a permis d’atteindre un résultat beaucoup plus rapidement que si je m’étais lancé plus tôt. A vrai dire, on ne repart jamais de zéro quand on a 50 ans. ”
Oser la spirale positive
Ironie du destin : c’est aussi à 50 ans qu’Eric Adelbrecht s’est vu signifier la fin de son contrat de directeur des radios chez RTL Belgique en mai dernier. Mais contrairement à ses deux anciens collègues Stéphane Rosenblatt et Freddy Tacheny, ce troisième expert du monde des médias n’a pas été obligé de prendre complètement la porte. L’administrateur délégué Philippe Delusinne lui a en effet proposé de poursuivre une mission de consultance au sein de RTL House, pour éviter de le voir filer à la RTBF ou chez Ngroup, confient plusieurs sources en interne.
Homme de radio chevronné, Eric Adelbrecht devait initialement préparer les dossiers de candidature de Bel RTL, Contact et Mint pour les nouveaux plans de fréquence FM et DAB+ établis par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Mais une nouvelle carte a bouleversé la donne. Fort de sa ” nouvelle indépendance “, le tout jeune quinqua s’est en effet lancé dans l’aventure entrepreneuriale et vient de s’offrir deux réseaux de radios provinciales bien connues des auditeurs du sud-est de la Belgique : Maximum FM basée à Liège et Must FM active dans les provinces de Namur et du Luxembourg. Il devient ainsi patron d’une dizaine d’employés, mais ne renonce pas pour autant à son activité de consultant pour RTL Belgique. ” J’aurais pu effectivement couper le cordon avec mon ancien employeur, mais je ne souhaite pas me priver d’une certaine dynamique, confie Eric Adelbrecht. Bien sûr, j’ai vécu un choc l’année dernière, mais j’ai préféré me mettre dans une spirale positive et non pas négative. Aujourd’hui, je ne me sens pas menotté à RTL Belgique. Ma mission de consultance est un projet parmi d’autres. ”
Même s’il reste toujours conseiller auprès de l’administrateur délégué, Eric Adelbrecht a toutefois dû se retirer du dossier ” plan de fréquence ” puisqu’il est devenu lui-même opérateur et donc concurrent potentiel des radios du groupe RTL. Son rôle se limite donc désormais à une expertise stricte sur le média radio en tant que tel – ” j’agis dans la réflexion macro-économique et non plus dans la programmation des radios de RTL “, explique-t-il – et il réserve dès lors ses compétences opérationnelles à ses deux nouveaux réseaux provinciaux.
Deux radios et un resto
” Pour moi, l’importance du contenu régional est primordiale et c’est ce que j’entends promouvoir dans les prochains mois avec ces réseaux provinciaux grâce à mes 30 années d’expérience, poursuit Eric Adelbrecht. Must FM et Maximum FM garderont chacune leur identité, mais les deux radios vont évidemment se rapprocher avec la base line commune ‘Le son de votre région’. Les nouveaux logos adopteront aussi les mêmes codes visuels et il y aura également une mutualisation des moyens disponibles. ”
Entrepreneur dans l’âme, ce grand spécialiste des ondes semble insatiable et a même d’autres projets en magasin, à commencer par le développement du restaurant qu’il a acquis il y a un an à peine. ” J’ai toujours été attiré par la notion de commerce et par le contact avec les gens, confesse-t-il. J’ai donc racheté un restaurant italo- espagnol à Namur qui s’appelle Emocion, avant que je ne sois écarté de la direction des radios chez RTL. C’est un projet qui est indépendant de mon parcours professionnel et qui peut se révéler chronophage, mais qui est tout aussi passionnant parce que l’on peut créer de la valeur et voir rapidement le résultat. Cela nourrit mon côté entrepreneur, tout comme cette nouvelle aventure que je mène aujourd’hui avec Must FM et Maximum FM. ”
Le message d’espoir reste intact : chez RTL comme ailleurs, la vie aussi peut commencer à 50 ans.
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