Reyers 2030: la “cité des médias” s’étendra sur 20 hectares bruxellois
Les premiers coups de pelleteuse ont été donnés pour le futur Mediapark à Bruxelles. Le projet est ambitieux: doter la capitale d’un nouvel écosystème dédié aux médias et aux industries créatives dans un espace vivant qui comprendra aussi des parcs, des commerces et des logements. Visite guidée.
C’est une nouvelle page qui s’écrit dans l’histoire socioéconomique de la ville. Au début de ce mois de juillet, le coup d’envoi d’un nouveau chantier ambitieux a en effet été donné par le ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale. Téméraire, Rudi Vervoort s’est improvisé conducteur de pelleteuse pour creuser symboliquement les fondations de Mediapark sous l’oeil rieur d’une délégation officielle.
Située à l’ombre de la tour Reyers, cette future “Cité des Médias” englobera non seulement les nouveaux sièges de la VRT et de la RTBF mais aussi tout un pôle dédié à l’industrie audiovisuelle qui réunira des entreprises, des écoles et des organismes actifs dans le secteur créatif.
Mi-vert mi-béton
Ce morceau de ville inédit ne sera pas un “ghetto techno” pour autant puisque Mediapark intégrera également des commerces, des logements et des espaces verts pour donner un souffle de vie supplémentaire à cet écosystème. Déployé sur 20 hectares dans la commune de Schaerbeek, ce nouveau quartier prévoit la construction de 382.000 m2 de nouvelles surfaces sur la moitié du domaine, l’autre étant composée de lieux de passage et d’espaces verts. Outil majeur du développement de la Région de Bruxelles-Capitale, la Société d’aménagement urbain (SAU) est chargée de la mise en oeuvre opérationnelle du Mediapark et assure donc le rôle de coordinatrice du chantier. C’est elle qui est également aux commandes de la construction du bâtiment emblématique de cette future Cité des Médias dont les travaux viennent d’être lancés: l’immeuble Frame (8.000 m2) qui sera la vitrine de Mediapark, le long du boulevard Reyers.
La tour Reyers ne remplira plus sa mission originelle de relais hertzien mais sera affectée à une autre activité, encore à définir.
Déployé sur sept niveaux, ce bâtiment accueillera le futur siège de la télévision régionale BX1, l’institut de formation Ihecs Academy, un espace de coworking pour différents acteurs des médias, un auditoire pour des conférences et des projections, et très probablement les bureaux de Screen Brussels, la structure régionale d’accompagnement pour les entrepreneurs de l’industrie audiovisuelle, qui n’a toutefois pas encore confirmé formellement sa présence dans l’immeuble.
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Deux sièges flambant neufs
Opérationnel à l’automne 2023, le bâtiment Frame porte un nom qui est une référence directe au cadrage dans les métiers de la télévision et du cinéma. La forme de sa façade principale est d’ailleurs rectangulaire et n’est pas sans rappeler une autre structure représentative du Mediapark dont l’allure est esthétiquement très proche de Frame: le futur siège de la RTBF, baptisé Mediasquare, qui devrait être inauguré en 2024.
Beaucoup moins énergivore que l’actuel paquebot Reyers, le nouvel immeuble ertébéen sera également beaucoup plus petit (38.000 m2 contre les 80.000 m2 de l’actuelle “casa Kafka”) et jouera davantage la carte de la transparence. Dans cette reconfiguration des services audiovisuels publics, les bureaux de la RTBF seront cette fois complètement séparés de la VRT qui aura, elle aussi, son propre édifice sur le site de Mediapark. Le nouveau siège de la radio-télévision flamande – qui sera composé de deux volumes superposés – sera presque deux fois plus grand que son homologue francophone (65.000 m2 dont 40.000 m2 hors sol) et ne devrait être inauguré qu’à l’été 2026.
Lorsque la RTBF et la VRT auront terminé leur déménagement respectif vers ces nouveaux bâtiments, l’ancien paquebot Reyers (construit dans les années 1960) sera alors démoli ou plutôt démembré dans une optique plus durable de recyclage des matériaux. Fastidieuse, cette opération – prévue en 2027 – prendra certainement plusieurs mois et ce n’est que lorsque le terrain des anciens sièges des télévisions publiques aura été complètement dégarni qu’un nouveau chantier verra le jour pour accueillir différents immeubles de bureaux et de logements dans cette partie ouest du Mediapark.
Avant cela, à l’est du site cette fois, d’autres immeubles auront déjà été construits pour accueillir aussi des appartements, des commerces et d’autres infrastructures autour d’un vaste parc de quelques hectares. Au total, ce ne sont pas moins de 1.600 nouveaux logements qui seront ainsi créés dans un quartier “renouvelé, mixte, ouvert, animé, axé sur les médias et les industries créatives” (dixit la SAU) dont l’aspect définitif ne sera toutefois pas visible avant 2030, voire même 2035 selon les scénarios les plus prudents.
La Région de Bruxelles-Capitale montre clairement son ambition: créer en un même lieu un pôle innovant axé sur l’audiovisuel et les industries créatives.
