En 25 ans, Rituals Cosmetics est passée d’une start-up amstellodamoise à une chaîne internationale de produits de luxe et de bien-être. Après de solides bénéfices en 2024, 10 % du bénéfice net seront désormais consacrés à des œuvres caritatives. « Nous le faisons avant tout parce que nous pensons que c’est notre responsabilité », déclare Raymond Cloosterman, PDG et fondateur.
Le jour où nous rencontrons Raymond Cloosterman, Rituals Cosmetics ouvre justement une boutique temporaire à Knokke-Heist. Pas une simple boutique éphémère, précise le PDG, mais un véritable espace de détente – baptisé Mind Oasis – équipé de lits de massage, d’aquajets et de luminothérapie. « Le stress est l’un des principaux maux de nos sociétés. En tant que marque de bien-être, nous voulons y répondre », dit Raymond Cloosterman.
Rituals fête cette année son quart de siècle. Cloosterman, un économiste néerlandais, a fondé l’entreprise en 2000 après avoir travaillé plusieurs années pour la multinationale alimentaire et cosmétique Unilever.
Dès le début, Rituals a opté pour un positionnement de luxe accessible. « À l’époque, on se moquait parfois de nous », se souvient Raymond Cloosterman. Aujourd’hui, Rituals a des allures de marque mondiale. Fin 2024, l’entreprise comptait plus de 1 300 boutiques dans 33 pays. Rien qu’en Belgique il y a 62 magasins Rituals. « Nous avons créé notre propre segment. En interne, nous appelons cela “Redefining luxury” : le prestige combiné à l’accessibilité et à un impact positif. »
Une stratégie gagnante
Cette approche porte ses fruits. Le chiffre d’affaires a augmenté de 21 % en 2024, atteignant 2,1 milliards d’euros. « C’est le résultat d’une combinaison de croissance organique, de fortes innovations et de l’ouverture d’en moyenne une boutique par jour ouvrable », explique Cloosterman. « Et nous ne sommes encore qu’au début. »
« J’ai besoin d’innovation pour continuer à évoluer. Je veux construire quelque chose qui existera encore dans cent ans »
Des fonds propres
Pour 2025, Rituals vise un chiffre d’affaires de plus de 2,4 milliards d’euros, avec une croissance en Europe et une présence accrue en Asie. « Tandis que des marchés clés comme la France, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni continuent de porter la croissance, on jette les bases de notre expansion future en Asie. »», précise Cloosterman.
Cette expansion nécessite néanmoins d’importants investissements. « Rien qu’en 2024, cela représentait 241 nouveaux magasins. Nos capex (investissements en immobilisations) se sont élevés à 175 millions d’euros. »
Pourtant, l’entreprise, dont le résultat net a grimpé à 463 millions d’euros en 2024, n’a pas besoin de recourir à un financement externe. « Parce que notre EBITDA (résultat opérationnel brut) augmente plus vite que le chiffre d’affaires, des économies d’échelle se créent. Nous pouvons continuer à investir avec nos propres moyens. »
Cette marge financière permet une nouvelle étape. À partir de l’exercice 2025, Rituals introduit le “10% Profit Pledge” : elle investira alors 10 % du bénéfice net dans des initiatives et projets à impact social ou environnemental. Selon Rituals, cela représenterait un montant attendu de 300 à 400 millions d’euros sur les dix prochaines années, si la rentabilité se maintient au même niveau.
Humain et planète
La décision de donner 10 % du bénéfice net chaque année ne s’est pas prise du jour au lendemain. Au départ, Rituals souhaitait surtout réduire son empreinte. Depuis quelques années, la marque est certifiée B Corp – un label accordé aux entreprises qui mesurent et améliorent leur impact social et écologique. Pour Cloosterman, cela ne suffisait pas : « B Corp concerne surtout la réduction de l’impact négatif. Nous voulions voir si nous pouvions aussi avoir un impact positif. »
Lors d’un programme de développement de leadership, l’idée d’une promesse de bénéfice a émergé. Cloosterman : « La pérennité de l’entreprise et la sécurité pour nos collaborateurs restent essentielles. En liant notre engagement au bénéfice net, nous gardons le contrôle. Cela motive aussi nos collaborateurs. Cela nous aide à attirer des talents et nos clients l’apprécient. Mais nous le faisons avant tout parce que nous estimons que c’est notre responsabilité, maintenant que nous sommes une entreprise saine. »
Rituals répartira les ressources entre six initiatives à forte pertinence sociétale ou écologique. « En façade, nous créons des produits qui font plaisir aux gens. En coulisses, nous voulons contribuer au bien-être des personnes et de la planète », déclare le Néerlandais.
Ainsi, Rituals soutient Tiny Miracles, une entreprise sociale qui aide des familles dans les bidonvilles indiens à sortir de la pauvreté, et War Child, qui améliore le bien-être des enfants dans les zones de conflit.
« En façade, nous créons des produits qui font plaisir aux gens. En coulisses, nous voulons contribuer au bien-être des personnes et de la planète »
Impact éducatif et environnemental
Super Chill est une plateforme éducative pour les enfants de six à douze ans, développée avec l’Université d’Amsterdam, pour les rendre plus résilients face à la pression mentale des réseaux sociaux. Sur le plan écologique, Rituals investit dans Sacred Forests, un projet qui restitue 20 000 hectares de forêt tropicale colombienne aux communautés indigènes. L’entreprise soutient également Blue Marine Foundation et National Geographic Pristine Seas, deux organisations engagées dans la protection des écosystèmes marins.
Ces initiatives ne sortent pas de nulle part. Raymond Cloosterman siège depuis des années au conseil d’administration de War Child, et Rituals collabore depuis longtemps avec Tiny Miracles. « Nous voulons maintenant aller plus loin – de façon structurée, avec des montants plus importants et une mission claire. » Mais cette approche nécessite plus que de l’argent. « À ce stade, il est plus difficile de bien dépenser l’argent que de le gagner », admet Raymond Cloosterman. La répartition des bénéfices ne sera donc pas rigide. « Chaque initiative ne recevra pas forcément un sixième du budget. Nous recherchons des partenariats stratégiques, qui vont au-delà du don financier, en mobilisant aussi nos ressources et notre expertise. »
Marketing moral
Céder 10 % du bénéfice net semble généreux, mais soulève en même temps des questions. Cet engagement ne prête-t-il pas le flanc aux critiques de marketing moral, accusant la philanthropie de n’être qu’un vernis destiné à embellir la stratégie commerciale ? « Ce risque existe toujours », reconnaît Raymond Cloosterman. « Les critiques y voient une sorte d’indulgence moderne, une façon de se racheter une conscience. » « Mais honnêtement, il y a davantage de risque avec la certification B Corp. Surtout lorsque certaines entreprises la considèrent, à tort, comme un aboutissement. À l’inverse, l’engagement sur les bénéfices découle lui d’une motivation profondément ancrée.»
Alors que Rituals continue de croître, la question se pose : qu’est-ce qui motive encore Raymond Cloosterman après 25 ans ? « La curiosité », répond-il. « J’ai besoin d’innovation pour continuer à me développer. Je veux bâtir quelque chose qui existera encore dans cent ans. » Et avec une entreprise qui change de forme tous les quelques années, le défi reste passionnant. « En vingt ans, nous sommes passés de zéro à un milliard d’euros de chiffre d’affaires. Cinq ans plus tard, à deux milliards. Tous les deux ans, je deviens le PDG d’une entreprise différente, et c’est ça qui rend les choses incroyablement intéressantes. »