Thomas De Praetere (Dokéos) : « Former dans les entreprises au sujet des règlementations ou de l’IA, c’est vital »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Ce philosophe est devenu chef d’entreprise et propose des formations professionnelles en ligne, surtout sur le marché français. Une belle histoire. Ses services constituent une condition de survie pour les entreprises.

Thomas De Praetere, CEO de Dokéos, est l’invité de notre Trends Talk, qui passe en boucle ce week-end sur Canal Z. L’occasion d’un voyage passionnant autour de la formation professionnelle avec un philosophe devenu entrepreneur. Créée en 2004, sa société emploie désormais 30 personnes et est surtout active en France, tout en étant installée en Belgique et au Maroc.

Le philosophe entrepreneur

« A l’époque, j’étais professeur invité à l’UCLouvain, je donnais des cours de philosophie et d’argumentation, raconte-t-il. C’était le début d’internet. Je me suis mis à faire des ateliers en ligne avec des ingénieurs qui n’aimaient pas du tout la philosophie.  Les autres profs m’ont dit : ‘fais un truc marrant, collaboratif. Au lieu de donner cours sur Aristote, Kant, Platon, je les ai mis dans des petits groupes en ligne où l’on parlait de liberté et où chacun représentait un philosophe. De fil en aiguille, je me suis mis à inventer un logiciel et à avoir un premier client, l’Institut de formation de l’administration, à Bruxelles pour faire des examens de recrutement, de la formation sur la réglementation. » Le philosophe a créé son entreprise. Presque sans le savoir.

Thomas De Praetere devient l’initiateur d’une formation continue précieuse dans les entreprises. « Nous collaborons avec les entreprises pour former leur personnel. C’est souvent très concret : une entreprise de nettoyage qui 60 000 collaborateurs, dans le sud de la France, qui doit leur apprendre à nettoyer, bien sûr, mais savoir comment se comporter dans une centrale nucléaire, nettoyer une gare en évitant que les gens ne glissent… » Dokéos fabrique des formations pour les accompagner.

Un besoin vital de formation

« Il ne s’agit pas de faire de l’évangélisation, prolonge le CEO, mais bien de faire appel à l’intelligence collective, de fonctionner avec des jeux de rôle… Une philosophie qu’il illustre avec de nombreux exemples, lors de ce Trends Talk.

Avec l’innovation incessante, les règlementations qui foisonnent, le besoin de ces formations n’a jamais été aussi importants. Elles sont cruciales pour que les entreprises se distinguent. « Plus le monde innove, et plus il se rapproche de la catastrophe climatique, plus il a besoin de règlementations, explique Thomas De Praetere. On peut avoir l’impression que l’on est dans un marché à deux avec un fournisseur et les gens qui achètent, mais il y a troisième acteur qui est l’Etat, la collectivité locale, l’Europe… Nous travaillons beaucoup avec les entreprises pharmaceutiques : ces gens-là sont suspendus à leur autorisation de mise sur le marché qui dépend des réglementations. C’est le cas aussi pour toutes les entreprises du transport, de la logistique. S’adapter, c’est fondamental pour la survie, avant la compétitivité. »

L’enjeu crucial des données

Thomas De Praetere est frappé par une tendance : « De plus en plus de clients veulent sortir du cloud, ce nuage où se trouvent nos données, souligne-t-il. Nous avions connu dans les années 2010 le triomphe du cloud. Mais votre compte mail, vous ne savez pas ur quel serveur il se trouve, votre outil de collaboration non plus. Ce cloud a permis de réaliser des économies d’échelle, de garantir la qualité, de moins tomber en panne… Il a enrichi tout le monde, les clients et les fournisseurs. Mais aujourd’hui, l’enjeu autour des données est devenu central. Les données, c’est un peu le nouvel or blanc, la fuite des données est comparable à la fuite des capitaux. De plus en plus d’acteurs, en France et en Allemagne, se disent souverains et veulent récupérer leurs données. »

C’est lié : le CEO souligne encore l’importance de bien aborder la révolution de l’intelligence artificielle, qui sous-entend surtout de bien gérer les données. « J’essaie d’avoir une vue un peu philosophique sur l’IA, explique le CEO de Dokéos. L’IA, c’est de la logique formelle, d’ailleurs on ferait mieux de l’appeler « raisonnement statistique », c’est un peu moins sexy, mais quand on parle d’intelligence artificielle on a l’impression d’avoir un robot en face de soi. En réalité, ceux qui fabriquent l’IA disent que ‘est un système intellectuellement très peu performant, mais qui a beaucoup de données. La question de l’IA est intimement liée à la question des données. » D’où la nécessité de bien les gérer La question juridique est centrale. Et les formations peuvent aider à faire face à cet enjeu majeur. 

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