Nouvelle vie pour la tour
Symbole partagé de la RTBF et de la VRT, la tour Reyers (89 m) sera le nouvel étendard du Mediapark dans une fonction toutefois inédite. La “soucoupe volante”, comme on la surnomme volontiers, ne remplira plus sa mission originelle de relais hertzien mais sera affectée à une autre activité. L’année dernière, la SAU a en effet lancé “un appel à manifestation d’intérêt” (sic) pour désigner une équipe d’architecture chargée de réfléchir à l’avenir de la tour Reyers. “L’appel est clôturé et une étude de faisabilité sur les potentialités de reconversion est actuellement menée mais il est encore trop tôt pour évoquer différents scénarios, explique Pascal Sac, porte-parole de la SAU. En fonction des résultats de cette étude, une décision sera prise et les travaux pourront alors commencer car il faudra certainement rénover ce bâtiment pour sa nouvelle affectation.”Musée, hôtel, restaurant panoramique… Les fantasmes architecturaux se multiplient autour de ce point de repère emblématique du paysage bruxellois. Mais là aussi, il faudra sans doute attendre une dizaine d’années avant d’en voir le résultat concret.
Avec le déploiement du futur Mediapark, la Région de Bruxelles-Capitale montre clairement son ambition: créer en un même lieu un pôle innovant axé sur l’audiovisuel et les industries créatives, non seulement pour promouvoir un secteur qui mobilise aujourd’hui plus de 20.000 personnes dans la capitale (lire l’encadré “Un secteur de poids” ci-dessous) mais surtout pour favoriser les synergies entre les médias, les écoles et les entreprises concernées.
“Nous n’avons encore rien signé, mais Screen Brussels pourrait s’installer dans le bâtiment Frame à l’horizon 2023-2024, confie Noël Magis, directeur de Screen Brussels Fund, la branche dédiée au financement des productions audiovisuelles en région bruxelloise. Car Mediapark sera un accélérateur de business et de visibilité, ainsi que la démonstration de la volonté de la Région de Bruxelles-Capitale d’exploiter l’industrie audiovisuelle comme une activité de développement économique. Il y aura aussi pas mal de potentiel pour y accueillir des organisations internationales et des lobbys actifs dans le secteur des médias et de la publicité puisque cet écosystème sera idéalement situé entre le quartier des institutions européennes et l’aéroport de Bruxelles-National.”
Un secteur de poids
Selon une étude menée conjointement par l’ULB, la VUB et l’Université Saint-Louis en 2017, le secteur audiovisuel générerait près de 6.300 emplois directs en Région de Bruxelles-Capitale ainsi que plus de 8.500 emplois dans le secteur connexe de la communication, soit près de 15.000 emplois au total. Si l’on ajoute les free-lances et les intermittents actifs dans le secteur, le nombre de personnes impliquées dans la production de contenus médiatiques dépasserait les 20.000 unités.
La Région de Bruxelles-Capitale est également le territoire où se concentre l’essentiel de la production et des activités liées aux médias en Belgique, générant ainsi 40% de la valeur ajoutée nette totale de l’industrie des médias du pays. A Bruxelles, environ 6.500 entreprises et organismes sont des employeurs actifs dans cette industrie, ce qui représente 6,4% du total des quasi 100.000 employeurs bruxellois.
L’exemple sud-coréen
Accueillir des entreprises étrangères et pourquoi pas des investisseurs au coeur du futur Mediapark, telle était aussi la volonté de l’ancienne secrétaire d’Etat bruxelloise au Commerce extérieur, Cécile Jodogne, lorsqu’elle signa en 2017 un accord de partenariat entre Brussels Invest & Export (devenu Hub Brussels un an plus tard) et Seoul Business Agency, l’agence de développement économique de la capitale sud-coréenne. A l’époque, la secrétaire d’Etat participait à la mission économique princière au pays du Matin calme et le projet du Mediapark bruxellois était déjà à l’étude. Or, la ville de Séoul possédait en son sein, depuis le début des années 2000, une Digital Media City, toujours dynamique aujourd’hui. En clair: un quartier de 57 hectares qui concentre près de 500 entreprises actives dans les médias, les télécoms et le divertissement mais qui comprend également des commerces, des parcs et des logements, à l’instar du futur Mediapark bruxellois. Inspirant, l’exemple sud-coréen a donc favorisé un accord de partenariat entre les deux capitales pour l’échange d’idées et de savoir-faire. Mais qu’en reste-t-il quatre ans plus tard? “Cet accord a débouché sur des actions très concrètes, répond Laurent Verbiest, responsable des investissements en zone Asie chez Hub Brussels. Deux mois après la visite princière, une délégation sud-coréenne est venue à Bruxelles pour découvrir le projet du Mediapark in situ et faire part de leur expertise. En 2019, lors de la visite d’Etat du Roi et de la Reine en Corée du Sud, nous avons ensuite organisé un séminaire au sein de la Digital Media City avec un pitch d’entreprises belges et coréennes actives dans le numérique. Malheureusement, le Covid-19 a stoppé les voyages et momentanément freiné les résultats qu’on pouvait attendre de ce partenariat.”
Un point d’accroche
Aujourd’hui, l’objectif de Hub Brussels est de relancer cette dynamique entre les deux partenaires pour nourrir le projet bruxellois et convaincre, à terme, des entreprises coréennes de venir s’installer dans la capitale de l’Europe. “Le Mediapark doit être un point d’accroche fédérateur, conclut Laurent Verbiest. Il doit attirer des médias coréens et des entreprises actives par exemple dans la réalité virtuelle ou l’intelligence artificielle qui pourraient proposer des solutions aux Belges, mais il ne doit surtout pas se limiter à un seul pays. Il représente un vrai atout que l’on devra faire valoir à l’international.”
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